Le chef de file de l’opposition politique Zéphirin Diabré est en train de jouer au quitte ou double en cette période charnière de la vie politique du Burkina. En effet le régime actuel du président Kaboré est le tout premier démocratiquement élu après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

C’est une nouvelle ère politique qui est amorcée au pays des hommes intègres après un si long règne de Blaise Compaoré. Les gens du MPP sont venus malheureusement brouiller les cartes de celui pour qui un destin national et présidentiel était tout tracé. N’eût été en effet, cette rupture de ban de Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo, Simon Compaoré et de leurs fidèles camarades du MPP d’avec le régime Compaoré, tout indiquait que Zéphirin Diabré et Me Sankara étaient les mieux placés pour occuper Kossyam.

La trajectoire présidentielle du président de l’UPC fut donc déviée par le trio diablotin. Si le président Kaboré et ses compagnons de route réussissent leur mandat, Zéphirin est conscient qu’il s’éloignera de plus en plus de Kossyam. La meilleure alternative pour lui est donc un échec programmé du MPP. Et il s’y emploie de tout son cœur, de toute son âme, de toute son intelligence et de toute son ardeur politique. En cela son principal allié stratégique du moment est le CDP qui a lui aussi grand intérêt à ce que Roch Marc Christian Kaboré et son MPP échouent. Un objectif commun mais des raisons différentes. Tandis que le patron de l’UPC souhaite un échec du MPP pour augmenter ses chances d’accéder à Kossyam, ceux du CDP, soupirent, eux, après un revers de l’actuel parti au pouvoir pour démontrer au peuple burkinabè qu’il a eu tort de destituer leur cicérone.

Blaise Compaoré n’avait-il pas déclaré au moment où il tentait de modifier la Constitution : « Ce qui me préoccupe, c’est ce que deviendra le Burkina, (…) je ne veux pas voir détruit tout ce qui a été mis en place. Je n’ai pas envie d’assister à l’effondrement de mon pays pendant que je me repose ». Le CDP a intérêt à ce que ces propos de son mentor relèvent d’une prophétie. Et puis c’est connu, c’est moins sa mise sur la touche qui fait mal au CDP, que la qualité de ceux qui l’ont remplacé au pouvoir. D’où le « tout sauf les RSS ».

C’est pourquoi quand ailleurs, une attaque terroriste consacre l’unité sacrée, au Burkina des opposants ne se privent pas d’essayer de récolter honteusement des dividendes politiques, donnant l’impression qu’ils se réjouiraient d’une éventuelle perpétuation des actes terroristes et djihadistes. Démontrant au passage qu’en politique, il n’y a ni morale ni vertu. C’est pourquoi l’actuel chef de file de l’opposition est décidé à ne laisser aucun répit à l’actuelle équipe dirigeante. La stratégie est de tout peindre en noir y compris ce que les Burkinabè applaudissent telle la gratuité des soins accordée à la mère et à l’enfant de moins de cinq ans et telles les écoles en paillote qui sont en train d’être remplacées par des écoles définitives. Il faut tout faire pour installer dans la mentalité collective que le MPP est inapte à gouverner et indigne de confiance. Quitte à coudre les choses d’un fil blanc.

C’est dans ce registre qu’il faut loger « le mémorandum de l’opposition sur un an du régime du président Roch Marc Christian KABORE. Une année de perdue pour le Burkina Faso ». C’est dans la même logique qu’il convient d’inscrire le meeting du CFOP prévu pour se tenir le 29 avril à la maison du peuple de Ouagadougou. En réalité c’est un meeting à la fois de pré-campagne et de test. Diabré veut jauger d’ores et déjà ses forces à l’issue d’un an du pouvoir MPP.

Sommes-nous en crise ?

D’abord le lieu. La maison du peuple est un endroit modeste en termes de capacité d’accueil. L’opposition sait que pour le moment elle ne peut remplir ni la place de la nation ni le stade municipal encore moins le stade du 4 aout. Elle préfère donc aller par paliers ; si le 29 avril, la mobilisation est satisfaisante, prochainement, elle prendra un endroit plus spacieux. Le chef de file de l’opposition veut remettre la stratégie qui a prévalu à l’orée de l’insurrection populaire ; il compte petit à petit cristalliser autour de sa personne, les mécontents et les déçus de tous bords pour en tirer plus tard un bénéfice électoral. Il oublie cependant que le contexte pré-insurrectionnel est très différent de celui-ci.

Le MPP et ses alliés sont largement majoritaires au sortir du triple scrutin présidentiel, législatif et municipal. Et pour le moment, les mécontents et les déçus en leurs rangs sont en nombre résiduel sans oublier que dans le propre camp de Zéphirin, les grognons et insatisfaits existent aussi.

Ensuite le contenu. Le meeting portera sur la situation nationale qui se dégrade selon le communiqué du CFOP convoquant ledit meeting. Pourquoi un meeting pour évoquer la dégradation d’une situation nationale ? Le pays est-il en crise ? Y-a-t-il blocage des institutions ? Sommes-nous en campagne ? Le meeting dénoncera « l’incapacité du MPP et de ses alliés à régler les problèmes des Burkinabè ». A quelles fins ? Est-ce pour aider le MPP et ses alliés à devenir meilleurs ? Loin de là.. Est-ce pour inviter les tenants du pouvoir à démissionner ? Ça sera trop facile, si l’on devait parvenir de cette façon au pouvoir. Quand un régime politique est incapable, on attend la prochaine élection pour se faire élire en ses lieu et place si l’on est soi-même capable. Là réside le charme de la démocratie. C’est pourquoi les mandats ont une durée et une limite. Ce, pourquoi nombre d’acteurs aussi bien du CFOP actuel que du pouvoir actuel se sont battus au péril de leur vie.

En dehors donc de la pré-campagne pour « formater » les esprits des Burkinabè à croire en l’incapacité de ce pouvoir à régler les problèmes des Burkinabè, on cherche vainement les raisons fondamentales qui peuvent prévaloir à la tenue d’un meeting de l’opposition en ce moment-ci. On aurait compris le bien fondé d’un tel rassemblement, s’il se tenait dans la 5ème voire la 4ème année du pouvoir Kaboré. Dès lors l’on peut comprendre ceux qui pensent que Zéphirin aidé du CDP, de la NAFA et des autres ont des visées déstabilisatrices.

En l’absence de crise et de blocage des institutions et en dehors des campagnes et pré-campagnes, l’on ne devrait pas tenir un meeting pour démontrer qu’un pouvoir est incapable. Non pas que cela soit interdit mais parce qu’inapproprié, inopportun et suspect. Fort heureusement, il ne suffit pas qu’un chef de file pense et déclare que son adversaire est incapable pour que le peuple se mette à le croire et à le suivre tel un mouton de panurge. En temps opportun le peuple saura faire la différence entre l’ivraie et le bon grain. Il jugera de par les actes posés par les uns et les autres et tranchera à travers les urnes.

Zéphirin aura toujours le beau rôle de critiquer et de médire

Par rapport au meeting, quelle sera la réponse du MPP et de ses alliés ? La question n’est pas dénuée d’intérêt. Vont-ils organiser un contre-meeting pour apporter la réponse du berger à la bergère ? Si c’est le cas, ils devront forcément choisir un endroit de plus grande capacité que la maison du peuple et procéder à une démonstration de force dans l’objectif de signifier aux adversaires que la majorité est et reste de leur côté. Ce qui incitera le CFOP à vouloir faire plus sinon autant la prochaine fois. Et derechef !

Nous voici à l’époque des stades pleins recto-verso. Je pense personnellement, que les partis de l’alliance majoritaire devraient éviter de tomber dans cette trappe. Parce que l’objectif de Zéphirin Diabré et de ses amis, c’est bien de distraire au maximum les tenants de l’actuel pouvoir pour les détourner de l’objectif de reconstruction ou de remise sur rail du pays car répétons-le, un succès du président Kaboré n’arrangera pas les affaires du président de l’UPC. De toute façon, lui aura toujours le beau rôle de critiquer et de médire. Mais à la fin des fins, ce n’est pas ce que le chef de file de l’opposition aura dit et fait qui prévaudra, mais plutôt ce que le parti au pouvoir aura fait en termes de reconstruction et du développement du pays qui sera évalué par les Burkinabè.

En attendant, Zéphirin Diabré a peur que le PNDES ne réussisse et que le second Compact Millenium Challenge Corporation (MCC) ne soit un succès. Il a peur que le projet des 40 000 logements sociaux ne devienne une réalité et que la résolution définitive des problèmes d’eau et d’électricité que le président Kaboré a pris à bras le corps ne devienne une autre réalité. Somme toute, Zéphirin et les siens sont entrain de montrer qu’ils ont peur de la réussite de Roch et les siens.

Ismaël Koubadani

Source: LeFaso.net