Le Burkina traverse une période de forte turbulence qui conduit progressivement à une dramatique déliquescence de l’Etat. Ce que je vois, ce que j’entends et ce que je sens ne rassure pas et m’inquiète pour l’avenir de notre chère patrie ! Si nous n’avons pas un sursaut national pour faire face au danger qui nous menace et qui est déjà bien installé, je crains fort que demain il ne soit trop tard !

Chaque jour qui passe, nous rapproche inéluctablement du chaos et la menace se précise. Le danger dont je parle, ce n’est pas le terrorisme, il est pire que ce mal ! Le sursaut que j’évoque non plus n’est pas un vain mot, il exige de tous l’acceptation des vraies valeurs communes qui peuvent renforcer le sentiment national.

Il faut impérativement rebâtir ce pays sur le socle des valeurs de la République. Quelques-uns perdront très certainement leurs privilèges, mais dans tous les cas, la République dans son essence est antinomique avec l’idée de privilèges. C’est le seul prix à payer pour renforcer le crédit et l’autorité de l’Etat. Sans un Etat juste, fort et capable, notre cher beau pays n’arrivera à relever aucun défi, même les plus petits, il ne faut pas se mentir à nous même.

Ne vaut-il pas mieux sacrifier quelques-uns pour sauver toute la nation ! Plus de deux mois pour trouver une solution à une crise des scolaires dans une petite localité, c’est le signe de l’Etat failli ! Encore combien de temps pour comprendre que les bandits qui attaquent quotidiennement les citoyens, défient l’Etat, et sont convaincus qu’en face d’eux c’est maïs pour reprendre une expression ivoirienne. Personne n’y gagne sauf les pêcheurs en eaux troubles !

Il y a un temps pour chaque chose comme cela est écrit dans le livre de l’Ecclésiaste, les intrigues politico politiciennes ont fait plus de mal à ce pays que le Sida et toutes les autres pandémies que nous connaissons. Et tout ça doit cesser afin de mutualiser toutes les intelligences de ce pays pour éradiquer la pauvreté. J’ai cherché et je cherche toujours mais je n’en trouve pas, je ne vois aucun Etat de ce monde qui a pu prospérer avec notre façon de concevoir la politique.

Nous devons abandonner cette « sale » culture politicienne et administrative qui fait du tort à notre patrie et à des personnes innocentes, et dont les conséquences peuvent être irréparables. Ce pays n’est pas pauvre, comme l’avait dit le président Sangoulé, le Burkina souffre plus de la méchanceté inutile de ces fils que de la rareté des ressources.

Pour terminer, je vais vous raconter une histoire vraie ! En mai 2014, je sollicitais une audience auprès d’un aîné proche du président Compaoré qui me fit l’honneur de me recevoir pendant une trentaine de minutes, à l’époque tout puissant ministre et que j’appréciais assez bien. Je lui ai dit, tu sais grand frère, je suis généralement quelqu’un de téméraire et courageux, mais je dois avouer que ce que je vois venir pour vous et ce pays me fait peur, abandonnez votre projet de modification de l’article 37 !

Et dites à Blaise que la seule chose qui puisse lui permettre de demeurer grand dans l’histoire de ce pays, c’est qu’il ne cherche pas à se maintenir au pouvoir. Le ministre a simplement souri en me disant qu’il avait confiance en Blaise Compaore et que ce dernier aimait le Burkina plus que nous tous et savait ce qu’il y avait de mieux pour notre cher pays. Vous connaissez la suite de l’histoire !

Abdoul Karim Sango

Juriste

Source: LeFaso.net