Aujourd’hui chercheur et enseignant, Séni Kouanda, alors étudiant en 4e année de médecine, était le président de l’Association Nationale des Etudiants Burkinabè (ANEB) quand la répression s’est abattue sur eux lors de la grève de mai 1990. C’est au cours de cette répression que Dabo Boukary sera arrêté et disparaîtra pour toujours. Pour Séni Kouanda, l’inculpation le 9 janvier 2017 du colonel Mamadou Bamba par le tribunal militaire, dans le cadre de ce dossier, est un pas vers la manifestation de la vérité.
Que savez-vous du dossier Dabo Boukary ?
Dabo Boukary était étudiant en 7eme année de médecine. C’était un ainé, un camarade qui avait une grande expérience dans la lutte de par son parcours universitaire. Suite à la lutte menée par la corporation ANEB de l’ISN-IDR (actuellement UFR SVT), le comité exécutif de l’ANEB, la direction de la corporation, un certain nombre de militants ANEB ont été exclus de l’Université de Ouagadougou le 15 mai 1990.
Après cette décision du ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche, Mouhoussine Nacro, les étudiants vont répliquer par une marche sur le rectorat suivie d’une grève. L’université allait par la suite être occupée par les forces de l’ordre et les dirigeants de l’ANEB recherchés. Nous sommes donc rentrés dans la clandestinité.
C’est dans ce contexte de répression généralisée contre l’ANEB que notre camarade a été arrêté le 19 Mai 1990 et conduit au conseil de l’Entente où il fut assassiné. Depuis lors, malgré les manifestations, nous n’avons plus eu aucune nouvelle : ni une déclaration officielle de son décès, ni l’indication du lieu où il a été enterré.
Nous avons été convoqué en 2013 (si ma mémoire est bonne) au palais de justice où nous avons témoigné et puis après, plus rien.
Comment avez-vous accueilli l’inculpation de Mamadou Bamba dans ce dossier ?
Bamba Mamadou était le délégué des comités révolutionnaires (CR) de l’université de Ouagadougou. Ce sont eux qui ont exécuté la répression envers les étudiants en appui aux militaires du Conseil. Par exemple, Bamba était dans la voiture des militaires qui se sont rendus dans mon domicile. Lui comme ses acolytes étant étudiants savaient là où les militants de l’ANEB logeaient. Son arrestation donc est un pas vers la manifestation de la vérité. En tout cas je l’espère.
Cela fait 27 ans que nous attendons que la vérité se fasse jour, qu’on puisse situer les responsabilités des uns et des autres, qu’on puisse enfin indiquer la tombe de Dabo, que les sanctions appropriées puissent être prises. Que Dabo puisse reposer enfin en paix.
Cette inculpation peut-elle faire avancer le dossier ?
Je pense que son inculpation devrait pouvoir faire avancer le dossier ; nous attendons donc d’autres inculpations de tous ceux qui étaient dans la hiérarchie du Conseil, mais aussi de leurs pendants civils qui sont intervenus sur le campus.
Comment voyez-vous les perspectives du dossier ?
Grâce au combat que notre peuple a mené, l’indépendance de la magistrature est affirmée. Les magistrats doivent s’assumer et notre peuple va les soutenir. Notre peuple doit rester vigilant pour que le dossier Dabo, comme tous les autres dossiers encore pendants, soient enfin jugés.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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