« La participation citoyenne à la politique de sécurité : enjeux et défis ». C’est autour de ce thème que le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), en collaboration avec le Fonds canadien d’initiatives locales, a entrepris une série de conférences publiques à travers certaines zones du pays. Dans l’après-midi de ce vendredi, 24 février 2017, des responsables de cette organisation de la société civile ont échangé avec les populations de la commune rurale de Namissiguima dans la région du nord.

Après plusieurs communes des régions du Sahel, des Hauts-Bassins, du Centre-est, c’est à Namissiguima, localité située à environ 30 kilomètres de Ouahigouya (chef-lieu de la région du nord, à 189 kilomètres de la capitale) que le CGD a mis le cap pour échanger sur la participation des populations à la politique de sécurité. Un moment qui a mobilisé un grand monde ; preuve, certainement, de l’intérêt que les populations (surtout de cette partie du pays) attachent à cette question devenue récurrente : la sécurité. Ils étaient enseignants, autorités communales, commerçants, agriculteurs, leaders coutumiers et religieux, responsables d’organisations de la société civile … à prendre place dans la salle des fêtes de la mairie où s’est tenue la conférence.

En face d’eux, des interlocuteurs (le conférencier, Simon Pierre Douamba, chargé du suivi-évaluation du CGD et le modérateur, Enock Kéré, juriste) qui ont opté de dérouler les échanges en langue nationale. La séance est introduite par la diffusion d’un élément vidéo (sketch) qui met en exergue la perception qu’ont les populations des Forces de défense et de sécurité et la dynamique des associations Kolgweogo dans la montée de l’insécurité. Dans ses commentaires, le conférencier a également relevé que la situation qui prévaut dans certaines parties du pays, notamment dans le sahel et le nord, donne l’impression aux populations que l’Etat n’est plus à mesure d’assurer la sécurité de ses citoyens. Une situation qui vient se greffer à l’atmosphère déjà caractérisée par des suspicions entre populations et forces de défense et de sécurité (FDS) (les premières accusent les hommes de tenue d’accointance avec des bandits tandis que les FDS déplorent le comportement de certains civils qui manquent de discrétion dans leur contact avec elles).Outre ces aspects, on loge la méconnaissance des rôles et responsabilités des acteurs, le souvenir de moments difficiles entre hommes de tenue et populations civiles (descentes musclées dans certains lieux publics, les dérives des CDR sous la révolution, etc.)…dans le lot des facteurs qui ne favorisent pas la collaboration.


Pourtant, depuis un moment, le pays est confronté à une nouvelle forme d’insécurité ; celle dérivant de l’extrémisme violent avec ces nombreuses attaques dans la région du Sahel. Face à ce nouveau contexte, les populations sont appelées à être un élément actif de la lutte contre l’insécurité (la sécurité n’est plus l’apanage de la puissance publique, exercée exclusivement par l’Etat). ‘’ La sécurité est politiquement l’affaire de tous », exhorte le conférencier, Simon Pierre Douamba.

Une nécessité partagée par les participants pour qui, dans le contexte actuel, chaque personne doit être un acteur du dispositif sécuritaire. Cependant, soulignent-ils, les autorités doivent travailler à créer des conditions favorables à cela. Ainsi les participants à la conférence pointent du doigt par exemple une « absence de communication »des autorités sur les lois et autres mesures d’envergure nationale. ‘’Il ne faut pas qu’il y ait d’un côté, des Burkinabè de bureau, qui se contentent de prendre des décisions et de l’autre côté, des Burkinabè sous le soleil, chargés, eux, d’appliquer les lois et décisions. Il faut que les dirigeants prennent le soin d’écouter les populations à la base et de leur expliquer suffisamment certaines mesures. Certaines décisions sont prises sans tenir comptedes réalités que nous, populations, vivons sur le terrain. (…).A la lumière de l’exercice que vous venez de faire ce soir, nous souhaiterions que les organisations, à commencer par les autorités, communiquent suffisamment sur les décisions… », ont exprimé en substance des intervenants. « On ne peut pas imposer une collaboration, on la favorise. Ici, nous voyons des patrouilles mais les populations ne comprennent pas leurs missions exactes. Si fait qu’il y a une certaine méfiance vis-à-vis d’elles (FDS), il n’y a pas de communication.


Aussi, si les FDS veulent vraiment être efficaces dans la localité, il faut qu’elles collaborent avec les responsables des associations Kolgweogo qui connaissent mieux la réalité du milieu. Quand une personne étrangère entre dans un village, les gens sont tout de suite informés…(…).Des gens ont quitté d’autres pays pour venir s’inspirer de l’expérience des Kolgweogo de cette localité. Si l’initiative était mauvaise, elle n’aurait pas pu inspirerd’autres pays », ont-ils suggéré, précisant que l’Etat doit simplement sensibiliser et encadrer ces initiatives communautaires de sécurité pour éviter toutes dérives.

Pour l’adjoint au maire de la commune de Namissiguima, Boubacar Ouédraogo, « il ne faut pas opposer organisations communautaires de sécurité et Forces de défense et de sécurité ». C’est pourquoi s’est-il félicité d’un tel cadre d’échanges dans sa commune car, de son avis, sans sécurité, il sera difficile de déployer efficacement les actions de développement. Ce qui montre, ajoute-t-il, l’impératif d’une synergie entre hommes de tenue et citoyens.


Une autre préoccupation soulevée par les populations, et qui met à mal la collaboration, est relative à l’orpaillage (exploitation artisanale de l’or). En effet, dans les zones rurales, il est fréquent de rencontrer des personnes avec des machines dénommées « detectors » pour, disent-elles, identifier des sites d’or. A en croire des participants, l’usage de cette machine de détection d’or fait l’objet d’une répression, ces derniers temps, de la part des FDS en patrouilles dans la zone (une commune qui abrite une société minière).‘’Quand ils (agents FDS, ndlr) voient quelqu’un en possession du detector, ils le font payer. Pire, ils ne remettent pas aux ‘’contrevenants » un papier qui atteste qu’ils ont été fautifs d’un acte (quittance). Ils ne disent pas non plus clairement si le detector est interdit ou pas. Finalement, on ne comprend plus rien. Plusieurs fois, des courses poursuites se sont engagées entre les éléments en patrouille et les jeunes en possession de cet outil, avec des blessures graves parfois…‘’, expliquent des habitants de la localité, visiblement remontés contre « cette pratique ». Pour ces derniers, toutes ces situations rendent difficile la collaboration. « Que les autorités nous situent clairement sur ces machines ; sont-elles admises au Burkina ou pas ? Car, nous pensons que si ces outils entrent massivement au Burkina, c’est parce qu’ils ne sont pas interdits. Alors, nous souhaiterions que les autorités nous situent sur cette question qui est devenue une véritable préoccupation pour les populations et qui occasionne de nombreux désagréments ces temps-ci », affirment-ils.

A écouter les participants, le conférencier est revenu sur des aspects de leurs interventions. Ainsi, M. Douamba estime que certains textes méritent d’être relus pour tenir compte des réalités du moment. Il fait observer que certaines actions (impopulaires) des FDS sont motivées et encadrées par des textes, dont elles ne sont pas à la base mais doivent essuyer les conséquences fâcheuses. Le conférencier a également formulé une recommandation afin que la commune de Namissiguima soit dotée d’un poste de police (au regard de sa situation géographique et des activités qui y ont cours).

Pour rappel, à travers ces conférences publiques, le CGD entend contribuer à outiller les citoyens sur les principes de la politique de sécurité et interpeller les autorités sur la nécessité de tenir compte des préoccupations des citoyens dans cette politique.

O.L.O.

Lefaso.net

Source: LeFaso.net