Le meeting tant attendu (des initiateurs que des adversaires) s’est tenu, et comme prévu, ce samedi, 29 avril 2017 à la Maison du peuple, Ouagadougou. Premier meeting de l’opposition de l’ère MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir), ce rendez-vous a fait le plein de la salle, obligeant une partie des participants à suivre le déroulement de l’activité de dehors.
Après un accueil aux allures de triomphe de la trentaine de responsables et représentants de partis politiques affiliés à l’institution Chef de file de l’opposition politique au Burkina-Faso (CFOP-BF) suivi de leur installation, c’est par l’exécution de l’hymne national que l’activité proprement dite va démarrer. Un moment de mobilisation marqué par des allocutions, des prestations d’artistes et autres intermèdes. Ainsi, outre les salamalecs des responsables du comité d’organisation, l’on a assisté à la lecture de la « plate-forme des partis de l’opposition », un des clous de ce meeting. Sur ce chapitre, on retient que ce qu’il conviendrait d’appeler aussi « référentiel » de l’opposition est articulé autour de cinq axes. Il s’agit de la « gouvernance politique et juridique », la « gouvernance administrative et locale », la « gouvernance économique et du développement », la « gouvernance sociale » et la « gouvernance diplomatique et l’intégration régionale ».
Selon les responsables des partis membres de l’institution, la vocation de cette plate-forme est d’offrir des marqueurs qui serviront d’interpellation du gouvernement par l’opposition. Ce document sera réactualisé chaque année et pourrait se présenter, le moment venu, comme un programme commun à tous les partis de l’opposition pour présenter aux Burkinabè, l’alternative.
Le moment le plus attendu a été incontestablement le discours du Chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré, dans une salle surchauffée. Ce dernier ne va pas mettre du temps pour faire monter le mercure, non seulement en faisant son analyse de la vie nationale, mais également et surtout, en ‘’malmenant » ses adversaires politiques. « Il paraît que certains ont dépensé des milliards pour empêcher les gens de venir aujourd’hui à la maison du peuple ! Eh bien, qu’ils viennent voir ce qui se passe à la maison du peuple ce 29 avril 2017 ! », a introduit Zéphirin Diabré dans une ambiance d’ovations et de cris. Après avoir ravivé l’histoire récente du Burkina, le porte-parole de l’opposition va demander une minute de pensée pieuse pour les victimes de l’insurrection populaire. Puis, il confie ses émotions aux participants : « Quelle chanson puis-je chanter pour vous remercier, vous féliciter, vous glorifier et vous encourager pour cette mobilisation, cette détermination, cet engagement et ce courage patriotique dont vous avez fait montre aujourd’hui ? ».
Occasion pour faire mention spéciale à la mobilisation des jeunes, des femmes, de la chefferie coutumière et des tenants des religions autour de l’activité. Même reconnaissance à l’action des organisations de la société civile (OSC) ; celles qui, spécifie-t-il, restent gardiennes vigilantes des valeurs pour lesquelles, les Burkinabè se sont battus et pour lesquelles de nombreux Burkinabè ont consenti le sacrifice suprême. Il fustige par contre, ce qu’il a qualifié de pseudo-OSC, montées de toutes pièces par des aventuriers qui ont senti qu’il y avait là un filon à exploiter. « Après avoir navigué entre les différents centres du pouvoir sous la transition, c’est dans les bras du MPP que ces opportunistes ont finalement atterri. Ces jours-ci, l’annonce de notre meeting leur a donné l’occasion de sortir de leur sommeil, d’affermir leur soutien au PNDES (Plan national de développement économique et social, ndlr), d’affirmer que tout va bien au Burkina, et même de questionner l’opportunité de notre meeting ! », pointe Zéphirin Diabré avant d’inviter les « OSC sérieuses » à se démarquer de celles opportunistes. « L’opposition respecte et encourage l’indépendance et la neutralité des OSC, et leur responsabilité de dire la vérité aussi bien à la majorité qu’à l’opposition », appelle-t-il.
Revenant à l’actualité qui a entouré ce meeting, notamment les sorties de presse du côté de la majorité et ses alliés, Zéphirin Diabré a conclu : « Ils ont peur de la colère du peuple. Ils ont peur d’une nouvelle insurrection. Normal, l’assassin sait très bien que le coup de gourdin fait mal. Mais ils se trompent de stratégie. S’ils veulent éviter la colère du peuple, qu’ils règlent les problèmes des Burkinabè ».
‘’A ce stade, nous sommes d’accord sur au moins une chose, c’est que le MPP gère mal le Burkina »
Zéphirin Diabré apprend également que l’opposition est nouvelle et plurielle, comme l’était celle qui a mené le combat pour l’insurrection, et comme l’est la majorité. « Nous ne sommes pas d’accord sur tout. Nous ne sommes même pas obligés d’être d’accord sur tout, parce que personne n’a consulté l’autre avant de se déclarer opposant. Mais à ce stade, nous sommes d’accord sur au moins une chose, c’est que le MPP gère mal le Burkina », étale Zéphirin Diabré. Il invite donc les militants et sympathisants de l’opposition à ne pas se laisser intimider ni abuser par la propagande du MPP, qui diabolise l’ancienne majorité le jour, et manœuvre la nuit pour la récupérer en pièces détachées afin d’affaiblir le CFOP-BF.
« Les dirigeants du MPP parlent du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ex parti au pouvoir, ndlr) comme si c’était le choléra, mais passent par des émissaires, amis et parents, pour établir le contact avec Blaise Compaoré », affirme le porte-parole de l’opposition pour qui, quand on insulte un parti, on ne cherche pas à joindre son père fondateur.
« Dans tous les cas, les leaders du MPP sont mal placés pour donner des leçons de morale à qui que ce soit dans ce pays. Quand on critique le MPP sur sa gestion, quand on dit que le pays va mal, ils accusent les 27 années de règne de Blaise Compaoré. Mais dites-moi mes amis, avec qui Blaise Compaoré a-t-il géré ce pays durant ces 27 années ? C’est avec eux ! Qui dirigeait le CDP pendant les 27 ans de Blaise Compaoré ? C’est eux ! Qui a inventé le tuuk guili (scores sans partage des scrutins, ndlr) et mis en œuvre les stratégies diaboliques pour torpiller les partis d’opposition ? C’est eux ! Qui a développé en son temps la corruption pour financer le CDP d’alors ? C’est eux ! Qui a commencé la politisation de l’administration dans ce pays ? C’est eux ! Qui a le plus profité du règne de Blaise Compaoré dans ce pays ? C’est eux ! Qui a organisé le congrès du CDP qui a décidé de la modification de l’article 37 ? C’est eux ! Alors, qu’ils fassent attention ! Nous avons pardonné, mais nous n’avons pas oublié ! », énumère le chef de file de l’opposition politique. Selon Zéphirin Diabré, l’opposition est là aujourd’hui, parce que le MPP a trahi l’idéal pour lequel, les populations ont parcouru les artères de Ouagadougou et des autres villes. Il affirme qu’ un peu plus d’un an après l’arrivée au pouvoir de ce parti, la désillusion est totale et le découragement est sans pareil.
‘’ On n’a pas besoin de pousser quelqu’un qui est déjà mal assis ! »
« Le vrai changement pour lequel nos martyrs sont morts, a été oublié par le MPP, qui recycle les vieilles méthodes de gouvernance que ses dirigeants utilisaient, lorsqu’ils dirigeaient le CDP », estime-t-il. Il accuse le MPP de tomber dans les injures et l’hystérie, comme au bon vieux temps. Réagissant à certains propos de la majorité, M. Diabré a lancé que sous sa direction, en tant que CFOP-BF, aucune boutique n’a été cassée ou un seul feu (tricolore, ndlr) n’a été brisé pendant une marche de l’opposition. De l’avis de Zéphirin Diabré, si le MPP dit aux gens que l’opposition veut empêcher le PNDES de fonctionner, c’est parce qu’il sent déjà que ça va échouer. « Il (MPP) a dit partout, et surtout aux chefs coutumiers, que nous voulons les pousser pour qu’ils tombent. Nous disons qu’on n’a pas besoin de pousser quelqu’un qui est déjà mal assis ! Nous sommes là pour faire notre travail d’opposant républicain. Mais cela dit, comme l’a si bien dit Bassolma Bazié de la CGT-B, celui qui est mal assis et qui tombe, c’est son problème ! », martèle Zéphirin Diabré, avertissant que l’opposition ne se laissera pas distraire par les pleurnicheries.
Mieux, il déclare que le parti au pouvoir aura en face une « opposition caillou » qui rappellera chaque matin que le peuple a faim, les jeunes sont au chômage, l’argent ne circule pas, les soins ne sont pas gratuits, etc. Pour lui, au lieu de l’expérience sur laquelle ils (dirigeants MPP) se sont appuyés pour battre campagne, ce sont des tâtonnements, des hésitations et l’amateurisme qui sont aujourd’hui servis. « Ils ont chanté partout ici qu’ils étaient la solution. Aujourd’hui, ils sont devenus un vrai problème pour le Burkina », constat du porte-parole de l’opposition, Zéphirin Diabré. Il note ici que depuis l’arrivée au pouvoir du MPP, l’économie est en panne et le pays est sec.
Zéphirin Diabré affirme également que la corruption est repartie de plus belle au Burkina ; les opérateurs économiques qui ont financé la campagne du MPP sont en train de se faire rembourser sur le dos du peuple. « C’est pour cela que le MPP a modifié la loi sur les marchés de gré-à-gré. Désormais, les ministres peuvent donner jusqu’à un milliard de gré-à-gré à leurs copains. Les routes bitumées et les voies en terre sont devenues le terrain favori de l’affrontement des grands du MPP, chacun voulant un morceau pour ses amis. Et les concours architecturaux pour ériger les nouvelles assemblées sont gérés mouta-mouta », soutient-il. Chômage des jeunes, manque de fonds de financement pour les femmes, galère dans les universités, empiètement dans la politique de la gratuité des soins, bref, pour Zéphirin Diabré, au lieu du « Burkina is back ! » comme l’a dit le Premier ministre lors de son discours sur la situation de la nation, c’est plutôt « la famine qui is back ! ».
La réconciliation nationale, une question à résoudre !
La réconciliation nationale n’a pas échappé à sa lancée, et sur la question, le porte-parole de l’opposition a été ferme : ‘’ le pays souffre de la division de ses fils. Elle est une question posée et à résoudre. Et sur ce plan, je peux vous rassurer que personne ne veut et ne va enjamber les cadavres de nos martyrs. Ce sera vérité-justice-réconciliation. Et il me plaît de vous informer que toute l’opposition politique est d’accord pour ce tryptique‘’. « La vérité, toute la vérité, rien que la vérité », insiste-t-il avant d’ajouter qu’il s’agit de savoir qui a fait quoi, quand et où ! « Quand nous disons qui, c’est tous les qui ! Quand nous disons quoi, c’est tous les quoi ! Et quand nous disons quand, c’est tous les quand ! Et quand nous disons où, c’est tous les où ! », précise Zéphirin Diabré dans un tonnerre d’applaudissements. Il expose : « Si nous sommes d’accord pour soulever le couvercle de la marmite, alors soyons d’accord pour aller au fond de la marmite ! ». Plain-pied dans ce volet, Zéphirin Diabré prône une justice qui est la même pour tous. « Mais c’est là où nous avons un problème.
Comme nous l’avons toujours dit, si on doit attraper des voleurs, il faut attraper tous les voleurs. S’il faut attraper les criminels, il faut attraper tous les criminels. Mais on ne peut pas attraper les voleurs de grande taille et laisser les voleurs hommes courts, ni attraper les criminels de teint clair et laisser les criminels de teint noir », avertit le CFOP-BF qui rappelle par la même occasion que la Haute Cour de justice tiendra la semaine à venir (4 mai, ndlr) ses assises dans le cadre de l’insurrection populaire. « La position de l’opposition est simple : le droit, tout le droit, rien que le droit. Le droit, mais pas la politique ! », requière-t-il avant de déclarer qu’il manque quelque chose dans ce procès. « Où sont passés les officiers de l’armée, de la police et de la gendarmerie qui ont mis en application cette fameuse réquisition, qui ont distribué les munitions aux jeunes soldats, qui les ont encadrés, qui ont donné l’ordre de tirer ? Où sont-ils ? Il faut qu’ils viennent aussi, répondre. Nous voulons tout le monde à la barre. Les commanditaires comme les exécutants ! Les complices comme les auteurs ! », a insisté Zéphirin Diabré pour qui, « cette revendication, l’opposition politique ne la laissera jamais tomber ».
A en croire le porte-parole des partis de l’opposition, malgré la forte déception et la grande colère qui les animent, la détermination reste intacte. De leur diagnostic, le gouvernement a échoué. C’est pourquoi, Zéphirin Diabré a annoncé solennellement qu’il entend soumettre à l’assemblée des chefs des partis de l’opposition, l’idée d’une motion de censure contre le gouvernement Paul Kaba Thiéba.
L’opposition poursuivra toujours son combat de manière républicaine, mais avec fermeté et sans complaisance, maintient M. Diabré. « Aujourd’hui, c’est la maison du peuple. Demain, ce sera ailleurs ! Forcement ! Forcement ! Que le MPP prépare encore ses milliards, car demain, il y aura encore beaucoup plus de monde à corrompre », projette le Chef de file de l’opposition, Zéphirin Dibaré, qui appelle les participants à rester mobilisés et à se tenir prêts pour les mots d’ordre à venir.
Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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