Dimanche 21 aout 2016. Un enfant d’environ huit ans, sébile en mains, est couché à même le sol au quartier Kilwin de Ouagadougou. Il ne parle que la langue Fulfuldé. Yaya est un jeune talibé. Depuis trois jours, il dort dans la rue. Car, il n’arrive pas à retrouver le domicile de son maître coranique qui s’appellerait Gafar. D’ailleurs, le souhaite-t-il ? Apparemment non. Puisqu’il dit subir des sévices corporels.
Nous l’hébergeons une nuit (dimanche). Le lendemain lundi, nous parcourons successivement les services de l’action sociale de la mairie de l’arrondissement n°3 et d’un autre service d’arrondissement à Tampouy. C’est finalement au commissariat de police de Sig-Noghin que Yaya a passé la nuit de lundi. Au moment où nous traçons ces lignes, il y est toujours.
Yaya dit s’être égaré. Il a dormi dehors, à la merci des moustiques, durant deux nuits. Le dimanche matin, il vomissait, faisait de la fièvre et se plaignait de maux de ventre. Avant notre arrivée, une bonne volonté lui avait déjà donné des médicaments, il tenait même une plaquette de paracétamol. Après avoir mangé et pris une douche, il retrouve le sourire. A la question de savoir qui est son maître coranique, il avance un nom : Gafar. Il soutient ne pas vouloir repartir chez ce dernier, car il sera sévèrement puni (coups de fouets et piloris). Il affirme également qu’il lui est demandé de ramener 1500F. Vrai ou faux ? Difficile d’y répondre.
S’il connait les noms de ses parents (les prénoms plus précisément), il ignore le nom de son village. Lorsqu’on lui pose la question, il soutient que son village c’est ‘’Burkina ». Il soutient d’ailleurs ne pas vouloir répartir chez ses parents avant d’avoir maîtrisé entièrement le Saint Coran. « Si je ne finis pas le Coran, je vais aller en enfer », dit-il avant de nous demander de lui trouver un autre maître coranique.
Le lundi, 22 août, nous le conduisons au service social de la mairie de l’arrondissement n°3. Il a fallu hausser le ton pour qu’on daigne nous écouter. L’agent a refermé la porte, en nous disant d’aller dans un autre service à quelques centaines de mètres de là. Elle, devant aller à une réunion. A ce service de l’action sociale sise à Tampouy, lorsque nous nous rendîmes, une longue file attendait déjà. Une heure après, nous sommes reçus par cinq agents. Après explication, à notre grande surprise, il nous est demandé de garder l’enfant chez nous si ça ne nous dérangeait pas. Le service ne disposant pas de lieu pour garder l’enfant.
Par ailleurs, il nous est demandé d’aller faire une déclaration auparavant dans un commissariat de police avant de rentrer avec le talibé. Nous voilà au commissariat de police de Sig-Noghin aux environs de 12h30. Nous devons laisser l’enfant là et revenir à 15h. De retour à l’heure indiquée, une mention nous est remise. Mais l’enfant y est resté et a passé la nuit. Le lendemain 23 août, comme convenu, nous nous rendons au commissariat. L’agent à qui est affecté le ‘’dossier » nous reçoit et nous rassure que la police fera son travail. « Si vous voulez le garder chez vous, il y a une procédure à suivre », explique-t-il. Evidemment non. Nous voulons juste rendre service à un enfant en détresse, lui expliquons-nous.
La veille, les services de l’action sociale avaient promis passer s’enquérir de la situation afin de mieux comprendre et suivre les démarches de la police. Lorsque nous quittions les lieux aux environs de 11h, aucun agent de l’action sociale n’était encore arrivé. Yaya, lui, devrait passer sa seconde nuit (23 au 24 août) au commissariat de police.
Malgré sa délicatesse, la problématique des talibés dans notre pays est une question dont il faut s’occuper afin de préserver les droits des enfants. Quitte à égratigner ceux qui soutiennent encore ces écoles coraniques.
Moussa Diallo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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