Décidément, le diesel du Président Roch Kaboré ne finit toujours pas de démarrer et cela devient très inquiétant. Cette machine poussive, dont on nous vantait les mérites lorsqu’elle atteindrait sa vitesse de croisière, n’a pas émis le moindre toussotement pour nous rassurer sur ses capacités, sept (7) mois après sa mise en marche, c’est-à-dire plus d’1/8 du temps du mandat présidentiel. Combien de temps faudra-t-il alors attendre pour voir la réalisation du trop ambitieux programme présidentiel ?
Sept (7) mois d’immobilisme en planification stratégique pour un pays, c’est un délai énorme qui ne se rattrape jamais. La preuve, le Burkina Faso vient d’adopter une seconde Loi de Finances rectificative (LFR), en moins d’un trimestre, qui atteste que l’économie va très mal et que l’État doit revoir ses ambitions à la baisse. Cette fois, c’est une loi de finances sans déficit et un budget qui s’équilibre en ressources et en dépenses à 1.945.212.694.000 de Francs CFA. Selon les explications, il s’agissait de prendre en compte de nouveaux besoins et d’intégrer des perspectives de nouvelles ressources à travers l’élargissement et l’accroissement de l’assiette fiscale.
Certes, il y a eu des coupes budgétaires sévères ; certes le budget est d’austérité ! Mais, dans un contexte d’immobilisme au sommet de l’État et dans le fonctionnement de l’Administration, avec ces grèves à répétition et de l’absence de ressources primaires dans les services publics, donc un contexte de très faible production de richesses, il faudrait vraiment qu’il y ait eu un miracle, qui s’apparente à l’apprentissage dans l’école de Dilma Roussef du Brésil, pour parvenir à sortir du chapeau magique une Loi de Finances rectificative sans déficit.
Avec les antécédents du projet de société et de la Déclaration de Politique générale (DPG) démagogiques, on peut vraiment émettre des réserves, surtout que l’opposition (UPC, PJRN et CDP) a invité ses membres à s’abstenir de voter cette loi. Peut-être a-t-elle eu des signaux ? Toujours est-il qu’au regard du passé politique du trio, qui a flirté avec les plus grandes intrigues de la République, de la prise en main effective des circuits des finances publiques, depuis bientôt sept (7) mois, qui leur en donne la capacité, l’hypothèse de l’école de Dilma Roussef semble très plausible !
Cette situation démontre que le coup de poker politique du Président Kaboré, avec le choix de son illustre inconnu Paul Kaba Thiéba pour diriger son gouvernement, au lieu d’être un coup de maître, est en train de devenir le plus grand fiasco de l’histoire politique du Burkina Faso. Ses devanciers, Youssouf Ouédraogo, Roch Marc Christian Kaboré, Kadré Désiré Ouédraogo, Ernest Paramanga Yonli, Tertius Zongo, Luc Adolphe Tiao et même le pauvre Yacouba Isaac Zida, ont réussi à donner quelques couleurs vertes, parfois avec plus de réussite pour certains, aux indicateurs de notre économie nationale. Une économie toujours mise à rude épreuve par les bisbilles de Mme Hadizatou Rosine SORY/COULIBALY qui n’en finit plus d’ouvrir des fronts de combats avec ses collaborateurs du ministère des finances. De mémoire de Burkinabè, ce département, qui est le gardien de notre patrimoine, n’a jamais été aussi tourmenté que sous le régime des Roch, Salifou, Simon (RSS).
Je pense que le Président Kaboré sera guidé par la sagesse politique pour ne pas demander à son peuple de continuer à avaler sa couleuvre politique qui nous plonge tous dans un gouffre certain. Il est donc temps qu’il utilise les prochaines vacances gouvernementales pour nous sortir une autre potion magique, une autre option de gouvernement.
N’en déplaise aux courtiers de la Présidence du Faso, la rentrée politique au Burkina Faso, est une période incertaine, l’une des plus incertaines de l’histoire politique du pays, parce qu’il semble, de toute évidence, que les élections couplées de 2015 ont apporté plus d’équations que de solutions. Mais si le Président veut des exemples pour s’en convaincre, il lui suffit de scruter l’inquiétant silence de l’Unité d’Action syndicale (UAS), la grogne au sein de ses membres, le rythme de plus en plus inquiétant des manifestations de mécontentement, l’embarras des forces de défense et de sécurité, mais surtout l’impuissance de l’État à stopper cette déferlante qui est en train de s’accroître sans que personne ne sache quand est-ce qu’elle prendra fin.
Heureusement, nous avons, dans l’histoire, des exemples sur lesquels l’on peut s’appuyer pour affronter cette difficulté. Le Président Roch Kaboré peut s’inspirer par exemple de l’histoire politique de la France, que nous aimons tant copier, où des cohabitations de courants politiques antagonistes ont parfois réussi à sortir le pays de l’ornière, aussi bien sous François Mitterrand que sous Jacques Chirac. Quelle que soit la formule, le Président Roch Kaboré ne peut plus ignorer l’appel au secours de son peuple !
Pour sa gouverne, il a plusieurs options pour choisir son cobaye politique. L’option idéale pour lui, c’est d’arriver à convaincre le Chef de File de l’Opposition Politique (CFOP), Zéphirin Diabré, de se débarrasser de ce costume pour endosser celui de Premier Ministre, afin de servir de mouton de sacrifice. Ce serait une bonne marque de reconnaissance de ce compagnon de tout temps du Président Roch Kaboré à celui qui fut le tuteur de ses premiers pas de vie active et politique. En effet, même si leurs relations se sont distendues ces derniers moments autour surtout de la question sensible de la poule aux œufs d’or que représente la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), il faut se souvenir que c’est bien Roch Kaboré qui a fait de Zeph un grand commis de l’État et un ministre des finances de la République. Reste à espérer que cela ne cache pas un jeu de dupes où l’objectif recherché serait de tailler une opposition politique à la dimension du Président Roch Kaboré, afin de lui permettre de gouverner tranquillement.
Mais, si d’aventure c’était cette hypothèse qui triomphait, après avoir raté le coche de la Présidence de la Transition, en tant que seule force constitutionnelle crédible, ce serait là la seconde erreur politique de Diabré, qui finirait ainsi d’enterrer à jamais son excellent début de carrière et ses ambitions politiques. Mais ce serait le mouton de sacrifice idéal pour le pays. Dilemme ! L’histoire retiendrait alors de lui quelqu’un qui a suscité l’espoir avec le Forum Citoyen pour l’Alternance (FOCAL), mais sans grande conviction dans ses capacités à porter l’alternance.
Si ce choix ne produit pas d’effet, il a la possibilité d’examiner d’autres options. Le candidat naturel à un poste de Premier Ministre, dans le microcosme politique actuel est bien Me Stanislas Bénéwindé SANKARA, ex-CFOP et aujourd’hui membre de la majorité présidentielle. Il l’est parce qu’en plus de ces deux qualités, son parti, l’UNIR PS apporte une marge de manœuvre non négligeable qui va beaucoup compter à l’Assemblée nationale à la rentrée politique. Malheureusement, il a été décrié pour sa gestion du CFOP terminée en queue de poisson avec des divisions. En plus, il semble avoir une voix qui ne porte plus autant, tant dans le camp des Sankaristes, en déroute, qu’au niveau national. Un autre de ses handicaps est sa faible sympathie pour l’ex-majorité, une haine féroce pour l’actuelle CFOP et son faible carnet d’adresses, insuffisances à même de dissuader les milieux d’affaires internationaux à tourner leur regard vers la destination Burkina Faso. Insuffisances qui ne sauraient non plus favoriser la réconciliation nationale tant attendue pour relancer le pays.
Ce disciple du Président Kaboré semble plus que jamais noyé dans une majorité qui cherche encore ses marques. Pourtant, il aurait dû bien y trouver sa place, puisqu’une certaine frange de l’opinion nationale l’avait présenté comme le lièvre du Président Kaboré à la course présidentielle de 2015. Peut-être est-ce ce costume qui explique son étonnant recours exclusif contre tous les autres candidats de l’ex-majorité, sauf Roch Kaboré.
À contrario, le troisième choix, Dr Ablassé Ouédraogo, qui était présenté comme le lièvre de Zéphirin Diabré, a joué le jeu jusqu’au bout en déposant un recours contre le champion de Me Sankara. Était-ce parce qu’il était aux côtés du CFOP, durant tous les combats, parfois porte-parole de l’opposition, parfois son représentant et surtout coordonateur de l’organisation des manifestations de l’Opposition contre la modification de l’article 37 et la pérennisation du clan Compaoré au pouvoir ? Stratégie ou résignation pour un jeu politique insondable ? Nul ne saurait, mieux que l’intéressé, le dire puisque, homme médiatique qu’il est, il s’est muré, contre toute attente, dans un silence surprenant depuis sa défaite aux élections de novembre 2015.
Ses atouts à lui sont d’être rassembleur, pondéré dans l’usage du langage politique, d’être proche du CFOP et d’avoir conservé des amitiés fraternelles, aussi bien avec l’ex-majorité que la présente, malgré les luttes fratricides des élections couplées de 2015. Dans le franc-parler que l’on lui attribue, Dr Ablassé Ouédraogo, « père » de la diplomatie de développement, dont le pays continue d’engranger les lauriers, a sans doute la connaissance des milieux d’affaires internationaux à travers une carrière professionnelle internationale appréciable et un carnet d’adresses fourni, auquel pourrait s’ajouter celui du CFOP, à même de jouer en sa faveur. Reste à savoir si, malgré cette étoffe, l’intéressé est consentant pour un tel sacrifice au regard de ses ambitions politiques, mais surtout s’il a la caution du CFOP Zeph pour sauver le Burkina Faso.
Maintenant que les RSS se sont emparés du pouvoir ; maintenant qu’ils ont étalé au grand jour leur incapacité à le gérer et que tout le monde sait visiblement, qu’en dépit de leur volonté, ils n’y arrivent pas, alors le pays est à nouveau redevenu gouvernable. Avant cela, c’était un piège pour tout autre prétendant et cela est bien traduit par les propos de Blaise Compaoré qui plaignait celui qui lui succéderait, confirmé plus tard par Salifou Diallo, pendant la campagne présidentielle, par cette imprudence « c’est la guerre civile si on perd ! ». Mais le peuple burkinabè est parfois naïf, il attend toujours de se brûler les doigts avant de comprendre l’évidence. Cette fois, il est certain que la leçon est bien retenue.
Dans une situation sociopolitique trouble, un contexte économique très difficile que le citoyen burkinabè n’arrive plus à camoufler, malgré sa légendaire intégrité, tant le poids devient pesant, il appartient au Président du Faso, s’il veut connaître un bon sort, de réfléchir vite et bien, car le temps joue maintenant contre lui. Le coup du diesel ne fonctionne assurément plus et ses conseillers ont le devoir de le lui signifier, s’ils aiment vraiment leur pays.
C’est donc à cet exercice difficile, mais incontournable, que le peuple burkinabè soumet le Président Roch Kaboré, pendant son petit mois de vacances gouvernementales, avant les tumultes qui se dessinent pour la rentrée politique. Va-t-il choisir le cavalier seul du MPP, comme son ex-patron, Blaise Compaoré, ou l’amour du peuple ? Wait and see !
Ousmane DJIGUEMDÉ
oustehit@hotmail.fr
Source: LeFaso.net
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