Gomboro est un chef-lieu de commune rurale depuis l’avènement de la décentralisation au Burkina. Elle est située dans la province du Sourou et peuplée de Samo, Peulhs, Dafing et Mossé. Religions révélées et religion traditionnelle cohabitent en parfaite harmonie. Dans ce village dont la fondation est revendiquée par Warma et Diallo, la chefferie est la propriété de la famille Yaro. Comment en est-on arrivé là ? Comment s’est passé le peuplement de ce village ? Que signifie Gomboro ? Décryptage…

Le 16 janvier 2016, nous avons été reçus par le chef de terre de Gomboro, Yaro Labawo. Même s’il n’est pas interdit de prononcer son nom, tous l’appellent « Tou-chiri » qui signifie en langue San, chef de terre. Il était entouré de quelques notables, notamment son père Yaro Kalifa, le chef du quartier Zabagoulo Yaro Mossè, le chef du quartier Kigalè Yaro Pèrè et le chef du quartier Dimpara Warma Gnafo. Il s’agit là des premiers quartiers du village et qui sont occupés par les autochtones. Précision importante dès notre arrivée : en saluant le chef, on ne sert pas sa main. Nous trouvons aussi un chef avec beaucoup de cheveux. Nous comprendrons plus tard qu’il ne se coiffe qu’une fois par an.

Gomboro viendrait du San « Gonon n’boro qui signifie « patiente, il va arriver ». En fait, lors des guerres d’occupation, des guerres tribales, les habitants de Gomboro avaient pour stratégie d’attendre toujours l’ennemi arriver avant de l’anéantir plutôt que d’aller à sa rencontre.

Warma et Diallo, les premiers habitants


Pour conter l’histoire du peuplement du village, c’est le chef qui commence. Il a à peine la quarantaine. Selon lui, « les premiers habitants de Gomboro sont les Warma. Ils vivaient avec les Peulhs dans la brousse ». Warma et Diallo Seid Haman cohabitaient dans la même forêt, chacun ignorant la présence de l’autre. Warma était un chasseur et Diallo Seid Haman, un éleveur. Mais, l’histoire ne dit pas qui des deux est véritablement le premier habitant des lieux. « Le Peulh vivait seul ici avec son troupeau dans la forêt. Warma aussi vivait dans une grotte. Lorsqu’il a vu le Peulh pour la première fois, il voulut se cacher mais ce dernier lui dit de ne pas se cacher car nous sommes tous des êtres humains », explique Yaro Pèrè. Warma Gnafo va dans le même sens.

Ainsi, les deux vécurent ensemble jusqu’au jour où Warma, au cours d’une chasse aperçoit deux riches hommes dans la forêt. Ces derniers, de passage, décident de marquer une halte pour une nuit dans la forêt avant de poursuivre leur traversée le lendemain. Warma retourna prendre sa flute magique pour provoquer une pluie torrentielle. L’intention étant de pouvoir retirer les biens des passants lorsqu’ils seront affaiblis par les intempéries. Mais, les choses ne se passèrent pas comme prévu. Yaro Mahama et son petit frère Imam Guiré sont plus puissants.

Selon la légende, à l’aide d’un bâton magique, ils tracèrent un cercle à l’intérieur duquel aucune goutte ne tomba, et ils s’y abritèrent avec troupeaux et autres biens. S’apercevant de la puissance mystique de l’adversaire en plus de sa richesse, Warma et Diallo Seid Haman demandèrent aux deux hommes venus du Manding de ne plus continuer. Le grand frère accepta. Mais, le petit frère estimant que le chasseur et l’éleveur sont des mécréants, lui, l’érudit en islam ne pouvait vivre avec eux et se retira à quelques kilomètres sur une colline.

Pourtant, la chefferie est assurée par la famille Yaro


Pour le convaincre de rester, Yaro Mahama se vit confier la responsabilité de chef de terre. Ayant aussi le plus de moyens, il fut le premier à construire une case. Mais, il n’était pas question de lui donner un pouvoir absolu. Pour éviter toute trahison interne, le trio décida de signer un pacte de non trahison.

Diallo Seid Haman offrit un taureau blanc, Yaro Mahama apporta du sel qu’il avait amené du manding et Warma se chargea d’égorger l’animal. Chacun déchira sa cuisse à l’aide du couteau ayant servi à tuer l’animal, frotta le foie du taureau sur son propre sang avant de l’assaisonner de sel. Ensuite, le foie est grillé, partagé à parts égales et consommé par tous. Par ce geste, ils venaient de s’engager par le sang à ne jamais se trahir. Ce lien tiendrait toujours, selon le chef de terre et ses notables. Pour renforcer les liens, Warma offrit sa fille en mariage à Yaro. Le chef de terre ne prendrait aucune initiative sans l’aval des deux autres et particulièrement de Warma. Diallo ayant décidé plus tard de se retirer du village pour éviter que ses animaux ne détruisent les champs des autres qui, plus tard, sont devenus agriculteurs.

Offrir son animal pour les rites du village est un privilège pour les descendants de Seid Haman


Plus tard, d’autres chasseurs qui étaient des compagnons de Warma viendront s’installer dans le village, notamment la famille Sarambé. Aujourd’hui, le village est peuplé de Samo, Peulhs, Dafing et Mossé.

Mais, pour la pratique de certains rites, les Peulhs offrent gracieusement, sans rechigner des bœufs, moutons ou chèvres, lorsque le chef de terre ou le chef de Dimpara en fait la demande. Refuser d’accéder à cette requête serait source de malheur. « Le Peulh qui offre un animal pour les rites du village constate toujours que son troupeau augmente. C’est pourquoi, ils sont toujours heureux d’être choisis pour offrir un animal. S’il refuse, son troupeau sera décimé de manière inexplicable », explique Mossè Yaro. Avec l’arrivée de l’islam, la plupart des descendants de Seid Haman se sont convertis. De ce fait, ils ne prennent plus part (directement) aux rites coutumiers.

Beaucoup de Diallo du Burkina sont des « Diallobè Gomboro », c’est-à-dire les Diallo de Gomboro et ne jurent que par la terre de ce village. Souvent sans le savoir réellement. Il s’agit des descendants de Seid Haman.

Le chef ne se coiffe qu’une fois par an


Il y a quatre fêtes coutumières chaque année au cours desquelles des rites coutumiers sont accomplis pour le bien-être du village. Il s’agit de Gnawè (raser la tête du chef), Boumbou, Tèka, Logo (l’ouverture de la chasse). Gnawè a lieu entre fin janvier et début février. C’est à l’occasion de cette fête que le chef de terre se rase et tous les notables viennent le saluer et se confier à lui. C’est aussi le moment de faire le bilan de l’année écoulée, corriger les fautes commises, se pardonner mutuellement pour les manquements.

La 2e fête coutumière de l’année dénommée Boumbou a lieu au mois d’aout. Et, c’est le moment de célébrer les funérailles des chefs de quartiers décédés avant de les remplacer. C’est aussi l’occasion d’implorer les ancêtres pour une bonne saison pluvieuse.

La 3e fête coutumière a lieu juste après les récoltes. Elle est appelée Tèka. A cette occasion, ceux qui ne disposent pas de terre et qui cultivent sur les terres d’autres viennent remercier leurs bienfaiteurs et se confier à eux pour les saisons à venir. C’est aussi l’occasion de célébrer les funérailles des personnes décédées des suites d’accident.

Enfin, s’ouvre la chasse ou « logo » en San. Mais avant, il y a un « devin » du village qui définit qui peut et qui ne peut pas aller à la chasse. Ceux qui refusent de se soumettre au verdict du devin sont généralement frappés d’un malheur au cours de la chasse. Au cours de ces chasses, lorsque les neveux tuent des gibiers, leurs oncles ont le droit de les retirer. Mais, en retour, celui qui a abattu le gibier est célébré comme un héros et reçoit des bénédictions de tout le quartier de son oncle. A l’occasion de toutes ces cérémonies, le dolo coule à flot.

Malgré l’arrivée des religions révélées, tous cohabitent dans une parfaite symbiose. Malheureusement, le village est de plus en plus divisé du fait des hommes politiques modernes. Peut-être qu’ils devraient s’inspirer du pacte de non trahison Warma-Diallo-Yaro.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net