« Ciel ! Que le moment fuit ! Que les plaisirs sont courts ! Sous les nuages noirs, il fallut nous quitter. » Tel était le mot d’adieu du romancier français Alain Fournier en 1914. Si ce mot d’adieu a coupé le souffle des admirateurs de l’écrivain, la disparition du Dr Salifou Diallo, elle, a provoqué une onde de choc national, voire sous régional. Et cela, eu égard à son rang de potomitan ayant blanchi sous le harnais, pour paraphraser les Antillais.

En recevant par téléphone, au petit matin du 19 août dernier, la nouvelle annonçant le décès consternant de Gorba, c’est comme si on m’enlevait subitement du miel dans ma langue de ciel. Quelle poire d’angoisse difficile à avaler ! Et ce, au moment où je m’apprêtais à lui rendre visite par l’entremise de l’honorable député Bachir Ismaël Ouédraogo. C’est cruel, c’est un coup mortel, car l’adjuvant du président Roch Marc Christian Kaboré était devenu à lui seul un centre névralgique. Mais, nous sommes obligés de mettre pavillon bas devant la sentence sans appel du bon Dieu qui imposa, par le fait du prince, un silence sépulcral à la Nation tout entière.

Comment pouvons-nous boire notre petit lait et rester de marbre devant la disparition de ce géant qui fit partie du Gotha burkinabè et qui gagna tous les éperons dans sa vie ? Son sourire badin et diamantin, sa démarche altière et cordelière, son allant et son talent d’un catalan restent éternellement vissés sur notre méritoire mémoire comme un cul à une chemise. Que dire de ses emphases et de son héroïsme d’un Delgrès constaté lors de la lutte pour l’avènement d’une alternance au Burkina lorsqu’il quitta le pays en guise de repli à l’aide d’une voiture déglinguée pour rejoindre le Niger pendant le coup d’Etat de Diendéré !

Que dire encore de son lyrisme condescendant et caustique face au Premier ministre (PM) Paul Kaba Thiéba à l’hémicycle lors du discours à la Nation du PM, de son populisme lorsqu’il invita notre gouvernement actuel à ne point avoir la tentation d’être un bon élève des institutions de Bretton Woods au grand dam de notre peuple, et de son altruisme d’un Harry Belafonte qui lui permit d’être le père nourricier de nombreuses familles démunies au Burkina !

A ses camarades de parti se sont adjoints ses adversaires politiques qui se sont aussi inclinés devant sa dépouille non point par hypocrisie, mais pour reconnaître le génie d’un génie politique né dont la résilience d’une hydre a façonné le visage du landerneau politique burkinabè pendant trois décennies.

Considéré par certains comme le deus ex machina de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, avec son dernier voyage, c’est toute une démocratie burkinabè qui perd tout un pan de son ferment ; son parti (le MPP), son cerveau, sa sève nourricière et sa boîte à idées. Pour l’ensemble de son œuvre hyper épique réalisée pendant sa vie politique en utilisant la carotte et le bâton, nous lui devons une fière chandelle à l’instar de la Pucelle d’Orléans pour son courage chevaleresque et léonin d’une Sainte Cathérine d’Alexandrie.

Puisse son âme servir, à l’instar des dieux de la Grèce antique, pour ses filleuls et camarades, d’ambroisie pour son éternité d’outre-tombe bien méritée. Comme le disait le Français De Gaulle : « Il n’y a pas d’œuvres extraordinaires sans homme extraordinaire, et les hommes ne deviennent extraordinaires que s’ils sont déterminés à l’être. »

Adama Kaboré dit CBS L’iconoclaste

Coordonnateur du Club Littéraire de L’Aurore (CLITA)

Source: LeFaso.net