Depuis maintenant 18 mois, il est le maire de la commune urbaine de Fada N’Gourma. Du bilan de ses actions à la crise qui a secoué le début de son mandat en passant par l’épineuse question des infrastructures dans la région de l’Est, Yendifimba Jean-Claude Louari, le bourgmestre de la cité de Yendabli, répond sans langue de bois à nos questions. C’était le mercredi 24 janvier 2018.
Lefaso.net : Pouvez-vous brièvement nous présenter la commune que vous dirigez ?
Jean-Claude Louari : La commune de Fada N’Gourma a été créée le 2 janvier 1970, selon les informations que nous avons. Elle est dans la province du Gourma et est située au centre de la province. La ville de Fada qui est le chef-lieu de la commune est à 220 km de Ouagadougou capitale du Burkina Faso sur la route nationale n°4 (RN4).
Elle couvre une superficie de 3 400 km² et est limitée au nord par la commune rurale de Yamba, au sud par la commune urbaine de Pama dans la province de la Kompienga et la province du Koulpélogo, à l’Est par la commune rurale de Matiacoali et à l’Ouest par les communes rurales de Diapangou et de Diabo. Selon le recensement général de la population de 2006, elle comptait 123 594 âmes et les projections de 2020 donnent à la commune de Fada, environ 208 700 habitants. La commune compte 11 secteurs (pour la ville de Fada) et 34 villages rattachés et une quarantaine de hameaux de culture. Les femmes représentent environ 50,04% de la population et les hommes 49,9%.
Lefaso.net : Quel bilan faites-vous à mi-parcours de votre mandat à la tête de la commune ?
Jean-Claude Louari : Le bilan que nous faisons sonne positif et nous avons eu l’occasion de présenter ce bilan le 8 décembre dernier à travers la journée de dialogue et d’interpellation communautaire qui est une journée de redevabilité au cours de laquelle nous avons invité l’ensemble des citoyens de cette commune pour faire le point des acquis, des insuffisances et de la vision de nos actions.
Mais il faut dire que pour parler du bilan, il est important pour nous de dire déjà que nous avons une vision dont découle notre Plan communal de développement (PCD). La vision de la commune de Fada est : « La commune de Fada N’Gourma, en 2025, a une économie forte qui tire son potentiel de développement de sa position géographique, valorise de manière durable ses ressources naturelles, culturelles et touristiques, dispose des services sociaux de base performants fondés sur une démocratie locale participative et inclusive ».
C’est à travers donc cette vision que nous avons élaboré le PCD et cette vision tire son essence du Plan national de développement économique et social du Burkina Faso (PNDES) qui est le référentiel de développement de notre pays. Ce PCD tient aussi compte de nos capacités réelles de mobilisation de ressources financières pour éviter que nous fassions une planification un peu trop ambitieuse avec laquelle on va se retrouver avec un taux d’exécution peu satisfaisant.
Lefaso.net : De manière concrète, qu’est-ce qui a été fait sur le terrain en termes d’investissement ?
Jean-Claude Louari : En termes de bilan chiffré au cours des 18 mois, nous avons réalisé un certain nombre d’investissements. C’est la chose la plus importante parce que les populations veulent le concret. Pour ce qui est des salles de classes et des écoles, nous avons construit environ 10 blocs de 3 salles de classe et réalisé la salle de professeurs du lycée communale. Nous avons aussi réalisé 19 forages, acquis 7 motos pour nos Centres de santé et promotion sociale (CSPS) et une ambulance que nous allons remettre parce que nous avons invité le ministre de la Santé à nous accompagner pour la remise officielle.
Nous sommes actuellement en train de nous occuper de l’éclairage solaire au niveau du marché central, entre autres. Mais au-delà, nous avons décidé d’accompagner nos établissements en ressources pour faire face aux frais de vacations. Il faut le dire chaque année la région de l’Est est victime d’une situation particulière : les professeurs fonctionnaires de l’Etat qui quittent de la région sont plus nombreux que ceux qui y sont affectés.
Par conséquent, nos établissements se retrouvent face à un gros besoin de vacation et très souvent les ressources qui sont à leur disposition ne leur permettent pas de prendre en charge ces vacations. Et pour l’année 2017, nous avons investi environ 15 millions de F CFA pour accompagner les établissements dans la prise en charge des vacations et nous comptons faire plus pour l’année 2018. Ensuite, nous sommes en train de construire un certain nombre de CEG dans les gros villages qui sont autour de Fada comme Nagré et Kouaré.
Nous sommes également entrain d’agrandir le lycée de Namoungou dans la commune de Fada parce que nous avons constaté une grande déperdition pour les enfants qui viennent de ces villages. Immatures, ils quittent leurs milieux pour poursuivre les études loin des parents dans la grande ville. Très souvent, quand vous comparez leurs résultats au secondaire et au primaire, c’est le ciel et la terre. Notre vision est donc de rapprocher les établissements secondaires des villages pour permettre aux enfants, en étant toujours auprès des parents, d’aller suivre les cours. Cela permet un meilleur encadrement.
Lefaso.net : Quelles sont les perspectives qui se dégagent désormais ?
Jean-Claude Louari : Pour nos, les perspectives c’est de continuer parce que la commune urbaine de Fada compte beaucoup de zones où les populations boivent toujours l’eau à la marre. Nous avons donc en perspective, pour ce premier trimestre de l’année 2018, de réaliser 33 forages et de construire le marché des fruits et légumes de la ville de Fada. Nous comptons également accompagner les associations, les groupements de femmes des villages afin qu’elles puissent disposer de moulins à grain parce que quand on fait le tour d’un certain nombre de villages, les femmes sont souvent obligés de faire des grandes distances rien que pour aller moudre le grain.
Lefaso.net : Quel est l’état des lieux de l’assainissement dans la ville de Fada ?
Jean-Claude Louari : En ce qui est de l’assainissement, il faut reconnaitre que tout est à faire. C’est un défi important parce que tout ce qu’il faut faire dans le domaine de l’assainissement coûte très cher. Notre engagement pour cette année dans ce domaine, c’est de mettre en place un projet de collecte et de gestion des ordures ménagères et nous l’avons évalué à environ 200 millions de F CFA. Cela va consister à mettre en place une organisation avec les associations de jeunes et de femmes pour la collecte des ordures dans les ménages, le transport de ces ordures vers les sites de transit et ensuite le transport de ces sites vers les décharges municipales que nous allons construire.
Mais qui parle aussi de collette d’ordures ménagères parle de poubelle et ce n’est pas tous les ménages qui sont capables de disposer de poubelles alors que la commune non plus n’est pas capable de distribuer des poubelles à tous les ménages. Nous avons donc essayé de couper la poire en deux, en subventionnant les poubelles de 50%, ce qui devrait nous permettre de mettre environ 5 000 poubelles à la disposition des ménages de notre ville.
Ce nombre n’est rien par rapport à la taille de la ville mais ces 5 000 poubelles représentent notre capacité de financement et nous espérons pouvoir poursuivre dans cette dynamique pour les années à venir. Dans ce projet, notre ville jumelle, Epernay (France) s’est engagée à nous accompagner et actuellement (NDLR, 24 janvier 2018), elle a dépêché une mission qui est là et nous avons déjà eu plusieurs séances de travail autour de ce projet. Des échanges que nous avons eus, les perspectives sont très bonnes et nous pourrons certainement bénéficier de son accompagnement pour la mise en œuvre de ce projet.
Lefaso.net : Quelles relations entretenez-vous avec les conseillers de l’opposition après la crise que la commune a connue au début de votre mandat ?
Jean-Claude Louari : La crise est derrière nous. Je rends grâce à Dieu de nous avoir permis d’épargner notre commune de la délégation spéciale et je profite de l’occasion pour dire merci à tous les acteurs qui se sont impliqués et qui nous ont permis d’écarter de notre chemin cette situation.
Nous avons été l’une des premières communes à connaitre une crise parce que les élections ont eu lieu le 21 juin 2016, l’installation des élus que nous sommes s’est passée le 28 juin 2016 et la crise a éclaté le 8 juillet 2016, soit à peine 12 jours après notre installation. Dieu merci, cette crise est actuellement derrière nous. Depuis lors, il n’y a pas de relation particulière entre l’opposition et nous, en dehors des relations que nous entretenons avec l’ensemble des citoyens de la ville de Fada. Sauf qu’à un moment donné, ces personnes ont estimé ne pas se reconnaître dans ce que nous voulions faire et elles ont pris leur responsabilité.
Nous aussi, nous avons pris les nôtres. Mais comme la loi a prévu des cas de ce genre (sièges vides), nous avons donc fait appel à leurs suppléants qui siègent actuellement au conseil municipal et tout se passe bien. Nous tenons régulièrement nos sessions de pour l’année 2017 (7 sessions dont trois extraordinaires). Pour 2018, nous avons tenu hier (NDLR, 23 janvier 2018) et aujourd’hui notre première session extraordinaire de l’année. Tout se passe relativement bien, mais nous pensons aussi que nous devons continuer d’entretenir cette bonne relation au sein de notre conseil municipal.
Je tiens à féliciter l’ensemble des conseillers de notre conseil municipal parce qu’actuellement les rapports sont empruntes de cordialité, de respect mutuel et les décisions se prennent de façon collégiale. Aujourd’hui, au sein de notre conseil, on ne sait pas qui est de la majorité et qui est de l’opposition parce que l’ensemble des actions que nous menons, nous le faisons ensemble et cela fait qu’il y a une ambiance bonne enfant dans notre conseil municipal.
Lefaso.net : Quelles seront vos ambitions à la fin de ce premier mandat ?
Jean-Claude Louari : (Rires …) Je suis à peine à un tiers de mon mandat et vous me parler du prochain mandat ? (Soupir et un petit silence .) Je demande seulement à Dieu pour l’instant de m’aider à conduire mon mandat à terme et de m’offrir des perspectives pour le financement des différents chantiers que nous sommes en train d’ouvrir. Je souhaite que notre pays retrouve assez vite la paix sociale et que cette grogne du monde du travail se calme pour nous permettre de travailler sereinement. Ce sont les ambitions que j’ai et vraiment, les prochaines élections ne sont pas encore dans mon esprit.
Lefaso.net : La ville de Fada connait un manque de feux tricolores qui est souvent la cause des accidents de circulation à certains endroits. Qu’est-ce que la commune envisage à cet effet ?
Jean-Claude Louari : (Soupir !) C’est vrai, je suis d’accord avec vous qu’il n’y a pas suffisamment de feux tricolores mais dire que c’est parce qu’il n’ya pas suffisamment de feux tricolores qu’il y a autant d’accidents, je ne suis pas tout à fait d’accord. La ville de Fada n’échappe pas à ce que nous connaissons au niveau national : l’incivisme qui s’est installé dans notre pays et qu’il va falloir qu’on trouve les moyens pour juguler.
Aujourd’hui tout le monde connait ses droits mais personne ne connait ses devoirs. De plus en plus, le Burkinabè n’est plus tolérant, ce qui est souvent la cause des accidents que nous enregistrons. Si vous prenez les feux tricolores, ils permettent de juguler les éventuels accidents qui pourraient subvenir dans les croisements, mais beaucoup d’accidents se font en dehors des croisements parce que tout le monde a tendance à faire comme il veut et comme s’il était chez lui, alors que la route est un patrimoine commun. Il y a des règles qu’il faut respecter. De plus, Fada est une agglomération qui a des limites de vitesse mais souvent les jeunes roulent au-delà des limites de la vitesse imposée. Pour moi ce n’est pas seulement le problème des feux tricolores mais il y aussi le problème de l’incivisme.
Lefaso.net : Le monde éducatif vit une crise sans précédent.Quelle est votre appréciation de cette situation au Burkina Fasoet plus précisément à l’Est ?
Jean-Claude Louari : Je ne voudrais pas m’hasarder dans un domaine que je ne maitrise pas. Je ne connais pas les fondements de la crise et de ce que j’ai pu entendre sur la plateforme revendicative que nous avons dans la presse, il faut reconnaitre qu’une partie des causes est à aller chercher très loin, voire dans un passé lointain. Je ne voudrai pas m’hasarder à débattre d’une question que je ne maitrise pas. La seule chose que je puisse dire est que je souhaite que les plus hautes autorités de notre pays trouvent une solution afin que le monde éducatif reprenne les activités normalement dans les meilleurs délais.
Nous avons constaté que son excellence le Premier Ministre Paul Kaba Thiéba s’est auto saisi du dossier, avec l’accompagnement du Ministre de tutelle, nous avons aussi, à travers les ondes, appris qu’il y a des négociations en cours et qu’elles sont très avancées. Ce que nous souhaitons, c’est qu’assez rapidement une fumée blanche se dégage pour nous permettre de vaquer à nos occupations. Au-delà des autres régions, la région de l’Est a depuis plus d’une dizaine d’années les plus mauvais résultats en termes de succès aux différents examens organisés dans notre pays.
Nous sommes donc inquiets pour l’avenir de nos enfants mais nous savons aussi que le gouvernement est en train de travailler pour nous sortir de cette situation qui n’a que trop duré. Nous souhaitons donc que Dieu puisse les inspirer afin qu’ils prennent les décisions idoines devant donc permettre de retrouver la sérénité. Mais l’autre crainte est qu’on se retrouve avec un effet domino où on prend des décisions pour une catégorie et l’autre catégorie des fonctionnaires se met à réclamer sa part du gâteau.
Lefaso.net : La question des infrastructures passionnent les débats dans la région de l’Est. Pensez-vous comme certains que la région est délaissée par les autorités ?
Jean-Claude Louari : Je ne pense pas du tout que la région de l’Est soit délaissée. L’Est est une très grande région et ce n’est pas comme les autres régions où quand on réalise cinq kilomètres, cela est visible. Pour ceux qui ne le savent pas, la région de l’Est est plus grande que le Rwanda. Donc une partie de la population voit le bénéfice des investissements en termes d’infrastructures mais l’autre partie qui est très loin de ces investissements, ne le perçoit pas et a cette tendance à penser que rien n’est fait.
Pour ceux qui ne le savent pas, peux parcourir 400 km à l’intérieur de la région de l’Est. En termes de kilomètres de voies bitumées ou de pistes rurales dans la région, comparativement aux autres régions, nous ne sommes pas les derniers. La seule différence, c’est la taille de la région qui donne l’impression que rien n’est fait. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la région de l’Est est oubliée. Au contraire, il y a un travail extraordinaire qui est fait mais c’est légitime pour nous de continuer à dire « c’est bon mais ce n’est pas arrivé » parce que nous souhaitons toujours que les autorités nous accompagnent et n’hésitons pas aussi chaque fois que c’est possible à les interpeller.
Parlant toujours des infrastructures, au regard des infrastructures hydrauliques réalisées en termes de forages et de barrages dans la région, nous pouvons nous considérer comme les plus privilégiés mais comme notre région est grande cela donne l’impression que y a pas grand chose. C’est dire donc que nous ne sommes pas oubliés, mais l’Etat central devrait tenir compte du fait que notre région est très grande et investir conséquemment.
Lefaso.net : Pour 2018, quels sont vos vœux à l’endroit de vos citoyens ?
Jean-Claude Louari : Je souhaite que cette année 2018 soit pour nos concitoyens, une bonne et heureuse année ou chacun pourra profiter d’une bonne santé, parce que la base de l’investissement de l’homme dans le développement, c’est la santé. Après, je souhaite que les uns et les autres puissent manger à leur faim et nous souhaitons donc que pendant l’année 2018, Dieu nous accorde une très bonne saison hivernale parce que celle de 2017 n’a pas été à la hauteur de nos attentes. Bien que la région de l’Est ne soit pas considérer comme une zone déficitaire, la situation n’est pas rose dans certaines communes.
A cela il faut ajouter qu’avant 2016, l’une de nos préoccupations de développement était le problème de l’insécurité qui était même devenu l’un des facteurs déterminant du développement. Certains partenaires étaient en train de plier bagages et d’autres avaient peints notre région en rouge et quand on y affectait un fonctionnaire, il n’avait pas envie de venir parce qu’on disait que dans cette région, l’insécurité était très ambiante. Dieu merci, depuis 2016, cette situation a changé et les statistiques fournies par la Direction régionale de la police nationale lors de la visite du Ministre d’Etat, ministre de la sécurité, précisent que nous sommes passés de plus de 300 attaques à main armée en une année à moins de 50.
Cela veut dire que les choses ont beaucoup changés et nous souhaitons donc que l’année 2018 soit l’année ou l’insécurité va être réduite à sa plus faible expression afin de permettre aux populations de vaquer à leurs occupations. Ainsi, les questions de coupeurs de routes et d’attaques à main armée à domicile ne seront plus qu’un souvenir à raconter à nos enfants. Nous souhaitons aussi que l’année 2018 soit une année de paix et de cohésion pour notre pays et que les questions d’eau et d’assainissement trouvent le début d’une solution à long terme pour permettre à la population d’avoir une bonne santé afin de s’occuper des choses essentielles pour le développement.
Nous souhaitons aussi pour nos plus hautes autorités, une bonne et heureuse année et souhaitons que Dieu continue de les inspirer afin qu’elles puissent prendre les décisions les plus sages qui permettent à notre pays de continuer d’avancer.
Entretien réalisé par Soumaila SANA
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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