Le second tour de la primaire élargie du parti socialiste se tiendra ce dimanche 29 janvier pour départager Benoît Hamon, député de Trappes et l’ancien Premier ministre, Manuelle Valls. Les sondages sont une fois de plus passés à côté de la plaque. Comment comprendre que le favori, grand communiquant lui-même, se retrouve dans une position de challenger ? Notre confrère Abdoulaye Barry a porté son regard sur la communication politique de Manuel Valls, ses forces et ses faiblesses. Décryptage

Le premier tour de la primaire élargie du parti socialiste a livré ses résultats depuis dimanche soir. Le favori des sondages, Manuel Valls (31%), se retrouve désormais dans une position de challenger face à Benoît Hamon(36%), le nouveau favori pour le 2nd tour prévu dimanche 29 janvier. Pour espérer rattraper son retard l’ancien maire d’Evry a décidé de s’attaquer ouvertement à son adversaire et son programme « qui ne peut que générer plus d’impôts et ruine du budget de l’Etat ». La tâche est de plus en plus difficile pour lui.

Comment expliquer cette « défaite programmée » de l’ancien Premier ministre ? Son passage à Matignon a, sans doute, porté un coup dur à son image et réduit ses chances d’être élu Président de la République. Avant de prendre la tête du gouvernement, Manuel Valls alors ministre de l’intérieur, était l’une des personnalités préférées des Français. Il a suffit de quelques mois pour que François Hollande, au plus bas des sondages, l’entraine inexorablement dans sa chute avec son bilan jugé catastrophique par les Français. Responsable en partie de l’action gouvernementale, Valls aura du mal à convaincre ses compatriotes qu’il peut apporter une réponse adéquate à leurs aspirations. Mais cet obstacle ne semble pas insurmontable. Le vrai handicap de l’ancien Premier ministre réside dans sa communication politique et singulièrement son image.

Les grands spécialistes français rétorqueront que Manuel Valls est lui-même « un professionnel de la communication » pour reprendre les termes du politologue Denis Pingaud. C’est une évidence. « Dans nos démocraties modernes, la communication n’est pas un vain mot. Elle est le véhicule de l’action, de la réforme au service de l’intérêt général. L’action politique doit donc être conduite dans une parfaite intégration des contraintes de la communication. A l’heure des chaînes d’information continue et des réseaux sociaux, maîtriser le message adressé aux Français demande le plus grand professionnalisme » a-t-il affirmé le jour de son premier conseil des ministres en tant que Chef du gouvernement.

Mais attention à ne pas commettre l’erreur fatale que font généralement nos hommes politiques et certains responsables de la COM qui consiste à confondre (hyper)médiatisation et bonne communication. Les médias sont des canaux traditionnels de communication. Et, depuis la campagne présidentielle américaine de 2008, Barack Obama a inauguré les réseaux sociaux comme outil incontournable de la communication moderne. Les médias et les réseaux sociaux sont des leviers de communication et non la communication elle-même. Mais il faut reconnaitre que c’est la télévision qui a radicalement modifié, pour toujours, les règles du marketing politique et mis un terme aux méthodes traditionnelles des discours fleuves et démagogiques. Désormais, la politique tient à l’image qui doit être minutieusement soignée. La preuve fût donnée lors de la présidentielle américaine de 1960 qui opposa Kennedy à Nixon. Le monde découvre pour la première fois un débat télévisé entre deux candidats à la présidentielle. Lors du face-à-face John Kennedy marque tous les esprits. En plus de sa jeunesse, sa beauté rayonnante ne laisse personne indifférent ; impeccablement habillé, rasé de près, posé, JFK séduit l’Amérique entière avec son aisance devant les caméras face à un Nixon, mal en point, transpirant à grosse goutte et donnant l’air d’un être fatigué et désemparé. Kennedy gagne le débat et l’élection présidentielle du 8 novembre.

Dans la communication d’une manière génale et la communication politique en particulier, la forme est plus importante que le fond. Et, c’est là où Manuel Valls pêche. Certes son discours politique révèle l’expérience, la compétence et l’autorité. Mais sa communication non verbale est exécrable en ce sens que l’expression de son visage renvoie à la tristesse. Même ses rares sourires semblent forcés, et manquent de naturel et d’humain. Or tristesse et charisme ne font pas bon ménage. La tristesse dégage des ondes négatives et repousse. Tous les leaders charismatiques ont en général une image sympathique même quand c’est le fruit d’un long et minutieux travail en coaching politique : Obama, Chavez, Sankara, Clinton, Trubeau, Chirac etc. A leur contact, ils vous séduisent par les ondes positives qu’ils dégagent.

Le deuxième handicap de Manuel Valls est son tempérament. Contrairement à un Benoît Hamon qui donne l’image d’un homme innocent, sincère et posé, Valls renvoie l’image d’un homme impulsif et agressif. A la moindre question embarrassante d’un journaliste, il fait preuve d’agressivité. L’agressivité traduit généralement un manque de sérénité, une fragilité et une instabilité émotionnelle. On ne peut pas confier les destinées d’une nation à un homme qui ne maîtrise pas ses propres nerfs. Mais apparemment Manuel Valls a décidé de mettre en avant son image d’homme d’autorité. C’est un atout dans un contexte où l’idée que les Français se font de la grandeur de leur pays est mise à rude épreuve par les différentes attaques terroristes qui ont touché le cœur de la France.

L’autorité et la fermeté constituent l’une des qualités de l’ancien locataire de l’hôtel Matignon qui aspire au palais de l’Elysée. Il entend ainsi surfer sur des vagues dont les Français sont aujourd’hui nostalgiques ; les époques où la fonction présidentielle avait toutes ses lettres de noblesse. Du Général Dégaule à Chirac en passant par Pompidou, Giscard et Mitterrand, les différents présidents sous la Ve République ont incarné la grandeur de la fonction présidentielle telle que les Français la concevaient. Elle sera, malheureusement, banalisée par Nicolas Sarkozy et François Hollande qui l’ont désacralisée en la dépouillant de tout son mythe.

Vouloir incarner l’autorité est un message fort à l’endroit des Français qui peut se traduire ainsi : « nous pouvons être ce que nous fûmes ». D’ailleurs c’est l’une des raisons qui expliquent que dans les sondages la majorité des électeurs de la gauches française estiment que l’ancien Premier ministre a la carrure ‘’présidentiable ». L’autorité est une offre politique vendable mais elle est insuffisante.

Pour gagner une élection, l’autorité, l’expérience, la compétence, l’intégrité et l’engagement politique ne suffisent pas. Leonel Jospin et Edouard Baladur en ont fait l’expérience amère lors de la présidentielle française de 1995 remportée par Jacques Chirac. Pour réussir en politique, il faut savoir convaincre l’électorat. Pour convaincre il faut séduire. Et pour séduire, il faut maîtriser les clés de la communication politique. Manuel Valls a une semaine devant lui pour raccorder les violons de sa communication politique s’il veut réaliser son ambition de gouverner la 5e puissance du monde.

Abdoulaye BARRY, journaliste politique

Source: LeFaso.net