Les images du « marché aux esclaves de migrants africains » en Libye, diffusées par la chaîne américaine CNN ont fini de faire le tour du monde, suscitant passions citoyennes par ci, tensions diplomatiques par là. S’appuyant sur un communiqué du ministère des Affaires étrangères de son gouvernement en la matière, le chargé d’affaires de l’ambassade de la Libye au Burkina ce lundi 20 novembre, a condamné ce qu’il a qualifié de pratique inhumaine, contraire à la culture et au patrimoine du peuple libyen.
Pour le diplomate libyen Abdulrahman Khamada, si le résultat de l’enquête des autorités libyennes confirmait la pratique, les auteurs et leurs complices seront poursuivis et sanctionnés. Il a réaffirmé l’engagement clair et total de son pays au respect de la Charte des Nations-Unies à ce sujet et son attachement à l’application des lois et législations nationales qui incriminent le trafic des hommes et l’esclavage dans toutes ses formes. L’Etat libyen demande selon lui à ses partenaires, à ses amis régionaux et internationaux une coopération positive et constructive pour traiter ce phénomène négatif avec responsabilité, sagesse et courage. Il conclut que ce qui se passe en Libye est un « vieux problème ».
Vous dites vrai Monsieur le diplomate libyen, la traite négrière est un vieux problème. Elle ne se pratique pas seulement en Libye, auriez-vous dû ajouter. Oui, un si vieux problème au point où vous pourriez vous demander si l’Homme Noir n’est pas le damné de la terre ? Damné par certains peuples, par certains individus ou groupes d’individus de certaines races, certains blancs, certains arabes jusqu’à nos jours. Si en Libye on vend du Noir, aux USA, du Noir est abattu par une Police Ku-Kux-Klan sans sourciller. Dans des stade de football en Europe, des supporters blancs qui ont aimé ou qui aiment pourtant les passes aveugles de Pelé, les buts bicyclettes d’Amara Simba, les gris gris d’Abedi Pélé, les coups de boule de Drogba, de Pogba, les chirurgies d’Eto, Mané, Traoré etc. singent du nègre.
Si l’Homme Noir n’est pas un esclave prévu par le ciel pour d’autres, il y a des occasions comme celle-là, qui s’offrent à l’Afrique dans sa composante négroïde continentale et diasporique de briser les chaines du temps qui sont aussi les chaines de la pensée qui l’animalise. Dans cette croisade, les sincères alliés de l’Afrique s’y sont déjà joints. C’est des blancs qui ont même donné le ton. On ne pourra pas sans doute mettre fin à cette ignominie mais les africains se seront soulagés la conscience d’avoir une voix qui compte au moins pour nous dans le concert des nations. Les guerres modernes et intelligentes sont diplomatiques et le seront de plus en plus. L’Afrique saura-t-elle mener celle-là, qui la juge et juge de son existence ? C’est en cela que la rencontre UA-UE du 29 au 30 novembre 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire, offre une belle occasion aux africains de passer de la parole aux actes dans ce concert. L’arrivée du Président français (Emmanuel Macron) deux jours avant (ce 27 novembre) en est une, en prélude. Espérons qu’il ne viendra pas dire aussi comme son frère Sarkozy (AAH NON, ce dernier est Hongrois de son histoire) que l’Afrique n’est pas rentrée dans l’Histoire.
Parlant de l’Afrique dans le concert des nations, nous avons déjà emprunté l’idée à Sawadogo (2001:35) :« Toute vie collective se fonde sur un récit qui réunit des individus en un ensemble spécifique en leur assignant une attitude à l’égard des êtres qui composent l’univers en général et une position vis-à-vis des autres hommes en particulier. ».
Dans une réflexion en Sociologie des relations internationales, nous avions voulu savoir : « de quelle stratégie et de quelle conscience collective l’Afrique peut-elle se revendiquer aujourd’hui face aux grandes questions internationales impliquant ses intérêts dans la gouvernance mondiale ? (SOME. 2011, 2). Nous y avions exploré les liens de l’Afrique avec les autres continents et les autres nations en essayant de trouver les harmonies et les discordes, les philharmonies et les fausses notes. Le sujet de ce jour nous y renvoie.
L’une des plus imposantes théories des relations internationales est le libéralisme, contrevenant à celle réaliste. Elle soutient que la division de l’humanité en nations est une séquelle du passé, la nation n’étant qu’une forme un peu plus élaborée de la tribu primitive, et comme elle destinée à disparaître. Les libéraux estiment que la moralité devrait guider les relations internationales, alors que les réalistes se laissent guider par la prudence, voire par la méfiance. Les libéraux sont partisans de l’éthique de conviction et les réalistes de l’éthique de responsabilité. On ne s’étonnera donc pas que la pensée libérale en politique internationale, comme en économie, soit favorable à la mondialisation. Dès lors, les affaires du monde sont les affaires de l’Afrique et les affaires de l’Afrique doivent être les affaires du monde. La pauvreté, la migration et la traite de l’Homme qui en résultent ne doivent plus seulement être débattues mais agies par des actes mettant fin aux bla-bla politico-diplomatiques suivis d’enivrants banquets payés par nos pauvres peuples.
Depuis les indépendances (les années 60), les leaders africains semblaient avoir compris que les relations internationales et la diplomatie s’offraient à l’Afrique comme espace de conquête identitaire, de défense et de négociation des ressources rares pour le développement. C’est dans cette perspective qu’en en 1963, Haïlé Sélassié formulait le vœu d’une Afrique parlant d’une même voix, à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (l’OUA, de nos jours Union Africaine, UA).
Certes, l’Afrique n’est pas plurielle mais les africains doivent savoir poser leurs problèmes purulents de l’heure, se défendre face aux autres mais savoir se dire aussi la vérité entre eux-mêmes, en situant leurs propres responsabilités. C’est la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, prise sous l’instigation de la France dont le Président Sarkozy, qui a mis l’Etat de Libye en lambeaux. C’est l’Union Européenne qui a appelé cette Libye toujours presque sans Etat à cantonner les migrants afin que cette plèbe n’atteigne plus les côtes occidentales. Dans cette Libye déliquescente, une certaine délinquance forte d’une perception moyenâgeuse arabe, se rappelant du noir corvéable, vendable a trouvé sa marchandise dans la migration. Marchandise errante labà du fait des pouvoirs politiques africains corrompus, des gouvernances criminelles, attentatoires à la dignité humaine qui poussent la jeunesse de nos pays au chômage, à la dés-errance, à la mendicité et à l’exil.
Ecoutant le Président guinéen Alpha CONDE , Président en exercice de l’UA qui incriminant l’UE (Union européenne), il nous est venu de nous demander si ce Monsieur a finalement pu organiser les élections municipales qui trainent chez lui depuis près d’une demie décennie ? Il semble ignorer que c’est autant de manquements à la démocratie qui étouffent le développement local et met en route des jeunes guinéens vers la Libye où ils sont vendus.
Ainsi, une complexité entoure de nos jours cette question brulante de traite de l’Homme Noir en Libye. Elle mérite impérativement que les africains se saisissent du rapport aux autres nations du monde pour la traiter par des actes concrets sans oublier leur part de responsabilité. Si ce rapport à l’autre a eu des relents esclavagistes hier, ceux-ci demeurent aujourd’hui entretenus par certains dirigeants africains eux-mêmes vendus et vendant leurs peuples. La Libye n’est qu’un Iceberg. Une jeunesse se rendant compte que sa voix ne compte pas dans son propre pays, volée par des politiciens du ventre finit par s’exiler pour se suicider.
L’Afrique de la traite négrière du 15ème siècle est passée à l’Afrique de la colonisation (19ème siècle), ensuite à l’Afrique des indépendances (années 60). Aujourd’hui elle retourne à l’Afrique de la traite négrière. Qu’elle leçon le berceau de l’humanité, peut-elle encore donner aux autres nations du monde ?
Que la diversification raciale scientifiquement éclairée par Diop , Ki-Zerbo , Leakey (entre autres), vient de ses entrailles ?
Qu’en donnant vie à l’humanité, l’Afrique ne lui a pas moins insufflé un pan de sa culture notamment celle égyptienne antique ?
Que l’esclavage récent du nègre a rendu l’occident amnésique à l’égard du passé du peuple Noir ?
Que l’histoire mondiale porte une falsification rattrapée en 1920 par Volney (Diop.1980 : 9) ?
Que les 42 millions de victimes (Grenouilleau, 2003) pour les trois traites négrières ont dépassé les victimes des deux guerres mondiales ?
Dans le concert des nations, Ben Achour, (2003) , souligne l’importance des civilisations dans le système international, convaincu qu’elles constituent un essor essentiel des relations internationales, de la paix et de la guerre entre les nations. Elles jouent selon lui, un rôle fondamental dans la dynamique des relations entre Etats, leur vie et leur survie, les tensions diplomatiques et militaires, dans les discordes autour des symboles, dans diverses expressions de la violence.
A Ouagadougou comme à Abidjan les dirigeants africains (notamment les présidents nègres aux gros nez épatés) doivent pouvoir dire ses vérités à l’homme blanc, dire ses vérités à l’homme arabe mais aussi se dire la vérité. En ce qui concerne particulièrement la Libye, le pire serait de l’exclure de l’UA jusqu’à ce qu’elle remette les coupables de vente des immigrés à la Cour Pénale Internationale. Mais vue la contribution du Guide libyen (Mohamar Kadhafi) à l’avènement de cette organisation, les dirigeants africains n’en feraient pas trop que de suspendre ce pays.
Dr Désiré Boniface SOME
Enseignant-chercheur à l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo,
Anciennement chargé des relations ACP-UE/Direction Europe
Au Ministère des Affaires Etrangères et des Burkinabé de l’Etranger
bonidesir@gmail.com
1. SawadogoMahamadé : Philosophie et existence, l’Harmattan, 2001, 259 p
2. Jeudi matin, 23 novembre 2017, sur radio France internationale.
3. Diop Cheik Anta:Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines, Dakar, IFAN-NEA 1977. L’égyptologue analyse crescendo l’évolution de l’espèce humaine à partir du postulat Afrique, au gré des expériences paléontologiques, anthropologiques et historiques. L’origine négroïde de l’espèce humaine, tout comme la dynamique diffusionniste des techniques et de la culturelle sont parties de d’Egypte par les courants migratoires les plus soutenus du moment : vers l’Europe et l’Asie.
4. Ki-Zerbo Joseph : Histoire générale de l’Afrique noire ; Paris, UNESCO. 1978
5. Olivier pétréGrenouilleau : Les traites négrières, Paris, La Documentation française, 2003
6. Ben Achour Yadh : Le rôle des civilisations dans le système international (droit et relions internationales, Bruxelles), éditions Bruyant, 2003
Source: LeFaso.net
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