20 jours après le décès de Salifou Diallo, l’Assemblée nationale du Burkina vient de se choisir un nouveau président. C’est Alassane Bala Sakandé, jusque-là président du groupe parlementaire du parti majoritaire, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) qui hérite donc du perchoir. Il a été élu ce 08 septembre 2017 par 104 voix pour, 19 abstentions, deux voix contre et deux bulletins nuls. Aussitôt installé, il a appelé au rassemblement pour poursuivre l’œuvre entamée par son prédécesseur. Tout en se disant prête à l’accompagner, l’opposition précise qu’elle ne se compromettra pas avec lui. Et l’invite à se forger assez rapidement une stature d’Homme d’Etat, car, sa nouvelle « responsabilité le place au-dessus de certains intérêts ou dispositions partisanes ».

Alassane Bala Sakandé est, depuis ce 08 septembre 2017, la 2e personnalité de l’Etat burkinabè. Il a été élu Président de l’Assemblée nationale à l’issu d’un scrutin où il n’avait pas de concurrent. L’opposition ayant choisi de ne pas présenter de candidat. Malgré tout, il n’a pas réussi à faire le plein des voix. Mais, il a tout de même obtenu une majorité confortable (104 voix pour sur 127) pour présider aux destinées du parlement. Et remplacer ainsi le défunt Salifou Diallo qui a tiré sa révérence le 19 aout dernier à Paris. Au cours des 20 mois de présidence de Salifou Diallo, il avait fait du consensus sa mode de gouvernance.

Et, le nouveau patron du parlement dit vouloir marcher dans les pas de son prédécesseur. « Je fais le serment devant vous, mes collègues, de marcher avec vous dans les sillons tracés par notre illustre Président Salifou DIALLO. Oui, je prends l’engagement, devant vous, chers collègues de rattacher mon action à la vision politique de mon devancier (…) Alors, je tends la main à l’ensemble des députés, sans distinction d’appartenance politique ou idéologique afin de relever le pari d’une législature qui saura apporter des réponses aux attentes des populations. Cet impératif passe par l’esprit d’inclusion et de cohésion, la culture du résultat, et la quête permanente de l’intérêt général. Salifou DIALLO en avait faits les principes cardinaux de sa gestion », a confié Alassane Bala Sakandé.

Majorité et opposition promettent de l’accompagner

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C’est un camarade et je pense qu’il a les qualités requises pour occuper cette fonction

Pour réussir sa mandature, le nouveau président va compter sur l’ensemble des parlementaires. Sans surprise, les députés de son parti lui promettent un soutien sans faille. « C’est un camarade et je pense qu’il a les qualités requises pour occuper cette fonction. Naturellement, il ne réussira que si nous sommes à côté de lui, si tous les députés sont solidaires avec lui et je pense qu’aujourd’hui, avec le vote qui a eu lieu, nous avons manifesté notre disponibilité à l’accompagner », a précisé Ousséni Tamboura, élu sous la bannière MPP et 4e vice-président du parlement.

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En tant qu’ainée Juliette Bonkoungou promet lui apporterai ses avis et conseils

Du côté de l’opposition également, il pourrait bénéficier de soutiens à condition de savoir faire le distingo entre la fonction qu’il occupait jusque-là qui lui permettait de critiquer l’opposition de façon virulente et la présente où il sera amené à la ménager parfois et surtout se mettre au-dessus de la mêlée. « Il a la jeune cinquantaine, j’analyse ça aussi comme un signal qui est envoyé à la jeunesse. J’espère que jeunesse rimera avec sagesse. Il a dit qu’il mettra ses pieds dans ceux du président Salifou Diallo qui a travaillé en bonne intelligence avec l’opposition. Donc, nous restons disponibles pour l’accompagner. Et à titre personnel, en tant qu’ainée dans cette auguste assemblée, après une trentaine d’années de vie politique, chaque fois que cela sera nécessaire, je lui apporterai mes avis et conseils », a affirmé Juliette Bonkoungou, 3e vice-présidente et membre du groupe parlementaire CDP.

Même son de cloche du côté du premier parti d’opposition, l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Et la relative jeunesse (48 ans) de l’occupant du perchoir est mise en avant. « Ce qui nous réjouit, c’est que c’est un jeune, c’est un pari sur l’avenir, il est de ma génération. Alors, il est clair que nous allons être obligés à un moment donné de regarder dans la même direction pour l’intérêt supérieur de notre pays », a prévenu Daouda Simboro, le président du groupe parlementaire PC. Il dit surtout espérer que le nouveau président respecte l’engagement qu’il a pris de poursuivre l’œuvre entamée par le défunt président, notamment la recherche du consensus. Les attentes sont donc énormes : faire du Salifou Diallo sans Salifou Diallo.

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Le serment qu’il a pris devant les députés mérite d’être suivi avec attention par l’ensemble des députés

« Le nouveau président a planté le décor. Comme il l’a dit, il va mettre ses pieds dans les sillons tracés par Salifou Diallo qui avait toujours recherché un certain consensus dans toutes ses actions. Pour cela, la principale attente, c’est déjà de respecter l’équilibre qui a été dessiné par Salifou Diallo et de tenir compte de certaines qualités. S’il ne les a pas, actuellement, il fera l’apprentissage, c’est de rassembler les gens, être à l’écoute et surtout de mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus des intérêts partisans. Et cet engagement, ce serment qu’il a pris devant les députés mérite d’être suivi avec attention par l’ensemble des députés », a rappelé Daouda Simboro.

Consensus oui, mais pas de compromission

Mais, Daouda Simboro s’est voulu clair : « Certains pourraient être tentés de croire que le consensus voudrait dire que l’opposition dont je suis le président du groupe principal fera toujours un cadeau ou se compromettra avec le président Sakandé. Je le déclare, il n’aura pas de répit, il n’aura de cadeau. Nous sommes là, il devra continuer à poursuivre l’intérêt supérieur de la nation burkinabè ».


Du temps où il était le président du groupe parlementaire MPP, Alassane Sakandé représentait une chapelle politique et jouait son rôle à merveille, à travers des critiques très virulentes vis-à-vis de l’opposition. Il devra apprendre à être plus modérée et conciliant. Car, « sa responsabilité d’aujourd’hui le place au-dessus de certains intérêts ou dispositions partisanes. Il est clair qu’il va essayer de se forger une stature d’homme d’Etat parce que c’est ce costume qu’on vient de lui confier. Pour cela, sa critique envers l’opposition ne lui permettra pas de s’orienter positivement dans la quête du consensus et dans le fait de vouloir privilégier l’intérêt supérieur du pays. Il devra faire beaucoup de réserve sur ce côté de son penchant qu’on lui connait. Je le connais personnellement et je sais qu’il fera tout son possible pour dissocier ce caractère critique vis-à-vis de l’opposition par rapport à la mission qu’on vient de lui confier », a précisé Daouda Simboro.

Si l’on s’en tient aux premières réactions aussi bien de l’opposition que de la majorité, son appel au rassemblement semble entendu. Il a donc toutes les cartes en mains pour réussir son mandat. A lui de savoir manager. Les prochains jours nous diront si ces nouveaux habits sont cousus à sa taille.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net