De plus en plus, beaucoup de manquements sont constatés dans l’administration publique à telle enseigne qu’on se pose de nombreuses et d’énormes questions sur le rôle de chaque composante dans la bonne marche de cette entité. Ainsi, le premier constat qui se dégage est que les retards sont permis et les absences tolérées.

Un retard dans l’administration n’est pas un péché et rarement des remarques sont faites à un agent pour un retard. Quant aux absences, elles sont toujours couvertes par le supérieur hiérarchique soit par courtoisie, par crainte ou par impuissance.

Par courtoisie parce que le chef couvre l’agent ; par crainte parce que le chef même se « cherche » comme on dit couramment et par impuissance car après mille et une interpellations aucun changement n’est constaté, alors le chef regarde faire. Et mieux encore dans aucune structure de l’administration publique l’on a assisté à un conseil de discipline pour retard ou absence. Pourtant le décret n°2015-1048/PRES-TRANS/PM/MFPTSS du 15 septembre 2015 fixe clairement les horaires de travail dans l’administration publique.Il n’est pas rare d’entendre souvent cette phrase « pourquoi me sacrifier tant, ce n’est pas le champ de mon papa ». Effectivement c’est parce que ce n’est pas le champ de mon papa que je dois bien faire car dans le champ de mon papa personne ne viendra me demander des comptes.

Mais ici, j’ai un devoir de mieux faire car j’ai des comptes à rendre à ceux qui m’ont confié cette responsabilité. Pourtant dans le privé, les horaires sont scrupuleusement respectés, alors pourquoi ce dédain dans l’administration publique ? Une fois en visite dans un service privé, le responsable me dit que le service débute à 7h30 minutes et tout retardataire reçoit une lettre d’explication. Lorsque tu reçois plus d’une lettre d’explication, c’est un avertissement qui s’en suit. Face à une telle rigueur, je lui demande et si tu as un parent malade et voilà sa réponse « tant que ce n’est pas l’employé qui est malade, il est tenu de venir et à l’heure au service ». Et il renchérit « supposons que tu sois en mission et que le malade survient qui va s’en charger » ? Alors tant que l’employé lui-même n’est pas malade aucune justification de son retard n’est possible encore moins son absence. Et s’il est malade, un certificat médical lui octroyant un repos doit être prescrit et déposé au secrétariat avant la fin de la journée. « Tu es vraiment méchant » lui ai-je répondu. Non me rétorqua-t-il, « je suis simplement rigoureux et ceux qui ne font pas la différence entre ces deux termes m’en veulent comme toi ».

Combien de conseils de disciplines fonctionnent dans les administrations ? Combien de responsables félicitent leurs agents en fin d’année pour le service rendu ? Combien de lettres de félicitations signées du ministre à l’adresse des agents enregistre-t-on dans nos administrations publiques ? Cela aura pour mérite d’encourager les agents à plus de résultats.

Aussi, le suivi du mouvement du personnel n’est toujours pas effectif. Combien d’agents en fin de détachement, de disponibilité ou à la fin de leurs formations professionnelles attendent des mois sans être affecté. Certains attendent plus d’une année jusqu’à être oublié et ils se livrent à leurs propres activités tout en émargeant toujours au budget de l’Etat. On en trouve des cas dans tous les segments de l’administration publique sans que cela ne heurte la sensibilité de personne. Des lacunes qui plombent sérieusement le fonctionnement de l’administration publique et grèvent lourdement son budget. Lorsque son excellence Monsieur le Premier Ministre s’offusque qu’on ne peut pas utiliser 50% du budget pour payer les salaires, si ces irrégularités étaient corrigées, il y aurait un gain substantiel. Alors moi je me suppose la question de savoir, si l’administration remplit une fonction publique où tous les burkinabè peuvent être employés sans distinction et rendre service à tous les usagers oubien elle remplit une fonction sociale où on peut employer un agent dans l’optique de lui permettre d’avoir juste un revenu en fin de mois ?

Dans le secteur public, les congés administratifs ne sont pas un droit mais un privilège. Ainsi il n’est pas rare de trouver des agents qui ne vont pas en congé au prétexte qu’ils ont trop à affaire. Une fois un agent en service dans une structure sanitaire nous disait que cela fait huit ans qu’il n’est pas allé en congé parce qu’il n’y a pas quelqu’un pour le remplacer. Alors un autre lui répondit que « ce n’est pas parce qu’il n’y a pas quelqu’un pour te remplacer que tu ne vas pas en congé, c’est parce que tu ne vas pas en congé qu’il n’y a pas quelqu’un pour te remplacer ». Dans le privé, certains refusent même le congé payé et préfèrent aller se reposer et revenir plus apte pour le travail.

Ces dernières années, une course effrénée pour les centres urbains est observée dans tous les secteurs. A ce niveau, une étude sérieuse et approfondie doit être menée afin de rendre toutes les zones attrayantes au lieu de laisser tous les agents publics courir vers les centres urbains au détriment des autres localités. Lorsqu’on fait une cartographie de la présence des agents de l’administration publique, les zones urbaines sont les plus peuplées. Une véritable politique devait être conduite afin de rendre les autres zones enviables. A l’instar des affaires étrangères où un coefficient est affecté aux salaires du travailleur suivant son pays d’affectation on peut instaurer cette même pratique suivant les zones du pays. Diviser le pays en quatre ou cinq zones à savoir la zone du Sahel, de l’Est ainsi de suite. Un agent affecté dans la région du Sahel ou de l’Est peut voir son salaire multiplier par trois voire plus. Ainsi cet agent peut être motivé à y rester pendant un certains car le salaire compense un peu l’austérité dans la zone et d’autres agents dans d’autres localités pourront demander à servir dans ces régions. Une ébauche avait été trouvée mais qui est aujourd’hui dépassée car elle se limite à considérer comme zone rurale toute zone hors mis les chefs-lieux de région. Ainsi, un agent en service à Gorgadji ou à Tomgomael a les mêmes indemnités qu’un autre présent à Mogtédo ou à Tanghin Dassouri. Du coup, la course vers les localités proches de Ouaga, Bobo-dioulasso ou Koudougou est devenue fréquente toute chose qui dégarnie les zones reculées. La démotivation, l’absence d’activités crée un laxisme et amène les agents à déserter les services.

Un cadre en service au ministère de la fonction publique nous disait une fois que « si l’on confiait l’administration publique à un entrepreneur, sans étude préalable, il allait licencier 1/5 du personnel. Mais s’il prenait le soin de faire une étude approfondie, il pourrait aller jusqu’au ¼ du personnel à licencier parce que leur présence ne produit pas les résultats escomptés ». C’est très osé comme affirmation, mais elle traduit bien la triste réalité.

Si nous voulons un véritable développement, nous devons fondamentalement changé nos comportements. Il n’est pas rare de voir les ampoules et autres appareils électriques allumés alors que personne ne se trouve dans le bureau. Il est admis dans l’esprit des usagers et même des travailleurs que lorsqu’on arrive le matin au service, on doit allumer les ampoules pour marquer sa présence même si on n’est pas au bureau. C’est pourquoi des agents allument les ampoules, vont à des ateliers toute la journée pour juste faire savoir qu’ils sont passés au service. Alors quelle est la différence entre un agent qui n’est pas passé au service et un autre qui est absent ? La finalité est la même alors, économisons notre énergie et ne l’utilisons que lorsqu’il y a une présence humaine dans les bureaux.

Certaines structures pour ne pas dire beaucoup ne disposent pas de toilettes pour les agents alors qu’on est convaincu qu’il est difficile de passer une journée entière sans avoir envie de se soulager. Alors pourquoi elles sont absentes des services publics ? Là où on en trouve, elles sont de très mauvaise qualité et souvent désagréables. Des personnes préfèrent se contenir pour ne pas y entrer car elles sortiront malades. Dans d’autres services au lieu de les entretenir, on les a carrément fermées, est-ce avec de telles pratiques on peut espérer plus de résultats des acteurs de l’administration publique ?

S’il est vrai que les agents sont responsables de certains manquements ou dysfonctionnements, l’autre grande partie est imputable à l’administration pour son inertie et chacun devra travailler à éviter des situations dommageables.

Coach Boukaré Palingwendé KABORE

Doyen du CRYSPAD

Responsable exécutif du programme ACI

Président de l’Union Africaine des Coachs

Point focal du Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel (2R3S)

Tél : 77 53 38 80

Mail boukarekabore2000@yahoo.fr

Source: LeFaso.net