Du 2 novembre au 19 décembre 2017, le Burkina Faso va vibrer aux rythmes des activités commémoratives du centenaire de la grande révolte de la boucle de la Volta Noire. Et pour marquer d’une pierre blanche cet événement, le comité d’organisation est au four et au moulin depuis février 2016 a annoncé son président au cours d’une conférence de presse animée, ce jeudi 14 septembre 2017 à Ouagadougou. Conférence de presse qui a, du reste, servi de cadre à la présentation des membres du comité d’organisation mais aussi à la déclinaison du calendrier des activités commémoratives de la grande révolte de la Boucle de la Volta Noire de 1915 à 1916.
C’est un centenaire de la grande révolte de la Boucle de la Volta Noire que le comité d’organisation veut à caractère national, populaire, culturel, scientifique, ouvert à tous, et largement communautaire ; car pour lui, l’histoire, le passé du Burkina Faso, c’est l’histoire et le passé de tout le pays entier. Au nombre de huit, les membres du comité d’organisation ont pour mission de réussir les manifestations commémoratives des résistances nationales anticoloniales et du centenaire de cette grande résistance au colonisateur encore appelée la « Guerre de Bani-Volta ».
Cette commémoration est, à en croire les conférenciers, l’initiative de ressources humaines citoyennes et universitaires en partenariat avec l’association pour la sauvegarde du Masque (ASAMA) et l’Institut africain des Industries culturelles-Ecole des Sciences sociales appliquées (IAIC-ESSA) à Ouagadougou. Adoubé par les autorités du pays, le comité d’organisation est à pied d’œuvre depuis le mois de février 2016 a confié son président Zéphiryn Ky pour qui il est question à travers cette souvenance de rendre hommage aux martyrs tombés lors de cette lutte, d’immortaliser la mémoire collective, et surtout dégager des enseignements pour la jeunesse.
Pour le professeur d’Histoire, « Un historien qui n’arriverait pas à rendre vivace sa culture, un historien qui n’arriverait pas à faire bénéficier le maximum de personnes possible sa culture et ses connaissances sur le passé de son pays, on ne dira pas que ce n’est pas digne mais on dira quelque part qu’il a manqué un peu de remplir son devoir. Et pour nous, c’était quelque chose qui nous interpellait. Cette commémoration, il la fallait. Et en tant que historiens, nous nous sommes sentis obligés de faire revisiter cette période de notre histoire surtout que c’est plein d’enjeux ».
Un colloque international sur les grandes révoltes contre le fait colonial en Haute-Volta (Burkina Faso), 1914-1916
- Des Journalistes présents à la conférence
Du chapelet d’activités égrainé par le comité d’organisation, on retient entre autres le baptême de l’avenue de la grande révolte de la Boucle de la Volta Noire 1915-1916, une soirée culturelle, des missions de visite des lieux de mémoire et patrimoines historiques dans les Hauts Bassins et le nord-Mali, dans le Mouhoun, dans le pays San, dans la région du Centre Ouest. A ces activités se greffent des conférences et panels sur des thèmes tels que « La grande révolte de la Boucle de la Volta Noire : fondements, stratégies et enseignements » ; « La grande révolte de la Boucle de la Volta Noire 1915-1916, quels enseignements pour la jeunesse aujourd’hui ».
Par ailleurs, l’autre fait marquant de cette célébration sera la tenue les 23, 24, et 25 novembre 2017 à l’université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo d’un colloque international sur les grandes révoltes contre le fait colonial en Haute-Volta (Burkina Faso), 1914-1916. Et la problématique des sources et les origines des révoltes, les manifestations de la révolte dans les différents espaces concernés, les impacts politiques et économiques et le regard des colonisés sur la colonisation dans l’entre-deux-guerres seront examinés lors du colloque par des regards multidisciplinaires (Historiens, Anthropologues, Sociologues, Critiques littéraires, Psychologues, Economistes, etc.)
« Guerre de Bani-Volta » une histoire à inscrire dans les manuels scolaires et académiques
« Nous avons voulu qu’à la faveur de ce centenaire, il y ait une nécessité absolue de revisiter et de ressortir de l’oubli et porter à la connaissance du public et du monde entier ces épisodes tragiques et épiques de notre histoire, des épisodes qui ne sont pas écrits. Outres cela, il y a des enjeux didactiques. Ce premier grand mouvement insurrectionnel de l’Afrique de l’Ouest de la période coloniale n’est même pas enseigné à l’école » s’est désolé l’historien Zéphiryn Ky. « Ce n’est pas normal. Ce n’est pas une légende encore moins une mythologie historique mais plutôt des faits réels qui se sont déroulés ! » s’est-il exclamé.
Les historiens sont donc interpellés à travers la célébration de ce centenaire, à faire un travail de recherche sur cette période des grandes résistances au Burkina Faso et notamment la résistance dans la zone de Bouna dans la Boucle du Mouhoun. Une commission d’historiens a été mise en place pour produire des documents, des manuels d’histoire qui devront être enseignés de l’école primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, foi du président du comité d’organisation.
Ce qu’il faut retenir de la « Guerre de Bani-Volta »
- Zéphiryn Ky, président du comité d’organisation
La Haute-Volta a été un cas singulier dans l’Afrique de l’Ouest. Les révoltes y auraient éclaté dès 1914, d’abord chez les Toussian, puis par embrassement chez les Tiéfo, Turka, Kanaboro, Samba et Gouin dans l’Ouest du pays. Au nord, ce sont les Touaregs qui rompent l’équilibre de la paix coloniale à travers de violentes manifestations.
Une année plutard, en 1915 et jusqu’en 1916, les abus du colonisateur français dans la conscription des bras valides pour la grande guerre qui se déroulaient en Europe provoqua dans le village marka de Bouna la révolte. Comme par une trainée de poudre, l’étincelle de la révolte embrasa entièrement toute la Boucle de la Volta noire. Ainsi Marka, Bwa, Sanan, Léla, Nouni secouèrent le joug colonial en exprimant leur ras-le-bol à propos des exactions qui frisaient pour les Africains le non-droit et le déni total de leur liberté. Cet événement, largement décrit par la littérature (Boni, 1962 ; Zongo, 1990), qui le réduisit à la révolte des Bwa, est souvent raconté de façon anecdotique.
Et ce centenaire offre donc l’occasion de s’interroger sur les motivations réelles de cet événement, sur ses effets, son étendue dans l’espace, ces dimensions politiques et sociologiques et son impact sur le fait colonial dans son ensemble. Si on en croit les propos du professeur d’Histoire Ky Zéphiryn, plus de 900 000 insurgés ont été touchés dans cette grande révolte de la Boucle de la Volta Noire de 1915-1916 qui a enregistré 30 000 morts dans la zone de Bouna.
« Selon les historiens ce mouvement fut le plus violent en intensité et le plus long dans le temps à circonscrire. Mais aussi la plus meurtrière guerre coloniale en Afrique de l’Ouest » a conclu M. Ky.
Maxime Jean-Eudes Bambara (Stagiaire)
Lefaso.net
Encadré
Les membres du comité d’organisation
Zéphiryn Ky (président)
Dr Noël Sanou (secrétaire général)
Jean-Baptiste Coulibaly (secrétaie général adjoint)
Hamidou Gnessien (secrétaire à l’organisation)
Zerbo Gérard (secrétaire à l’organisation chargé de la mobilisation)
Maturin Diabaté (secrétaire administratif)
Marie-Ella Kayorgo et Luc Bicaba (Trésoriers)
Daouda Dao (Commissaire au compte).
Les membres du comité scientifique
Magloire SOME (Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo)
Mahir Saul (University of Illinois at Urbana-Champaign)
Maurice Bazemo (Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo)
Pierre Claver Hien (Institut des Sciences de la Société (INSS-CNRST), Ouagadougou
Doulaye Konaté, président de l’Association des historiens africains (Université de Bamako)
Louis Millogo (Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo)
Salaka Sanou (Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo)
Moussa Bantenga (Université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo)
Source: LeFaso.net
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