Diplomate de carrière, ancien ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, Mélégué Traoré fut (pour ne retenir que ces quelques responsabilités) président de l’Assemblée nationale (1997-2002). Aujourd‘hui, consultant auprès de plusieurs institutions internationales, Mélégué Traoré est aussi le président du Centre parlementaire panafricain (CCPA). C’est donc en intellectuel averti des matières internationales, qu’il explore l’arrivée au Burkina dans les heures qui suivent, du président français, Emmanuel Macron. Dans cet interview, nous avons également abordé la situation nationale où Mélégué Traoré souligne que dès 2005, il avait proposé de changé de constitution.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui peut justifier le choix du président français pour une visite officielle au Burkina ?

Mélégué Traoré : Précision : il ne s’agit pas à proprement parler d’une visite officielle. On distingue habituellement en diplomatie celle-ci de la visite de travail et de la visite d’Etat. Macron sera de passage au Burkina et y prononcera un discours. Cela dit, je crains qu’il n’y ait beaucoup de confusions sur ce plan. Le Burkina n’a évidemment pas été choisi au hasard. Le président français n’est pas homme à faire une telle visite sans calcul. Il est certain qu’actuellement pour beaucoup, le Burkina a gagné à l’extérieur, en termes de sympathie, du fait de l’insurrection populaire et des élections qui se sont bien déroulées. Notre pays fait figure d’exemple de démocratie. Mais, je ne crois pas que tout cela ait été déterminant dans la décision du président français de se faire inviter à Ouagadougou. Il exécute simplement sa stratégie de communication.

Je dis bien de se faire inviter car, dans la pratique diplomatique, un chef d’Etat ne s’invite pas de sa propre autorité dans un pays étranger. Il y est invité, sinon il s’arrange pour se faire inviter. De plus, dans le contexte actuel, après ses propos plutôt désobligeants et ambigus sur l’Afrique, parlant de causes civilisationnelles ou culturelles à notre situation actuelle, il a besoin de délivrer un message magistral et positif aux populations du continent, surtout à la jeunesse. C’est ce qu’il vient faire à Ouagadougou.

Vous aurez noté qu’il ira à l’Université. Ce qui n’est pas anodin. Chirac était venu à l’Université de Ouagadougou avant Macron. Dans son cas, il avait été à l’université, mais il n’avait pas prononcé un discours. Il avait été fait docteur honoris causa de l’Université de Ouagadougou. J’étais alors ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique et Filiga Michel Sawadogo était le recteur.

Enfin, une dernière indication : Macron, en venant à Ouagadougou, sera sur la route d’Abidjan où aura lieu immédiatement après le sommet Europe–Afrique. En fait, le président Macron profite de la conférence d’Abidjan pour marquer l’arrêt de Ouagadougou : je ne suis pas certain qu’il serait venu au Burkina s’il n’y avait pas cette conférence. Cela ne réduit en rien la portée de la visite du président français. Mais pour moi, la question demeure : pourquoi tenons-nous tant à ces visites au point d’être fiers parce qu’un président de France vient chez nous ?

Lefaso.net : Quels peuvent être les enjeux de cette visite pour le régime Roch Kaboré ?

Les enjeux de cette visite en Afrique sont nombreux pour le président français, mais aussi en termes de ce qu’attendent les autorités burkinabè. Pour la France, il s’agit de conforter la position dominante qu’elle a en Afrique, le continent qui fait encore d’elle une puissance qui compte.

La donne est différente du côté burkinabè. Les autorités actuelles doivent élaborer et exécuter une nouvelle politique extérieure. Le Burkina n’a plus le rayonnement diplomatique qu’il avait jusqu’en 2014, même si celui-ci comportait une part d’artifices du fait des faibles capacités de notre Etat. La visite d’un chef d’Etat français est toujours valorisante pour n’importe lequel gouvernement africain, aux regards des autres Etats, notamment de la sous-région, et aux yeux des populations.

Enfin, mais et là c’est classique, il y a toujours une dimension d’aide au développement dans ce type d’évènement. C’est important pour le Burkina qui doit faire face au terrorisme, sans compter le marasme économique dans lequel nous sommes actuellement. N’oublions pas que la France demeure la principale source pour l’aide au Burkina. En revanche, depuis la fin des années 1970, l’ambassadeur de France n’est plus automatiquement le doyen du corps diplomatique à Ouagadougou, comme ça l’était suite à la signature des accords de coopération en 1961.

Pour les populations burkinabè, le sens de cette visite est plus ambigu. Mais les réactions, les critiques et les manifestations contre l’arrivée du président français, me paraissent peu justifiables. En quoi son arrivée ici est-elle négative ? Qu’a-t-il fait au Burkina Faso ? Nous ne pouvons revendiquer notre indépendance et toujours rejeter nos problèmes sur la France ou les pays occidentaux tout le temps, tout en leur quémandant le lendemain de nos hurlements, l’aide dont nous disons avoir besoin.

Lefaso.net : Quel message le président français peut-il apporter aux Burkinabè, et qu’est-ce que le Burkina peut gagner dans une telle visite ?

Attendons de voir le message que le président Macron délivrera. Mais, il est certain, qu’à tous les coups, le Burkina y gagne au double plan diplomatique, de prestige pour le président Roch Kaboré et de l’aide au développement. Le message que Macron délivrera à Ouagadougou ne sera certainement pas destiné aux seuls Burkinabè, mais à tous les Africains. On verra après la création de son conseil présidentiel pour l’Afrique, si cela change quelque chose. Des thèmes tels que les droits de l’homme, la démocratie, la bonne gouvernance sont tellement généraux et répétés, que leur intérêt est limité et en termes d’effets pratiques, leur portée sera faible.

Lefaso.net : Le choix de l’université de Ouagadougou pour prononcer son discours revêt-il une signification particulière ?

Oui, le choix de l’université de Ouagadougou ne va pas sans signification. Dans de telles circonstances habituellement, le chef d’Etat étranger prononce son discours devant le parlement. C’est ce que Pompidou avait fait en novembre 1972 à l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, c’est l’université, c’est-à-dire à la jeunesse et à l’élite du Burkina et de l’Afrique tout entière, que le président français s’adressera. Il aurait pu faire sa déclaration de Paris, mais cela aurait moins de portée, en termes diplomatiques. Il ne la fera pas non plus à Abidjan ou à Accra. On ne devrait pas s’en plaindre. De plus, les Africains aiment tellement qu’on les flatte ! Enfin, le thème de son discours ne sera rien d’autre que celui de la Conférence d’Abidjan.

Lefaso.net : La date précédemment annoncée a été repoussée pour coïncider avec la rencontre Europe-Afrique, qui a lieu à Abidjan dès le 29 novembre et où il se rendra immédiatement à partir de Ouagadougou. N’est-ce pas une subordination de la visite au Burkina qui laisse à interprétations sur l’importance qu’Emmanuel Macron accorde à sa présence à Ouaga ?

Il s’adressera prioritairement aux étudiants ; c’est s’adresser d’abord à la jeunesse et ce qu’elle représente pour nos pays. Elle est l’avenir de l’Afrique. S’adresser à la jeunesse, c’est la prendre à témoin. Cela dit, ce qui importe, c’est le contenu du message, bien plus que l’environnement dans lequel il sera délivré. Evidemment, la conférence d’Abidjan réduit l’importance du passage du président français à Ouagadougou, mais elle ne constitue pas un problème pour le message en lui-même. Je le répète, ce message partira de Ouagadougou, personnellement, je n’y attache aucune importance particulière. Mais, je sais combien on peut attirer la sympathie des Africains à bons comptes.

Lefaso.net : Nous avons de part et d’autre, de nouveaux présidents, arrivés au pouvoir avec plus ou moins un esprit de rupture avec une certaine politique antérieure de leur pays respectif. Faut-il s’attendre à autre (du nouveau) que le langage diplomatique qui a toujours prévalu dans ce genre de visite ?

Non, non ! Tant qu’on n’est pas au pouvoir, on tient un certain type de discours. Quand on est au pouvoir, c’est autre chose. Quant au langage diplomatique, en dehors des formules et des effets d’annonce, il ne change guère. La rupture n’est pas facile à gérer dans des situations économiques qui, comme le Burkina, n’évoluent pas beaucoup et où le potentiel de variation est faible. La rupture, de ce fait, se limite au verbe, au Burkina comme ailleurs. Le changement est uniquement discursif. Tant mieux pour le Burkina et l’Afrique, si je me trompe.

Lefaso.net : Quelles peuvent être les questions au centre des échanges entre les deux chefs d’Etat ?

Seront sans doute au menu entre les deux présidents, des questions que vous et moi connaissons déjà : la situation au Burkina et en Afrique, les migrations clandestines ou non officielles, la démocratie, la bonne gouvernance, l’importance de la jeunesse, etc. Evidemment, il sera peu question de la France. Bien que les pays européens aient leurs propres problèmes, il n’est pas courant que nos chefs d’Etat posent des questions aux chefs d’Etat européens. Ils sont trop dépendants et complexes pour aller aussi loin ; pourtant, cela devrait être normal.

Lefaso.net : Peut-on s’attendre à ce que les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo … soient abordés ?

Les dossiers Sankara et Norbert Zongo peuvent naturellement être abordés. Mais, la solution ne viendra pas du passage de Macron. Pourquoi d’ailleurs voulons-nous toujours que les solutions à nos problèmes viennent de l’étranger ; pourquoi après près de 70 ans d’indépendance ?

Lefaso.net : Quelle appréciation faites-vous de la politique extérieure du régime Kaboré ?

Il n’est pas facile de remplacer la politique extérieure telle qu’elle a été menée de 1987 à 2014. Vous savez, le Burkina n’est devenu un véritable acteur des relations internationales qu’avec la Révolution. C’est à partir de 1984, que notre pays est respecté à l’étranger, et que nous nous sentons fiers lors des conférences internationales. De 1991 à 1994, la politique étrangère aura été entièrement rationalisée et faite de calculs froids, la référence étant avant tout l’intérêt national selon les théories d’un Hans Morgenthau. La politique étrangère depuis 2014 est menée en tenant compte de cela. Elle est encore hésitante et Roch Kaboré doit trouver ses moyens et son rythme propre ; ce sera long. En tout cas, bravo à lui pour avoir été le premier à réagir à propos de la vente des Africains noirs en Lybie, en rappelant notre chef de mission à Tripoli.

Lefaso.net : A propos, que pensez-vous de cette affaire de vente des Noirs en Libye ?

Mélégué Traoré : Je suis plus qu’indigné, mais pas du tout surpris. Et ne passons pas inutilement notre temps à accuser ou à incriminer l’Union européenne. Car enfin qu’avons-nous fait ? Que font des chefs d’Etat depuis des années ? Il faut considérer ce problème à la base, comme en priorité, un problème interafricain. Il y a longtemps qu’on savait ce qui se passait en Libye ; à savoir que les Noirs y étaient particulièrement maltraités. On n’a jamais entendu un de nos chefs d’Etat, faire une déclaration mettant en cause le gouvernement libyen. A l’époque de Kadhafi, tous étaient pratiquement ses obligés et soumis à tous ses caprices. Aucun n’osait soulever cette question avec lui, même les plus concernés par ce problème ceux du Burkina, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, de la Gambie, du Sénégal, du Mali, du Niger et du Tchad. Au contraire, tous faisaient la courbette devant lui. Or, tout le monde avait connaissance du sort qui était réservé en Libye, bien avant même le drame des migrations non officielles clandestines, bien avant la chute de Kadhafi en 2011, aux Africains noirs. Nos ambassadeurs eux-mêmes ne mentionnent que rarement cette situation dans leurs rapports.

Il faut aller plus loin dans l’analyse. J’ai débuté ma carrière diplomatique comme conseiller des Affaires étrangères, stagiaire à l’ambassade de France à Tunis. C’était à l’époque de Bourguiba. Mzali était Premier ministre. Je sais donc de quoi je parle. Même dans ce pays réputé alors le plus ouvert au Maghreb, bien qu’il y eût de nombreux intellectuels tunisiens noirs, aucun n’était en vue. Le seul remarqué à cette époque dirigeait l’orchestre national, mais on ne parlait jamais de lui. C’était en 1982. Pourquoi ?

En réalité, chez les Arabes d’Afrique ou d’ailleurs, il demeure un racisme séculaire, mais essentiel à l’égard des Noirs, bien plus pernicieux que celui qu’on observe en Europe. Il faut le reconnaître et ne pas se voiler la face derrière la mythologie d’une unité africaine qui n’est que rhétorique. La traite négrière a, historiquement, d’abord été transsaharienne. Un millier d’années avant la traite transatlantique, les Noirs étaient déjà vendus aux Arabes comme esclaves.

De ce point de vue, jusqu’à nos jours, les mentalités arabes n’ont guère changé. Tous les diplomates savent bien que leurs homologues algériens, marocains, tunisiens et Libyens les appellent, les « Africains ». Nous ne devenons tous des ‘’frères » que quand, lors d’une conférence internationale, ils ont besoin des voix des nations subsahariennes. Alors, par enchantement, nous redevenons des frères.

Lefaso.net : Pour en revenir à la situation nationale, dans un mois, le président Roch Kaboré va boucler sa deuxième année d’accession au pouvoir. Quel bilan pouvez-vous faire de ses deux ans à la tête du pays ?

J’ai déjà donné mon opinion à plusieurs organes de la place sur cette question. Elle n’a pas beaucoup changé. Pour résumer, je pense que l’Etat fonctionne bien, exception faite de la situation des kolgwéogo qui, pour moi, n’est pas acceptable dans un Etat et la question des attaques terroristes qui ne dépendent pas du gouvernement. Dans aucun pays, ce n’est facile actuellement. Le gouvernement actuel élabore et exécute ses politiques publiques en fonction de cet environnement difficile. Il reste que le citoyen ordinaire est tellement assailli de problèmes.

Après deux ans d’exercice du pouvoir au plus haut niveau par le président Roch Kaboré, on peut commencer à faire une première évaluation. Ce qu’on peut dire, c’est que la situation n’est pas rose, ni au plan économique, ni au plan social ou politique. Les problèmes sont-là, que nous vivons tous. Mais cette situation n’est pas propre au Burkina, comme je l’ai dit dans une interview précédente.

Cela étant dit, le pouvoir n’a pas prise sur tout, cela ne concerne pas que Roch Kaboré et notre seul pays. Je voyage partout et je peux vous dire que ce n’est pas mieux ailleurs. Simplement, ici, le gouvernement est parti avec des handicaps plus lourds qu’ailleurs. Il doit en tenir compte et expliquer mieux sa politique à la population. Les citoyens sont devenus plus exigeants que par le passé. Ils ont besoin qu’on leur rende compte et c’est normal.

La question de la mobilisation de l’ensemble des forces de la nation, est essentielle. L’élite du Burkina se trouve dans tous les partis, notamment au MPP certes, mais aussi au CDP, à la NAFA, à l’UPC et à l’ADF/RDA. Il n’est pas raisonnable de penser, de croire ou de dire qu’on s’en sortira sans les franges qui se trouvent dans chacun de ces partis. Mais, les mobiliser est conditionné par l’incontournable réconciliation.

Sans doute, et cela est tout à fait normal, le parti au pouvoir a-t-il ses propres objectifs et ses impératifs. Mais, ceux de l’opposition en ont également. On doit tenir compte de tout. La direction de l’Etat et du gouvernement doivent prendre cela en considération, dans l’intérêt supérieur du Burkina. La démarche de la CODER en cours et la réaction du MPP, sont une bonne indication dans ce sens.

Mais je l’ai maintes fois répété, le premier pas doit être fait, à travers des gestes d’ouverture, par le pouvoir en place. Dans une situation de ce genre, celui qui est le gagnant, celui qui a les rapports de force en sa faveur, c’est à lui de faire les premiers pas, et à aller vers le perdant, donc le plus faible. Il en est a été de la sorte partout dans le monde. Qui savait que Nelson Mandela et l’ANC auraient travaillé avec des Blancs ? Plus près de nous, après tout ce qu’on disait de lui, dans les allées du pouvoir d’alors, qui aurait parié sur un tandem Bédié-Ouattara ou un rapprochement entre Soro et Bédié ?

Lefaso.net : Cité dans les attaques qui secouent le pays ces dernières années, l’ancien président Blaise Compaoré est sorti de sa réserve par un communiqué à la fois d’encouragement à Roch Kaboré, son attachement au pays et pour démentir tout lien avec les entreprises terroristes. Quel commentaire faites-vous de cette sortie qui continue d’alimenter les débats au sein de l’opinion publique nationale ?

J’ai beaucoup apprécié le communiqué de l’ancien président : son contenu bref et mesuré mais aussi positif, puisqu’il réfute les attaques à mon avis, plutôt faites avec quelque légèreté, qui l’incriminent. De plus, il affirme son soutien à celui qui l’a remplacé à la tête de l’Etat. C’est élégant, normal et à louer.

Vous savez, sur la question de terrorisme, on doit être clair. Aucun des responsables du régime déchu, ceux qui étaient avec Blaise Compaoré, qu’ils soient actuellement au pouvoir ou dans l’opposition, n’aurait accepté ou cautionné, des complicités avec les terroristes. Ou alors, nous n’étions pas tous au courant des contours de la politique étrangère.

Cette question doit être traitée avec beaucoup de maturité, de responsabilité et de lucidité ; l’impératif-clé étant notre union autour du chef de l’Etat et du gouvernement. C’est le seul atout dont nous disposons, en plus des rapports performants avec le Niger et le Mali, en vue de résister et de combattre les terroristes. Aucun Burkinabè patriote ne devrait faire des déclarations à la légère ou poser des actes irréfléchis à cet égard.

Lefaso.net : Vous avez été un des ténors du CDP et malgré la chute du régime, vous faites partie de ceux-là qui n’ont pas rejoint les anciens camarades au MPP. Quelles sont vos motivations et comment voyez-vous l’avenir du CDP ?

Mélégué Traoré : Oui, j’étais au CDP et j’y suis toujours. Je ne suis allé nulle part, par conviction et par cohérence avec moi-même. A mon âge, à 66 ans, et à mon niveau intellectuel, j’ai jugé qu’il n’était pas bien cohérent de chanter les louanges du CDP 20 ans durant et de faire semblant de découvrir tout d’un coup, parce que tout laissait à croire qu’il allait perdre le pouvoir, que ce parti est mauvais et que c’est l’enfer. Il aurait été facile de partir au MPP et à l’UPC. Mais ce n’est pas mon genre. J’ai dépassé le stade où on cherche à se garantir une situation ou à se positionner. Cela ne veut évidemment pas dire que je cautionnais tout ce que le pouvoir faisait.

La première proposition écrite, pour qu’on change de Constitution, a été faite par moi-même en 2005, à une époque où j’étais écarté de tout. Et vous pouvez relire dans Jeune Afrique d’août 2001 mes écrits sur le sénat. J’ai expliqué par la suite pourquoi j’infléchissais ma position. Je suis intellectuel et comme tout le monde, je peux me tromper dans une analyse, mais je ne mens jamais.

Le CDP est dans une phase de renouveau et de montée en puissance. Mais il ne reprendra sa véritable place dans l’espace politique national que s’il sait gérer avec lucidité, intelligence et responsabilité, les fractures qui le menacent en ce moment.

Lefaso.net : La réconciliation nationale s’avère aujourd’hui un serpent de mer. Quel est votre regard sur la question et comment peut-on y parvenir ?

Elle est à la fois complexe et simple. Ceux qui sont à juger, doivent l’être, dans le respect des procédures et du droit, mais dans des délais raisonnables. Il est bien essentiel que la justice soit dite, sans correspondre forcement à ce que souhaitent certains, ni non plus à la volonté des gouvernants.

Ceux qui ont subi des dommages, doivent avoir les réparations en conséquence. Tous, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition. On peut penser ce qu’on veut de l’insurrection, mais on ne peut nier qu’il en a résulté des pertes de vies humaines, des destructions de biens, des vols… Rien de cela ne doit rester impuni et sans dédommagements ou réparations. Vous savez, moi-même, j’y ai perdu mes cinq cents livres et deux dizaines de cantines de documents ont disparu à la faveur de l’insurrection. Qui me les rendra ?

Tout cela est vrai et avéré. Mais si on attend que toutes ces questions soient réglées, alors la réconciliation n’est pas pour demain. Alors que nous savons que le pays en a besoin. Il faut donc y aller « carrément et résolument » comme aimait à dire le président Sangoulé que dans les milieux diplomatiques on qualifiait de « bon père de famille ».

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo

(oumarpro226@gmail.com)

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Source: LeFaso.net