Je vois en la CODER (Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale) des gens qui ont refusé de suivre Dieu sur terre, parce qu’ils n’ont jamais pensé qu’il y aurait un jugement dernier.

Ce, en dépit des prêches tous azimuts des religieux (toutes confessions confondues), des autorités coutumières (tous us et coutumes confondus), des Organisations de la Société Civile (tous courants confondus), de la presse et des journalistes (tous bords confondus) pour les dissuader de modifier ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler l’article sacré des Burkinabè, savoir l’article 37 de la Constitution. Ils ont méprisé à l’époque quiconque émettait un son de cloche discordant du leur, allant jusqu’à le traiter d’ennemi ou d’opposant si ce n’est de traître.

A l’époque Blaise Compaoré lui-même était pris sinon pour un dieu du moins pour un demi-dieu et François Compaoré pour le premier des archanges dont le jugement et la condamnation à l’endroit de quiconque étaient implacables et sans appel. Les ordres de ces deux « seigneurs » étaient en effet presque divins.

Le fait est que la plupart des actuels chantres de la réconciliation nationale étaient aussi de ceux qui encourageaient et déifiaient les Compaoré. Rafraichissons notre mémoire : « Blaise Compaoré, c’est notre dieu et Luc Adolphe Tiao, notre messie » « Personne ne peut nous empêcher la modification de l’article 37 même pas Dieu ». « Je suis prêt à mourir pour Blaise ». « Notre pays n’a pas encore secrété un homme de la trempe de Blaise Compaoré » « Si on le veut, Djamila sera Présidente du Faso » « Nous allons voter Oui au référendum. Nous allons réviser l’article 37 et Blaise Compaoré sera notre président » « Au CDP, nous reconnaissons le berger depuis plus de 25 ans. C’est Blaise Compaoré. Nous reconnaissons la vache qui est le CDP et nous disons que le lait est toujours de bonne qualité aujourd’hui et demain… D’ailleurs, on a modifié la Constitution déjà 3 fois. Et nous le referons bientôt… »

J’ai évité de citer les auteurs de ces sentences dont certaines relèvent du blasphème car mon but n’est pas d’indexer individuellement mais de rappeler la responsabilité collective de ceux qui nous rabâchent aujourd’hui les oreilles par leur réconciliation nationale.

Pour moi qui suis croyant et qui crois fermement que c’est Dieu Lui-même qui a relevé le défi en provoquant la chute des Compaoré (puisqu’on a dit que même Dieu était incapable d’empêcher la modification de l’article 37) », franchement que voulez-vous que je fasse à présent d’une réconciliation nationale ? Pourquoi les gens de la CODER n’acceptent-ils pas aujourd’hui la rançon de leur jusqu’auboutisme ? Au moins, ils se montreraient dignes.

Une fois la vérité connue, la réconciliation ne sera qu’une formalité

Un peu partout dans le monde, au sortir de crises, c’est généralement des commissions vérité, justice et réconciliation plus connues sous le sigle CVR (Commission Vérité Réconciliation) qui règlent les problèmes de réconciliation. On en dénombre un peu plus d’une trentaine notamment en Afrique et en Amérique Latine. L’Afrique du Sud étant la pionnière en la matière. Les pays qui les ont créées sont généralement des nations qui ont vécu de profondes crises : apartheid, guerres et conflits, génocides, violence extrême…

Je ne sais pas si une insurrection populaire peut-être appelée crise dans son sens conflictuel ; j’en doute car pour moi c’est plutôt une révolution ; à moins que l’on pense qu’une révolution est une crise. Et si elle peut être considérée comme une crise, est-elle du type à appeler une réconciliation nationale ? Et si elle peut faire l’objet d’une réconciliation, pourquoi les animateurs de la CODER ont-ils royalement oublié les aspects vérité et justice ? Peut-être que s’ils avaient créé une COVER (Coalition pour la vérité et la réconciliation) ou une COJUR (Coalition pour la justice et la réconciliation), on aurait mieux compris. Mais l’on voit bien que les créateurs de la CODER ont leur propre vision de la réconciliation.

La réconciliation nationale c’est aussi et avant tout, savoir enfin pourquoi et comment des dizaines de personnes sont mortes assassinées sans miséricorde sous le régime Compaoré. C’est aussi et avant tout, savoir et comprendre comment dans un pays aux ressources squelettiques, une Dame a pu amasser à elle seule une colossale fortune et qu’un clan à lui seul a pu à un moment donné tenir tous les leviers économiques de ce pays à plus de 90%. Oui la réconciliation, c’est élucider et comprendre avant tout, les torts et injustices nationaux qui ont été commis çà et là.

Une fois la vérité connue, le pardon naitra et s’opérera subséquemment une catharsis nationale ou une abréaction pour faire savant. Car toute vraie et sincère réconciliation passe d’abord par une catharsis. Or une catharsis n’est rien d’autre qu’une délivrance. Or une délivrance passe nécessairement par la vérité et la justice. Quand on connait la vérité et quand la justice est rendue, s’en suit le pardon. Ensuite la réconciliation n’est plus qu’une formalité. Pourtant on le voit bien, la CODER, veut hic et nunc cette formalité sans le processus qui y mène, même si ces jours-ci, ils sont en train de changer stratégiquement de langage au vu des protestations et de la non adhésion d’une majorité à leur projet.

A propos de pardon, nul ne peut nier que le peuple burkinabè est un peuple de pardon et de magnanimité. C’est parce qu’il a pardonné d’une certaine façon que certaines personnes peuvent encore se pavaner sans inquiétude, tonitruer sur les antennes de télévisions et de radios et même se permettre ‘’d’invectiver et d’outrager » sans inquiétude notre chère et salutaire insurrection populaire, d’aller et de venir sans crainte sur la lagune Ebrié à la rencontre de celui qui est à l’origine de tant de misères morales de ce pays.

Lorsque Roch Marc Christian Kaboré et ses compagnons de route ont reconnu publiquement leurs torts et leurs erreurs ; lorsqu’ils ont demandé pardon, le peuple burkinabè n’a pas hésité à le leur accorder ; mieux, ils ont bénéficié de la confiance de ce même peuple pour tenir ses rênes pour cinq ans. Preuve donc que le peuple burkinabè est magnanime. Preuve aussi que « l’humilité précède la gloire et l’orgueil précède la chute »

L’arrogance des acteurs de la CODER

J’évoque ici le pardon pour signifier que les responsables de la CODER qui sont tous des amis de Blaise Compaoré auraient dû semer les prémices de cette réconciliation dès la période post-insurrection immédiate à travers l’humilité. Le premier pas de l’humilité étant une demande de pardon. Or au lieu de cela c’est l’arrogance qu’on a continué à nous servir. Le CDP a continué de défier le peuple en soutenant et en finançant un coup d’Etat d’une part et en maintenant le cordon ombilical avec Blaise Compaoré d’autre part.

À ce jour le CDP aurait dû par un acte de contrition et d’humilité reconnaitre ses erreurs et ses torts et demandé pardon. Jusque-là, la NAFA a démontré que seul Djibril Bassolet et lui seul comptait ; il compte plus que le peuple du Burkina Faso. Aucun acte de sympathie envers les victimes du coup d’Etat par exemple. La NAFA, a soutenu elle aussi le coup d’Etat et n’a jamais exprimé aucun regret. L’ADF/RDA le parti par lequel le scandale est arrivé et par lequel ce pays a été mis à sac n’a jamais émis non plus de regrets ou confessé qu’elle s’est trompée.

Ce que je retiens du président de ce parti, c’est le fait qu’il avait déclaré péremptoirement qu’il n’avait de leçon à recevoir de personne au moment où on le conseillait de ne pas porter sa caution à la tentative de modification de l’article 37. Pourquoi ne reconnait-il pas qu’il s’était lui aussi trompé. J’avais toujours défendu d’une manière ou d’une autre le Faso Autrement, mais je suis vraiment et maintenant convaincu que « ce qui se ressemble s’assemble ». Ce parti est allé naturellement vers ceux qui le ressemblent, démontrant ainsi qu’il ne peut gérer Autrement le Faso.. J’ai de la peine pour le président de ce parti qui semble avoir perdu son âme en retournant à ses vomissures. Bref !

L’arrogance qui a transpiré jadis et souvent des propos et de l’attitude des acteurs de la CODER ne peut visiblement pas décider le peuple burkinabè à adhérer à leur initiative. Après l’insurrection, ils ont essayé de passer par monts et vallées pour s’imposer ; en vain. Ils ont cherché une issue au nord et au sud ; en vain. Ils ont cherché une porte de sortie à l’occident et à l’orient ; en vain. Ils ont même essayé de passer par là-haut, mais là, ils ont trouvé Dieu ; celui-là même qu’ils avaient défié quand ils étaient aux affaires. Et vite, ils sont redescendus. Et les pieds sur terre, ils se rendent compte qu’il faut à présent composer en toute humilité avec le peuple. D’où cette réconciliation nationale réclamée à cor et à cris avec pour objectif initial et principal d’obtenir un « blanchiment » politique à bon compte pour leurs initiateurs et pour leur éternel et inséparable ami Blaise Compaoré. Mais ils ont oublié au passage que la réconciliation ne se décrète pas et que « la réconciliation qui se prêche politiquement n’a pas d’avenir » ainsi que l’a dit quelqu’un.

Au regard de tout cela, vous me permettrez de me méfier du levain de cette CODER-là.

Issaka Luc KOUROUMA

Source: LeFaso.net