Dans un entretien qu’il nous a accordé ce mercredi 6 décembre 2017 au palais royal du Gulmu à Fada N’Gourma, Sa majesté Kupiendiéli 31e roi du Gulmu dans la cité de Yendabli, évoque plusieurs questions sur la chefferie coutumière. Rappel historique, le processus de nomination, comportement des candidats malheureux, sanction en cas d’insoumission, situation actuelle de Diabo avec deux chefs dont un autoproclamé, … il répond sans langue de bois à toutes les questions.
Lefaso.net : Pouvez-vous faire un bref rappel historique du Gulmu ?
Sa majesté Kupiendiéli : L’historique du Gulmu est illustré par des photos qui sont dans la cour royale, du moins pour la partie qu’on a pu illustrer. Sinon au départ au départ, c’était le fondateur du royaume. Ce n’était pas Bankiandé comme les gens le croient, il n’a été qu’un des derniers de la dernière partie du XIXe siècle à régner sur le Gulmu. Au début, c’était Diaba Lompo et là c’était aux environs de Diapaga que toute l’histoire du Gulmu s’est tissée.
Au fil des faits historiques, il s’est déplacé progressivement avec ses enfants et ensuite ses héritiers qui ont également laissé d’autres traces jusqu’à la zone de Pama (l’actuel chef-lieu de la province de la Kompienga) d’où ils sont remontés vers Makiacoali avant de terminer à Fada N’Gourma. Donc Fada n’a pas été fondé par Diaba Lompo ni par Bankiandé et c’est ainsi que nous nous retrouvons dans cette ville qui sert de capitale régionale aujourd’hui au XXIe siècle. Il y a beaucoup de péripéties avec les peuples voisins notamment dans la zone de Dori, où il y a eu beaucoup de conflits. A l’époque, ce n’était pas des conflits comme on le voit maintenant. Cela a marqué les sociétés du Nord et celles de l’Est donc actuellement nous vivons en très bons termes sans aucun souvenir historique qui nous sépare.
Quel est le processus de nomination d’un chef coutumier relevant d’une zone du Gulmu ?
Quand il y a vacance de pouvoir dans une localité, ce sont les populations qui viennent me décliner la vacance du poste. Et cela entraine un appel à candidature qui est automatique, il n’y a pas d’affiche, ni de communiqué. Un simple tambour suffit pour informer la population qu’il y a une vacance de poste dans leur localité, il faut aller voir un tel qui est chargé de supplier à notre dossier de nomination. Une fois que les candidats se sont présentés au niveau du roi, celui-ci procède à des enquêtes directes et indirectes pour savoir la nature du comportement des candidats et celui qui, parmi eux, parait le plus apte à gérer le village. C’est à l’issue de cela qu’après avoir convoqué tous les candidats, le roi procède à la nomination de celui qui doit gérer le village. Les autres candidats doivent transporter ce dernier hors de mon antichambre pour signifier premièrement qu’ils sont d’accord avec mon choix et deuxièmement que celui qui a été choisi est bien leur supérieur et qu’ils vont l’honorer. C’est comme cela que ça se passe.
Comment se fait la nomination du nouveau chef ?
Etant donné que j’ai fait le choix en présence des populations, ce sont les populations qui aident le candidat à se préparer pour revenir se prosterner devant le roi. En ce moment, il a choisi un nom de guerre comme on dit et il vient au palais remettre les présents coutumiers, décliner sa nouvelle identité. En ce moment je reçois les présents, je prends connaissance de son nom et je l’investis dans sa fonction de chef de la localité. Il n’y a pas d’autres formalités de plus.
Quelle attitude doivent adopter les candidats malheureux ?
Evidemment comme dans toutes compétitions, il y a parfois un ou plusieurs candidats qui se livrent pour une protestation contre la nomination de tel candidat, pourtant ils n’ont aucun argument valable. Chacun veut que ça soit lui, alors que je ne peux pas donner deux bonnets. Donc, il faut faire un choix et mon choix n’est pas dicté par le comportement de ces indisciplinés. Je fais mon choix en espérant qu’il soit le bon chef, même s’il ne peut pas être bon à 100%. C’est ainsi que de temps en temps, il y a des contestations parfois injustifiées et la ténacité de celui qui conteste est telle que parfois, il va jusqu’à s’autoproclamer chef, alors que celui contre lequel il lutte ne s’est pas autoproclamé.
On se retrouve donc avec un chef qui a été officiellement nommé par le roi compte tenu de certains critères, et un autre qui, parce qu’il a des ambitions, des prétentions, se proclame chef. Cela crée du désordre dans le village parce que par exemple si un visiteur arrive dans ce village et veut voir le chef, selon que l’on est pour ou contre l’un des chefs, on désigne celui qui s’est auto-proclamé ou celui qui a été proclamé par le roi. Cela crée une division dans le village et c’est nuisible à la sérénité des affaires et l’ambiance villageoise est totalement gâchée.
Quelles sont les sanctions en cas d’insoumission ?
Pour le moment il n’y a pas de sanction sauf que je ne le reconnaitrai pas comme chef parce que je ne peux pas avoir deux langages : un premier langage pour celui que j’ai nommé et un deuxième éventuel pour un candidat qui s’estime lésé. Pour moi, mon choix est le seul et il est définitif. Actuellement, nous n’avons pas de moyens de défense pour les cas d’insoumission. A l’époque coloniale, on pouvait emprisonner le candidat qui conteste la volonté du roi. Mais hélas, on n’en est plus là et on voudrait que les choses se passent autrement et on est en train de réfléchir à cela parce qu’on veut préserver la paix sociale. Ça ne sert à rien pour un individu donné de créer du désordre ou la guerre entre population du même village. C’est vilain pour le village et pour moi-même. Parce que, je passerai un mauvais quart d’heure en réfléchissant au fait que dans tel village où j’ai nommé un tel, il y a deux chefs. Cela n’est pas bon, en tout cas on fait tout pour éviter ce genre de situation.
Qu’est-ce que les populations doivent en termes de respect du processus pour une vie harmonieuse et le développement local ?
Le processus est actuellement en pointillée si je peux le dire, dans la mesure où nous n’avons pas de forces de l’ordre en matière coutumière. Nous souhaiterions donc que l’administration actuelle (le ministère de l’administration et de la décentralisation) prenne en compte les décisions du roi qui ne sont pas fondées sur une appartenance politique ou raciale …mais sur vraiment un choix qui doit favoriser l’harmonie dans le village. Donc nous demanderons à l’administration de constater la situation d’insoumission de x ou y, quitte à avoir ou non l’appui des autorités locales. C’est le cheminement pour le moment.
Qu’en est-il de la situation actuelle de Diabo où on parle de deux chefs ?
Le problème de Diabo n’est pas dénoué dans la mesure où c’est le jour de la sortie officielle du chef actuel qui est en fonction, après donc toutes les procédures de désignation, qu’un griot a proclamé chef un simple citoyen qui d’ailleurs n’était pas candidat puisqu’à aucun moment, il ne s’est présenté à moi pour exprimer son intention ou sa volonté d’être chef. Donc cette auto-proclamation est plus que mensongère, un défi à ma personne et cette situation malheureusement perdure parce qu’il y a des insoumis civils qui gravitent autour de lui et qui le soutiennent dans son comportement. Si l’incivisme doit avoir la bénédiction des partis politiques ce sera dommage parce que nous sommes à une époque où nous voulons que tout le monde sache que la loi a telle voie, l’insoumission est une voie contraire à la loi.
Donc cela doit aller de soi, quelqu’un qui ne se soumet pas, n’a pas été même pressenti par le roi, ne peut pas se comporter comme s’il avait des pouvoirs surnaturels au-dessus du roi. A tout moment, ceux qui s’autoproclament n’ont rien à voir avec la société et cela est dommage puisque, ils sont en train de pourfendre le dossier même, la nature paisible de la chefferie qui est de trouver un leader pour l’ensemble du village. Malheureusement, il y a encore des brebis galeuses. La situation de Diabo est une insulte à la coutume et c’est dommage.
Dans d’autres localités, l’insoumission est faite de façon sporadique. C’est dommage car on ne devrait même pas cautionner de telles pratiques mais puisqu’il en est ainsi, nous allons gérer le peu qu’on a avec nos moyens de bord et avec la bénédiction de l’administration qui, à tout moment, est informée de ce qui se passe et des conséquences que telle ou telle situation peut engendrer. On souhaite que la veille de l’administration soit utile pour la paix sociale.
Entretien réalisé par Soumaila SANA
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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