Produit qui faisait la fierté du Burkina hors de ses frontières, notamment en Europe, la production du haricot vert semble traverser un moment de ralentissement. Et pour cause, la quantité d’exportation de cette culture vivrière a profondément chuté. Pour mieux comprendre la situation, nous avons rencontré Saïdou Ouédraogo, producteur et membre du Conseil d’administration de la Confédération paysanne du Faso (CPF).
Lefaso.net : Parlez-nous de la filière du haricot vert au Burkina ?
Saïdou Ouédraogo : Il faut dire qu’auparavant, la filière du haricot vert était très bien valorisée et promue au Burkina par l’Union des coopératives agricoles et maraîchères du Burkina, dénommée UCOBAM. Et comme elle était chargée de gérer la commercialisation du produit, c’est-à-dire son exportation en Europe, la filière était très prisée et organisée. En plus de ce rôle, elle accompagnait les producteurs dans l’approvisionnement en intrants. Ce fût alors une période où le Burkina a été classé premier producteur africain du haricot vert. Mais par la suite, ladite structure a connu une faillite et la filière a été abandonnée entre les mains des entreprises privées qui n’arrivent pas à la reconstruire. Aujourd’hui, les producteurs se débrouillent comme ils peuvent, pour ne pas laisser la filière disparaître, surtout que depuis la révolution, le produit est de plus en plus consommé localement.
Existe-il une zone spécifique à la culture du haricot vert et quel est le cycle de production ?
Il n’y a pas de zone spécifique à la culture du haricot vert, c’est une plante qui peut être produite dans toutes les zones où la culture maraîchère est développée. C’est donc pour dire que toutes les régions sont adéquates pour la culture du haricot vert, s’il y a de l’eau. Pour ce qui concerne le cycle de production, il est très court ; parce que, lorsqu’il est semé et qu’il a poussé, quarante-cinq jours après, l’on peut le récolter. Mais, ce qu’il faut savoir, c’est une plante qui n’aime pas la pluie, donc elle n’est pas adaptée en période d’hivernage. Au-delà de ces conditions, c’est une plante qui ne peut pas être produite pendant la chaleur. En revanche, la bonne période pour produire du haricot vert au Burkina est comprise entre octobre et mars, c’est au cours de ces six mois de l’année que la production est adéquate.
A combien peut-on estimer le nombre de producteurs de cette variété au Burkina ?
Je sais qu’il y a beaucoup de producteurs du haricot vert au Burkina, mais comme ils ne sont pas recensés, c’est difficile de donner un chiffre exact sur ce point.
Peut-on avoir une idée de la quantité du haricot vert produit par notre pays ?
Dans le passé, la production du haricot vert dans notre pays s’élevait à plus de 1500 tonnes par an, mais de nos jours, la production annuelle ne dépasse pas les 1200 tonnes.
A combien s’élève la quantité de haricot vert exporté hors des frontières du pays et quelle est la part de la consommation nationale dans cette production ?
L’exportation du haricot vert au Burkina s’élève à 600 tonnes par an. Concernant la consommation nationale, il n’y a pas de statistiques fixes, mais elle dépasse celle exportée, parce que, la majorité des producteurs visent plus le marché local (il offre un rendement très acceptable).
Avez-vous une idée sur ce que ces exportations rapportent à l’économie nationale ?
Comme il n’existe plus de structure publique pour gérer la filière, c’est aussi difficile de connaître cet apport.
Il y avait une structure créée sous la révolution pour la valorisation et surtout l’exportation du haricot vert burkinabè, bien connu et prisé surtout en Europe. Que devient-elle à ce jour ?
Comme je vous le disais plus haut, cette structure n’existe plus, elle est morte. Pour commencer, il faut dire qu’avant la création de l’Union des coopératives agricoles et maraîchères du Burkina, UCOBAM, sous la révolution, il y avait d’abord une coopérative centrale paysanne appelée l’Union voltaïque des coopératives agricoles et maraîchères (UVOCAM). C’est cette structure qui est devenue par la suite UCOBAM pendant la révolution. C’était la structure-mère composée de plusieurs petites fédérations de coopérative, installées dans les différentes régions du pays pour la représenter. Ces petites fédérations étaient à cet effet chargées de fournir du haricot vert à la structure-mère qui était chargée de la collecte et de l’exportation de la production en Europe. C’est une structure qui a, de ce fait, contribué à la valorisation et la promotion du haricot vert burkinabè sur le plan international et cela a valu au Burkina d’être classé 1er producteur africain. Mais comme la structure n’existe plus, la filière est en perte de vitesse. Et depuis lors, ce sont les entreprises privées qui ont pris la relève, mais qui n’arrivent pas à l’organiser.
Avez-vous souvent l’impression que le haricot vert est actuellement bradé et que les producteurs ne profitent pas bien des fruits de leur labeur ?
Non, je ne peux pas affirmer cela ; parce qu’il y a le marché local qu’il ne faut pas négliger même s’il est désordonné, c’est un marché acceptable pour les producteurs.
Quelles sont les difficultés auxquelles les producteurs sont confrontés ?
Les producteurs sont confrontés à plusieurs difficultés. La première difficulté est la question du marché qu’il faut résoudre ; parce qu’il n’y a pas de prix fixe sur le marché local. Au niveau du marché international, il n’existe pas aussi de prix fixe ; c’est la vente par commission, c’est-à-dire que chaque exportateur négocie son prix avec son acheteur en Europe (ce qui n’arrange pas). La deuxième difficulté est, quant à elle, liée à la planification des productions (comme la production n’est pas planifiée), il arrive souvent que les producteurs produisent à des périodes où l’offre est supérieure à la demande ; ce qui crée souvent des méventes. La troisième difficulté se situe au niveau de la transformation, parce que jusqu’à présent, le Burkina n’exporte que la matière première ; ce qui n’est pas bénéfique pour notre pays.
De ces difficultés, quelles sont les propositions que vous avez à faire aux autorités compétentes pour y remédier ?
Ce que l’Etat peut faire, c’est d’aider les producteurs à reconstruire la filière parce qu’elle demande à être reconstruite sur plusieurs plans. D’abord, il faut qu’il y ait une bonne relation entre les producteurs, les transformateurs et les acheteurs au plan national. Ensuite, au plan international, il faut que l’Etat intervienne pour que l’on puisse planifier la production. Et, enfin, concernant le prix du produit, l’Etat doit intervenir pour qu’il y ait un prix fixe sur le marché international. Si toutes ces questions sont résolues, le Burkina retrouvera son rang d’antan.
Yvette Zongo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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