Une ou deux bouteilles de gaz bien pleines dans le coffre arrière du véhicule du chauffeur de taxi. Cela a l’air dangereux et pourtant, en lieu et place de l’essence ou du gasoil, le gaz butane est utilisé comme source d’énergie par certains conducteurs de taxis. Le phénomène n’est pas nouveau. Fin février 2016 déjà, le gouvernement avait donné un délai d’un mois aux taximen pour retirer les bouteilles de gaz de leurs véhicules. Un délai jugé trop court par ces derniers. Où en est-on avec cette décision ? Pour en savoir davantage, nous avons rencontré Adama Emmanuel Nacoulma, président de la Fédération nationale de syndicat des taximen (FNST)/et des acteurs du transport urbain du Burkina. C’était le mercredi 17 février 2016.

Lefaso.net : Quel est le point qu’on peut faire de vos échanges avec les autorités sur le phénomène des taxis à gaz ?

En février, le ministre de l’administration territoriale, Simon Compaoré, nous avait donné un délai, fin mars, un délai trop bref à notre avis, pour interdire l’utilisation du gaz butane dans les taxis. Nous sommes allés négocier avec le ministre pour qu’il proroge l’ultimatum. Nous avions même écrit une lettre pour informer le ministre de l’administration territoriale, que nous étions en phase de sensibilisation, afin que les taximen arrêtent d’utiliser le gaz butane. Nous sommes également allés à Bobo, où l’utilisation du gaz butane est assez fréquente, pour animer une conférence de presse à ce sujet. Quand nous avons échangé avec les gens, ils nous ont fait savoir que c’est le manque de moyens qui serait à l’origine de cette pratique. Cependant, nous avons fait comprendre aux camarades que l’usage du gaz butane est assez dangereux pour eux- mêmes et pour leurs clients. A titre d’exemple, celui qui circule avec un taxi à gaz pendant au moins une année, a une santé fragile. Le conducteur respire l’odeur du gaz et celui qui conduit un véhicule à gaz butane, s’il parle avec vous tout de suite, vous allez voir que tout ce qu’il fait sortir,c’est du gaz carbonique. Il y a aussi le fait que tous les véhicules à gaz ont les moteurs irrécupérables.

Lefaso.net : A propos du délai, y a-t-il une nouvelle date fixée par le gouvernement ?

Le ministre en charge de l’administration territoriale a accepté de proroger l’ultimatum, il a écouté nos doléances et a ramené le délai en début octobre. Le ministre nous a fait comprendre qu’il ne veut pas voir un taxi circuler à gaz butane en octobre sur le territoire Burkinabè.

Lefaso.net : Pour se plier à la mesure, on se rappelle que les taximen avaient réclamé des mesures d’accompagnement. De quoi s’agissait –il ?

Nous avons demandé de renouveler le parc taxis, parce qu’il est vraiment vétuste. Au cas où le renouvellement ne serait pas possible, que l’Etat nous soutienne avec des prêts, afin que les taximen puissent réparer leurs véhicules. On avait également demandé de réduire le prix du carburant. Sur ce point, l’Etat nous a vraiment écoutés ; le prix du carburant a été réduit mais pas assez, ce n’est pas conforme à notre demande. Nous avons demandé de fixer le litre de l’essence Super à 500 francs CFA et celui du gasoil à 495 ou à 490 francs CFA. L’objectif était d’inciter les taximen à abandonner l’usage du gaz butane mais déjà, ça va, ils ont diminué le prix du carburant.

Lefaso.net : A ce jour, combien de conducteurs de taxis respectent déjà la mesure gouvernementale ?


Nous sommes actuellement dans une phase de sensibilisation, où beaucoup de taximen sont prêts à respecter la décision prise par l’Etat mais, c’est comme je vous l’ai dit, on ne peut pas dire à un taximan de déposer son véhicule tout en sachant qu’on n’a rien à lui donner. Nous avons rencontré le ministre de l’administration territoriale à propos du renouvellement du parc, il nous a même fait savoir que cela se fera en 2017.

En attendant, nous avons demandé aux taximen d’abandonner l’usage du gaz butane. Et au cours des échanges avec les camarades, nous n’avons pas eu d’énormes difficultés. Cependant, il y a d’autres personnes qui sont en ville, qui sont en train de monter les taximen pour qu’ils refusent de garer les taxis qui fonctionnent avec le gaz butane. Pourtant, ils oublient qu’avant ce phénomène de taxis à gaz, les taxis fonctionnaient. A notre niveau, nous négocions avec l’Etat pour qu’il nous accompagne ; au moins, si les gens vont garer leurs taxis, qu’ils gagnent au moins quelque chose pour pouvoir réparer leurs véhicules et circuler en attendant le renouvellement du parc.

Lefaso.net : Avez-vous une idée du nombre de taxis fonctionnels dans les villes de Ouaga et Bobo et ceux qui circulent avec le gaz butane ?

Nous n’avons pas encore une idée exacte du nombre de taxis dans la ville de Ouaga. Nous avons commencé à identifier les numérotations des taxis pour connaître le nombre mais selon le dernier recensement, il y aurait environ 1500 taxis à gaz à Ouaga. Pour la ville de Bobo, le recensement est également en cours mais pratiquement, tous les taxis fonctionnent avec du gaz butane à Bobo. Nous sommes actuellement en campagne de numérotation et on attend les derniers chiffres pour vous donner le nombre exact de taxis.

Lefaso.net : A quelques mois du délai, êtes-vous sûr que tous les taximen pourront respecter la décision du gouvernement ?

Nous sommes dans une situation où on ne peut pas faire confiance à tout le monde. Nous sommes tellement nombreux ; même cette affaire de numérotation, il y a de nombreuses personnes qu’on est obligé de poursuivre mais nous estimons que tous ceux qui ne veulent pas se faire identifier sont des malfrats. Concernant le gaz également, nous savons que tout le monde ne va pas appliquer la mesure, mais nous continuons la sensibilisation afin que les taximen comprennent que nous sommes en négociation avec l’Etat et nous faisons confiance à l’Etat.

Lefaso.net : Avez-vous un mot à l’endroit des autres taximen ?

Nous demandons aux camarades d’arrêter d’utiliser le gaz butane car le gaz n’est pas fait pour les taxis. Le gaz est fait pour nos mamans et nos sœurs pour la cuisine. Et si cela devient aujourd’hui une énergie pour les taximen, c’est un danger. Ce sont des installations anarchiques faites par les garagistes afin de permettre aux taximen de circuler. Nous avons demandé à l’Etat d’accorder des prêts aux camarades afin qu’ils puissent changer les moteurs de leurs véhicules en vue d’arrêter l’utilisation du gaz butane.

Entretien réalisé par Nicole Ouédraogo

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Source: LeFaso.net