C’est sur ses épaules que repose le secrétariat permanent du Plan national de développement économique et social (PNDES), ce référentiel de développement du Burkina Faso pour la période 2016-2020 qui a séduit les investisseurs à Paris, en décembre 2016. Alain Siri, puisque c’est de lui qu’il s’agit, depuis sa nomination le 9 mars 2017 est à la tâche pour mener à bien la coordination du suivi-évaluation de la mise en œuvre du PNDES. Dans une interview qu’il nous a accordée en ligne le 20 juillet dernier, l’homme nous parle de l’actualité brûlante au niveau de son institution, de la récente loi sur le partenariat Public-Privé, des conditions nécessaires pour la réussite du PNDES et de l’état de mobilisation des financements de ce référentiel de développement. Lisez !
Lefaso.net : Vous avez été nommé Secrétaire permanent du Plan national de développement économique et social (PNDES) depuis le 9 mars dernier. Dites-nous quelle est l’actualité au niveau de l’institution dont vous avez la charge ?
A.S : Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez de parler du Secrétariat permanent du Plan national de développement économique et social (SP/PNDES) et des actions que nous menons au quotidien.
La structure que je dirige se porte de mieux en mieux. Elle s’étoffe en personnel et en capacité de travail. Après ma nomination et celles de trois chefs de département et du conseiller technique principal, le 06 avril 2017, l’équipe a été renforcée par la suite avec la nomination de chargés d’études pour l’atteinte de ses missions.
Le SP/PNDES assume activement son rôle d’organe technique de coordination du suivi-évaluation de la mise en œuvre du PNDES. A ce titre, il est chargé entre autres de : (i) la conception, la diffusion des outils de suivi-évaluation auprès des acteurs en charge de la mise du Plan ; (ii) le renforcement des capacités de ces ceux-ci à l’utilisation de ces outils ; (iii) la collecte des données nécessaires à l’appréciation de l’exécution physique et financière du PNDES ; (iv) la production de rapports sur l’état de la mise en œuvre du PNDES et ses impacts ; (v) la conception et la mise en œuvre de la politique de communication sur le PNDES ; (vi) la préparation et l’organisation des sessions du comité national de pilotage du PNDES et du comité technique national du PNDES.
Ces missions sont importantes, bien entendu, car de la qualité du Suivi-évaluation dépend en partie, la réussite de la mise en œuvre du Plan. Cela dit, la réalisation des investissements et des réformes prévues dans le PNDES relève principalement des ministères et des collectivités territoriales.
Relativement aux attributions du Secrétariat permanent, vous vous souviendrez que lefaso.net a couvert le 19 mai 2017, la session du Comité technique national du PNDES et le 9 juin 2017, celle du Comité national de pilotage du PNDES que ma structure a organisée afin de soumettre à l’appréciation des membres des deux organes de pilotage du PNDES, le projet de rapport global de performance 2016 de la mise en œuvre.
Pour évoquer l’actualité brulante du moment au sein du SP/PNDES, je dois informer que mes services sont à pied d’œuvre pour accompagner les acteurs en charge de la mise en œuvre des réformes et des investissements, dans la préparation des rapports sectoriels et régionaux à mi-parcours au titre de l’année 2017.
A cela s’ajoute, l’accompagnement technique des acteurs pour rendre disponibles les politiques sectorielles, pour maitriser les outils de programmation et de capitalisation des actions du PNDES et la conduite d’activités au quotidien rentrant dans le cadre du suivi-évaluation du Plan.
En outre, nous travaillons à renforcer la communication sur le PNDES, à travers l’animation de conférence et la participation à des émissions organisées par des médias. Nous travaillons également à la définition d’une stratégie de communication intégrale sur la mise en œuvre du PNDES.
Lefaso.net : Le PNDES, un vaste programme pour une transformation structurelle de l’économie et une croissance forte et durable. Quelles doivent être les conditions pour que ce vaste chantier fasse mieux que la SCADD, son aînée ?
A.S : Précisions d’abord que le PNDES n’est pas un programme, mais un Plan nation d’organisation, d’orientation du développement. Il est à l’image de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) et du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), ce que les spécialistes des publiques appellent, référentiel de développement. Il ambitionne de transformer la structure de notre économie par la génération d’une croissance forte, inclusive, résiliente et créatrice d’emplois décents pour tous. Pour y parvenir, un certain nombre de conditions, favorables à l’action publique doivent être remplies. Il s’agit de la paix sociale, de la sécurité des personnes et des biens, de l’engagement de tous les acteurs ainsi que l’amenuisement des aléas économiques défavorables (sécheresse, fluctuation défavorable des cours des matières premières exportées, du pétrole, des devises, etc.).
L’engagement des plus hautes autorités, à savoir leurs Excellences Monsieur le président du Faso et Monsieur le Premier ministre est élevé et est des plus palpables. En revanche, même si les efforts de sécurisation du pays commencent à porter leurs fruits, le climat social reste marqué par des tensions qui paralysent par endroit, l’administration publique et la bonne exécution des projets inscrits dans le PNDES.
Par rapport à la période de la SCADD, caractérisée dès son début de mise en œuvre, au premier trimestre 2011, par la grave mutinerie des soldats, suivie par la fronde sociale des années 2012 et 2013 et l’incertitude politique qui a culminé en insurrection populaire les 30 et 31 octobre 2014, suivie d’une transition politique difficile en 2015, on peut faire le constat que grâce aux actions que mène le gouvernement (politique de défense et sécurité, dialogue social) le pays est à l’abri de ce genre d’aléas. De même, les aléas macroéconomiques cités plus hauts ne se sont pas amplifiés. De ce fait, le PNDES se met en œuvre sous de meilleurs auspices.
Concernant l’action publique, elle est clairement définie à travers le PNDES et ses instruments de mise en œuvre que sont les politiques, programmes, projets et reformes. En revanche, des progrès substantiels restent à accomplir en termes de mobilisation des ressources propres pour le financement du Plan, des reformes afin d’améliorer le climat des affaires, la justice commerciale et rendre plus performante et moderne l’administration publique.
Lefaso.net : A la Conférence de Paris, le Burkina Faso avait présenté aux bailleurs de fonds 83 projets structurants. Les études de faisabilité de certains étaient bouclées pendant que d’autres étaient encore en cours. Quelle est la situation aujourd’hui ?
A.S : C’est vrai, lors de la conférence de Paris tenue les 7 et 8 décembre 2016, nombre de projets ne disposait pas d’études de faisabilité, ni même d’une documentation sommaire. A la date d’avril 2017, l’état de préparation des projets a significativement évolué et dans le bon sens. En effet, on dénombrait cinquante-deux (52) projets dont le niveau de maturité permettant de soumettre aux partenaires techniques et financiers, des requêtes de financement ou selon le cas de lancer le processus de consultation de partenaires privés. Il s’agit donc des projets pour lesquels l’on dispose d’études de faisabilité. Douze (12) projets avaient leurs études de faisabilité en cours d’élaboration, cinq (5) disposaient de termes de référence d’études de faisabilité et enfin seulement quinze (15) projets ne disposent pas encore de documentation permettant d’apprécier leur maturité.
Cette situation est évolutive et vous savez sans doute que les derniers conseils de ministres ont décidé de lancer la réalisation d’études de faisabilité de projets d’envergure tels que ceux des barrages de Ouéssa, Banwali et Bassiéri pour un coût de 7,7 milliards F.CFA.
Enfin, à propos de la réalisation des études de faisabilité, il faudra attirer l’attention des lecteurs sur le fait qu’il s’agit d’études assez complexes qui combinent des analyses techniques aux études sociales et environnementales et qui nécessitent d’importants moyens financiers dont le déboursement n’est pas aisé, y compris pour l’Etat.
Lefaso.net : L’actualité économique est marquée par la récente adoption de la loi sur l’allègement des procédures de passation de la commande publique dans le cadre du partenariat Public-privé. La raison avancée par le gouvernement est la faiblesse du taux d’exécution du budget d’investissement qui n’aurait pas atteint 30% du fait de la lourdeur des procédures de contractualisation. Pensez-vous que cette loi va motiver davantage les investisseurs à venir au Burkina Faso dans le cadre du PNDES ?
A.S : Comme vous le devinez sans doute, la mise en œuvre réussie du PNDES passe par un niveau d’exécution satisfaisant des investissements, notamment à travers les partenariats public-privé. Depuis la conférence de Paris pour le financement du PNDES, ils sont déjà nombreux, les investisseurs intéressés à proposer leurs services pour la réalisation des projets structurants du PNDES.
L’adoption de la loi sur l’allègement des procédures de passation de la commande publique dans le cadre du Partenariat Public-Privé (PPP) vise surtout à accélérer la contractualisation dans le cadre des PPP et par ricochet, l’exécution des projets. Qui dit entente directe insinue qu’il y a déjà de potentiels fournisseurs de servir ou de potentiels investisseurs.
Quant à l’attrait des investisseurs au Burkina Faso, il dépend de facteurs allant au-delà de la célérité de la négociation des contrats de PPP. Ceux-ci tiennent notamment à la stabilité macroéconomique, à l’environnement des affaires, à la stabilité politique, à la sécurité, à la qualité des infrastructures et les opportunités d’investissements.
Ces facteurs s’améliorent de jour en jour grâce aux efforts en matière de sécurité, de renforcement de la transparence, de la qualité de la justice et de l’amélioration du climat des affaires. Avec le PNDES, les opportunités d’investissements au Burkina Faso ont été plus que jamais mises en évidence.
Je dois toutefois, aviser que la loi à laquelle vous faites référence est applicable à des projets relevant des secteurs biens précis, notamment, l’agriculture, l’élevage, l’éducation, l’énergie, la santé, les infrastructures, l’eau et les questions humanitaires. Elle n’abroge pas non plus la loi 020-2013/AN portant régime juridique du partenariat public-privé qui continue d’être appliquée aux projets qui ne sont pas concernés par la loi sur l’allègement des procédures de passation de la commande publique dans le cadre du partenariat Public-privé.
Lefaso.net : Quel rôle jouera le secrétaire permanent du PNDES dans la mise en œuvre de cette loi sur les PPP ?
A.S : Le SP/PNDES n’est pas une structure d’exécution des projets et programmes, mais une structure technique de coordination du suivi-évaluation du PNDES. Toutefois dans son rôle de suivi et d’évaluation, il travaillera en étroite collaboration avec les maitres d’œuvre des projets PPP, pour le suivi de leur exécution. De même le SP/PNDES pourrait apporter un avis technique sur les projets de contrat afin de contribuer à la conclusion de contrats PPP qui sont les plus en phase avec les résultats escomptés du PNDES.
Lefaso.net : Le 30 juin dernier à l’Assemblée nationale, Mme le ministre de l’économie et des finances a annoncé que le gouvernement avait revu ses ambitions à la baisse en ce qui concerne les appuis budgétaires car les financements des partenaires étaient « timides » en ce qui concerne ces types d’appuis. Est-ce déjà un signe que les promesses de 18 000 milliards de F CFA ne seront pas respectées ?
A.S : Au lieu de dire « promesses » de 18 000 milliards FCFA, j’utiliserais le terme « intention » de financement. Ces intentions de financement offrent surtout une opportunité au Burkina Faso de choisir les financements les plus avantageux pour combler le besoin de financement du PNDES qui s’élevait à 5570,2 milliards de F CFA.
Les appuis budgétaires avec les appuis projets des partenaires institutionnels constituent une composante du financement à côté des PPP et d’autres formes de financement. Les appuis budgétaires dépendent aussi des cycles de programmation de l’appui au pays des partenaires institutionnels. Le volume de leurs appuis au budget n’est pas linéaire : il peut y avoir des années de haut et des années de bas. L’essentiel pour nous est d’arriver à mobiliser les financements à la hauteur du besoin exprimé.
Dans ce sens les efforts se poursuivent. Depuis la conférence de Paris, le Ministère de l’économie, des finances et du développement a entrepris le dialogue avec les partenaires qui se sont engagés à accompagner le Burkina Faso.
À la date d’avril 2017, le point fait des financements acquis fait état d’une mobilisation de 930 912 752 352 FCFA auprès de partenaires multilatéraux, bilatéraux, d’organisations non gouvernementales et privés (Partenariat public-privé). Les dons cumulés s’élèvent à 549 492 252 277 FCFA et les prêts 381 420 500 075 FCFA. Le montant total des conventions signées de 2016 au 10 avril 2017, représente ainsi près de 17% du besoin de financement exprimé (5, 570,2 milliards FCFA). C’est une performance appréciable.
Lefaso.net : Les syndicats des impôts et du trésor sont en sit-in de 96h depuis le 18 juillet. Ce énième mouvement d’humeur a-t-il des conséquences sur le secrétariat permanent ? Si Oui lesquels ?
A.S : Comme souligné plus haut, le SP/PNDES n’a pas la charge de l’exécution des projets et programmes du PNDES. L’exécution desdits projets et programmes incombe aux différents ministères et aux collectivités territoriales. De ce fait, pour nous le mouvement d’humeur des syndicats cités a pour le moment peu d’impact sur le SP/PNDES lui-même. En revanche, pour les structures d’exécution des projets et programmes qui effectuent de nombreuses opérations au trésor et qui accomplissent autant de formalités fiscales, il va sans dire qu’elles ont pu être plus sévèrement affectées.
Si ces mouvements perduraient, cela pourrait retarder l’atteinte des résultats attendus de la mise en œuvre du PNDES.
Lefaso.net : Un dernier mot ?
A.S : Je vous remercie à nouveau et souhaite que vous puissiez nous accompagner à rehausser la visibilité des actions rentrant dans le cadre de la mise en œuvre du PNDES.
Interview réalisée par Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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