Une révolution ! La Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est apparue au moment où l’on ne l’attendait pas et a séduit ses peuples surtout. D’une CEDEAO idéologique à une CEDEAO efficace, pragmatique ! Une CEDEAO qui s’est érigée en gendarme des institutions nationales ; c’est tout ce que demandaient les peuples de l’espace. La Gambie sonne-t-elle donc une sorte de révolution au sein de l’institution économique sous régionale ou est-elle simplement une exception ? En clair, la CEDEAO maintiendra-t-elle, désormais, la tendance partout (dans son espace) où les institutions de la démocratie et les intérêts des peuples sont ‘’menacés » ?

En tout cas, les charges contre la mobilisation des troupes militaires de la CEDEAO sur la Gambie ne manquent pas : machination des grandes puissances, un petit pays (11 300 km2) de moins de deux millions d’habitants, pays pas riche, dossier casamançais, etc. Qu’à cela ne tienne ! Marcel Alain de Souza, président de la Commission de la CEDEAO, a placé la barre haut avec la crise en Gambie (suite au scrutin présidentiel du 1er décembre).

« Nul ne peut remettre en cause la volonté du peuple qui s’est exprimé. Adama Barrow est le Président élu, un point un trait. », a-t-il laissé entendre dès les premières heures de la volteface de Yaya Jammeh. Bien avant, il déclarait : « Malgré la non-accréditation par la Commission électorale indépendante de la Gambie de l’équipe d’observateurs techniques de la CEDEAO qui devait être déployée pour les élections, la CEDEAO reste déterminée à travailler avec le gouvernement et le peuple gambien afin d’assurer que le processus électoral est mis en œuvre conformément aux meilleures pratiques internationales et au Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance dont la Gambie est signataire ».

Passons outre ce qu’on peut appeler ‘’épisodes Jammeh » et retenons simplement (jusqu’à preuve du contraire) que la Gambie est une jurisprudence qui voudrait qu’aucun ‘’dictateur » ne tronque, ne trafique, ne vole, ne tripatouille…bref, ne brade les institutions de son pays et, partant, les valeurs démocratiques de son peuple. Ce qui s’est appliqué à Yaya Jammeh doit, partant de là, s’appliquer à tous.

Longtemps accusée d’être une institution amorphe, idéologique qu’efficace face à des situations de crises et/ou de crises imminentes, la CEDEAO a offert un autre visage en Gambie. Si fait que les propos du premier responsable de la Commission et son ton tranchant n’ont pas rencontré la même faveur auprès des Chefs d’Etat. Si les présidents du Sénégal, du Nigeria et dans une moindre mesure celui de la Côte d’Ivoire se sont tout de suite montrés partants, le Togo et la Guinée-Conakry n’étaient pas trop enchantés pour cela. D’autres pays ont, de leur côté, préféré se fier à la ‘’tradition du langage diplomatique » qui voudrait qu’on ‘’s’aligne derrière la décision de la CEDEAO ».

La Gambie, un début de révolution ou une exception ?

La CEDEAO n’est certes pas à sa première intervention (Libéria, Sierra-Leone, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Mali où la Force en attente de la CEDEAO, ex-ECOMOG, est intervenue), mais force est de reconnaître que c’est une première que l’institution agisse avec une telle célérité, tant dans le discours que dans les actes. Et la voix de Marcel Alain de Souza a eu un écho très favorable et un poids de taille au sein de la communauté : le Sénégal, dont la position a été déterminante dans cette intention affichée sur la crise gambienne.

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette position du Sénégal, qui n’est pas un simple voisin. En plus du problème Casamançais, l’histoire nous apprend que le pays de la Terranga est déjà intervenu militairement en Gambie en 1981 pour empêcher un coup d’Etat contre le Président Dawda Jawara (1970-1994). Ce ‘’protégé » va être renversé par un coup d’Etat perpétré par Yaya Jammeh en 1994. Alors … !! ??

Certaines sources internationales, rapportant des propos de responsables de la FAC, indiquent même que les troupes de la CEDEAO se sont appuyées sur un scénario prévu depuis longtemps par le Sénégal qui aurait mis la pression sur l’organisation pour intervenir en Gambie.

Avec tous ces éléments dans la balance de ceux-là qui n’ont pas cautionné l’attitude de la CEDEAO en Gambie, il ne reste qu’à ceux qui l’ont applaudie, de souhaiter que cette position s’érige en règle générale. Désormais, la CEDEAO fait donc face à son précédent de garant de la continuité des institutions dans les Etats-membres. Surtout que ce signal arrive à un moment où les populations de l’espace communautaire font face (certaines ploient déjà) à la menace et aux attaques terroristes.

Et si la Gambie se positionnait ainsi comme une façon de changer le fusil d’épaule, alors, félicitations à la CEDEAO !

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net