Présidentielle oblige, sous influence de la télé Française, on échappe difficilement à la valse des 11 candidats ; une sorte de corrida dont le taureau serait le monde de la finance. Voici à peu près ce que dit tout le monde. Et tout le monde est à peu de chose près d’accord. Mais entre deux débats télévisés, autorisons-nous un autre regard.

Macron est marié à une dame qui aurait, si elle l’eut voulu, pu être sa mère. Un « analyste YouTube » dit de ce mariage qu’il a un sens politique. A l’entendre quand on se marie ainsi, on a la tête libre pour se concentrer sur la politique. Point de tracas avec un quelconque chagrin d’amour.

Mélenchon, sympathique par ailleurs, a une fille dans la trentaine. Mais il est célibataire.

Le Pen est mère de 3 enfants. Elle refait sa vie à 48 ans ailleurs.

Hollande, alors ça il fallait le faire, a eu 4 enfants, a vécu en famille sans jamais se marier. Il est entré à l’Elysée avec une journaliste qui a fait un livre regret ; pour en ressortir en scooter à la poursuite de sa passion avec une actrice. On serait honnête qu’on ne reprocherait pas grand-chose à Hollande. Il est humain. Ou mâle, si on veut. Et beaucoup pour peu qu’on veuille l’admettre savent combien les luttes intérieures contre les passions contradictoires rendent hommage à Don Juan. Ils ont un grand cœur ces mâles !

Bref, ce qu’on pourrait reprocher à M. Hollande, c’est qu’un président ne devrait pas faire ça ! C’est à voir : les peuples méritent leurs dirigeants. Apres si on pousse loin, on peut même envier M. Hollande. Puisque plus de la moitié des couples divorce aujourd’hui en France (artefacts d’une société d’individus ou glissement des valeurs ?), lui a toujours trouvé le moyen d’être occupé.

Assumons : Il y a Fillon par ailleurs. On a failli l’oublier. C’est que des Fillons on en fait plus beaucoup !

Plus on y pense, et plus on réalise que notre conception contemporaine de la construction familiale et du mariage a emprunté beaucoup de la culture de ces messieurs (du moins à ses origines). Une conception diffusée sous parachute du christianisme. Un parachute c’est utile pour amortir les chocs. Se pose alors une question ontologique : Quel est aujourd’hui l’intérêt pour notre société de continuer à s’agripper à cette conception de la famille quand le maitre est en déroute face à ses propres symboles ?

Enfin, on peut se poser cette question sur plein d’autres aspects : de la démocratie telle qu’on nous l’a enseignée il ne reste plus que le ballet des campagnes, la société révolutionnaire au service du peuple est enterrée vivante sous la construction économique de l’Union Européenne, la civilisation d’antan (par opposition à la barbarie africaine !, si Afrique comme unité culturelle il y eut.) est devenue un mariage gaie. Etc., etc.

Jean Ziegler dans « Le pouvoir Africain, 1957 » écrivait ceci sur le symbole dans la construction des sociétés : « Mais un symbole ne survit que s’il est utilisé, que s’il correspond à une nécessité, ou qu’un groupe d’homme s’en sert. Des symboles ancestraux sont arrivés jusqu’à nous. Ils servent aujourd’hui encore des stratégies, des projets sociaux concrets. D’autres symboles ont disparus de l’Histoire. Plus personne ne s’en sert. Ils sont morts. »

Et plus loin : « Mais si l’utilisateur principal du symbole, celui qui donne le symbole comme norme de conduite viole trop systématiquement le contenu minimal du symbole, lorsque sa praxis contredit constamment la norme que le symbole signifie, le symbole lui-même perd de son efficacité. Les Hommes abusés n’y croient plus, n’y adhèrent plus. Là aussi, le symbole meurt, disparait. »

L’intérêt de la question qui nous est posé est qu’elle désigne une aurore. Un peu comme l’écrit Professeur BADO : Ni Est, Ni Ouest. En somme, nous avons la possibilité de choisir une autre voie. Puisque nous savons ou l’actuelle – celle que nous avons emprunté sous les injonctions du civilisateur – mène. C’est l’avantage du dernier du marathon. Il marche sur des sentiers battus.

Et puis peut être qu’on fera économie de la robe blanche pour du FASO DANFANI, et de la salle climatisée, décoration et service traiteur pour visages crispés contre des fous rires sous les manguiers de la commune. Qu’on ne s’y trompe pas, la question fondamentale dépasse le cadre des aspects visibles et réjouissances populaires de la chose. Mais puisqu’il faut bien commencer quelque part !

Face à une symbolique que nous nous sommes acharnés à suivre pour plus de 100 ans, la question reste : allons-nous faire mieux que le maitre en bons élèves ? Ou nous résigner finalement à regarder une réalité qui voudrait qu’il n’y ait plus de maitre.

On sent les conséquences de la dernière perspective : parce qu’elle appelle de fait la capitulation pour 100 ans de fausse route. Qui a déjà fait l’expérience d’avoir à revenir sur 5 ans de convictions sait de quoi il s’agit ici. Alors là, 100 ans ? Et à cette échelle humaine !? On peut argumenter : les 50-60 premières années, c’était plutôt sous la contrainte. Puis on en a pris l’habitude par la suite.

Qu’avons-nous fait des 50 ans de liberté ? Economiquement c’était un peu plus compliqué. Mais enfin, sur l’organisation sociale on nous avait laissé quelques manettes.

Priva KABRE

Source: LeFaso.net