Catastrophes répétitives et cycliques, les inondations de la ville de Ouagadougou sont loin d’être un phénomène naturel et les conséquences sont inestimables. Car, au-delà des dégâts matériels et des pertes en vie humaine, ces catastrophes installent la psychose en jetant des milliers de personnes innocentes sur le chemin incertain de la précarité et de l’incertitude.
A l’instar des incendies de marché, la ceinture méningitique qui est loin d’être une terre maudite subit une série de catastrophes depuis les années 1980. En nous focalisant sur le caractère répétitif de ces catastrophes que sont les incendies de marché (Ouagadougou, Dakar, Bamako, Niamey, Bujumbura…) – catastrophes dont les causes profondes sont à rechercher dans l’attitude des hommes- on serait tenté de prendre en notre compte certaines déclarations que nous avons condamnées dans le temps à savoir que « l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’histoire ».
Malgré tous les indicateurs de développement à deux chiffres, un petit coup de vent suffit pour nous couper le courant électrique et dès que les nuages s’amoncellent, tout le monde s’y prépare. Malgré tous les bilans positifs des différents régimes politiques qui se succèdent dans ces circonstances dont eux seuls ont la maîtrise, la saison des pluies s’installe avec ses mêmes craintes et ses mêmes espoirs depuis des décennies (début tardif des pluies, fin prématurée de la saison, inondation…) à tel enseigne qu’on en vient à se demander si nous avons une politique de développement. Et comme on ne sait plus s’il faut parler de développement avec notre quotidien de plus en plus difficile, il serait sans doute judicieux de se demander si nous avons une politique de survie.
Partant du cas des inondations à répétition à Ouagadougou, nous allons analyser les causes profondes de catastrophe avant de proposer quelques pistes de solution que, nous espérons, seront largement discutées et sans aucun doute enrichies par les débats. Comme annoncé dans le titre, nous pensons que les inondations ont pour cause l’incivisme des populations et le clientélisme qui caractérise la classe politique complexé et extraverti.
Commençons par nous poser juste une première question : Ouagadougou devait- il être inondé maintenant ?
La réponse est non, aussi bien pour 2010 que pour 2016. Pourquoi ? Parce que nous disposons d’informations scientifiques collectées par le département de mathématique (IMP) de l’époque à l’Université de Ouagadougou sur les relevés topographiques de Ouaga ainsi que les niveaux d’inclinaison et les zones à surveiller… Qu’on-t-on fait de ses résultats scientifiques ? Après les commentaires dans la presse au moment de la publication des résultats, les politiques ont fait quelques photos avec les chercheurs et ont jeté le dossier sur le siège arrière de leur voiture.
C’est dire que nous avons des connaissances sur le sujet mais la mise en œuvre de ces résultats n’a pas été la préoccupation de nos politiques. Après tout, si cela avait été l’œuvre d’un laboratoire du Bord de Seine, on se serait donné la peine d’aller chercher les financements pour l’application. Il s’agit d’un complexe d’infériorité de la part de ces politiques qui continuent de soigner leur migraine en France.
Et les inondés ? Sont-ils de simples victimes innocentes ?
Certainement et sans hésiter, répondons non. Non parce qu’ils sont responsables de ce qui leur arrive et nous allons exposer justes quelques raisons.
Premièrement, il est de notoriété publique que l’eau coule toujours dans le sens de la pente. C’est aussi simple que ça et on n’a pas besoin de passer par l’université pour connaître cette règle aussi élémentaire. Même au village, on tient compte de l’écoulement des eaux dans les techniques culturales ancestrales. Une fois en ville et pour faire citadin, on s’installe en disant « ce sont des mentalités de village ça » et l’eau va vous rappeler tôt ou tard cette loi élémentaire de la physique.
Ainsi, les zones inondables ont été sillonnées cette même année par le ministre des infrastructures et les risques ont été rappelés aux personnes présentes sur ces sites. En rappel, il s’agit des personnes installées sans autorisation et elles sont nombreuses à avoir bénéficié d’un appui pour s’installer sur le site de Yagma. Combien de sinistrés qui ont été dédommagés en parcelle, en tôle, le ciment… y sont encore ?
Deuxièmement, les occupants illégaux des zones d’habitats spontanées communément appelés les non-lotis sont-ils à condamner ou à pleurer ? Ce phénomène n’a jamais connu une ampleur aussi importante qu’avec le retour à l’Etat de droit qui a créé le nouveau business du foncier urbain. Les conseillers municipaux, les maires, les députés… tous ont trempé à un moment ou l’autre dans la magouille foncière et certains sont encore haut perchés aujourd’hui dans les très hautes fonctions de la république. Ils ne peuvent par conséquent pas prendre des mesures énergiques à l’endroit des politiques de proximité qui vont les servir en priorité et les compromettre dans cette magouille foncière à ciel ouvert.
A coup de promesse de parcelles, on a été à la chasse à l’électorat au point de travestir la loi sur le foncier en faisant des illégaux (résidents) des attributaires prioritaires. Combien de fois n’avons-nous pas entendu qu’il « faut attribuer les parcelles d’abord aux résidents avant d’envisager les demandeurs non-résidents ». Cette attitude consiste à « remettre le butin au voleur » et la conséquence est plus que déplorable aujourd’hui : Les résidents illégaux se croient dans leur droit et n’hésitent pas à inquiéter les attributaires légaux et régulier. Certains ont été lynchés et leurs engins, voitures ou motos, brulés. Les résidents illégaux ont compris qu’il faut s’organiser en groupe de pression et l’Etat est obligé aujourd’hui de négocier avec eux.
De même, aussi bien la SONAEL que l’ONEA fournissent des services à ces illégaux fonciers et personne ne sait sur quelle base sont constitués les dossiers. Ainsi, en attendant les travaux de voieries, ils sont les premiers inondés et les premiers à crier au loup. Occupant ainsi les classes des écoles des environs, ils demandent, réclament, exigent des prises en charge. On les voit se presser devant les caméras pour dire « l’Etat n’a rien fait pour nous » et les associations spontanées sont créée dans le seul but de profiter de cette misère organisée. Les scandales de détournement des fonds destinés aux sinistrés ne sont pas encore loin dans nos mémoires. Ne devons-nous pas inculper les chefs de familles qui mettent permanemment et délibérément la vie de leur famille en danger ?
Enfin, le secteur informel en complicité avec ses fonctionnaires des services municipaux et fiscaux occupent avec des autorisations en bonne et due forme parfois la voie publique. En rappel, certaines installations commerciales ne peuvent ouvrir qu’avec l’autorisation de la commune et même souvent de l’Etat. En plus et comme ils payent les impôts et les diverses taxes, il n’y a aucun doute qu’ils sont des légaux illégitimes. Ainsi, nous avons aussi bien les vendeurs de voiture que les tenants de maquis ainsi que les salons de coiffure, les kiosques, les boutiques de quartier…
Le comble, c’est lorsqu’une dame a osé dire « Oui, si l’on doit casser le carreau là, il faut nous dédommager… ».
Eh oui ! Chacun connaît maintenant ses droits dans notre pays et avec ça on va où ? D’abord, pour avoir occupé illégalement l’espace publique avec toutes ses conséquences sur la circulation (sujet dont on parle peu à Ouaga), ces personnes exigent maintenant que l’on les dédommage. Le pire, c’est bien ce vendeur de voitures qui, bien que ayant reconnu avoir perdu des biens dans les inondations multiples, promet de revenir après le départ des eaux. Est-ce par défiance ou par fatalisme ?
Pour une fois, reconnaissons que le nouveau maire de Ouaga a trouvé une partie de la solution. Tous les kiosques et autres installations sur les caniveaux de la ville doivent être dégagés. Si cette solution ne vous paraît pas efficace, demandez-vous pourquoi la deuxième pluie n’a pas inondé, comme d’habitude, les services des urgences de l’Hôpital Yalgado ? Si vous passez devant, vous allez remarquer que ces boutiques de rue qui obstruaient le passage de l’eau devant le CNRST ont été dégagées et les voies d’eau débouchées. Ainsi, on a trouvé une partie du problème et une partie de la solution des inondations de Ouagadougou.
Peut-on mieux faire ?
Evidemment oui. L’incivisme de la population a pour solution la prise de mesures énergiques à l’instar de celles de Bilibambili dans les années 1980 et de Rue Princesse à Abidjan des années 2010. L’Etat et la commune doivent protéger le citoyen et comme le dirait Lénine, « il faut mettre le peuple au paradis à coup de massue ». Dans tous les cas, la législation est suffisante sur ce sujet et il suffit de l’appliquer dans tout sa rigueur : pas d’ouverture d’une moindre activité commerciale sans autorisation et il faut monter des dossiers qui prennent en compte l’avis de a police municipale pour la circulation, celui des sapeurs-pompiers pour la sécurité, des impôts… Dans le cadre de la création d’emplois, des jeunes diplômés pourraient montrer des entreprises de démarchage à cet effet.
De même, les détenteurs de parcelle à usage d’habitation sauront bien qu’ils ne peuvent accorder la permission d’ouvrir une boutique ou un kiosque collé à leur mur que sur autorisation avec toutes les normes qui s’imposent. Nous avons vu des cas où les kiosques ont été installés malgré la protestation de l’occupant de la parcelle à usage d’habitation et même la brigade de gendarmerie du coin n’a pas pu faire entendre raison à l’occupant.
Quant aux occupants illégaux du foncier dans les zones non-loties, il faut bien expliquer la loi sur le foncier urbain au Burkina Faso. Les zones de leur genre n’existent pas dans cette loi et il faut bien les rappeler qu’ils sont dans l’illégalité. La loi n’est la loi et il n’y a pas à les caresser en espérant obtenir leurs voix dans les élections à venir. Vous serez complices des enfants et femmes que ceux-ci exposent au danger des inondations à venir. Ils doivent prendre des dispositions pour quitter le manège et toute politique qui consistera à leur réattribuer des parcelles – on ne sait à quel titre d’ailleurs- ne fera que perpétuer des mauvaises habitudes qu’ils traînent depuis des décennies. Ces spécialistes de la spéculation foncière sont les premiers à vendre leurs parcelles et à créer des nouvelles zones non-loties, perpétuant une tradition et une pratique à bannir.
Par ailleurs, quand on sait comment il est difficile de bénéficier des services de l’ONEA et de a SONABEL quand on est dans une nouvelle zone lotie, on se demande comment est-ce qu’ils font pour fournir ces services aux non-lotis. Ces fournisseurs doivent se conformer à la loi et c’est tout.
Enfin, les ménages doivent se dire que les infrastructures de voirie sont à « leur disposition et non à leur portée ». En d’autres termes, il ne s’agit pas d’en faire des dépotoirs d’ordures ou d’écoulement de leurs eaux de vidange. Nos lectures des archives de la voie du Bobo à la période coloniale permettent de se rendre à l’évidence que les services municipaux avaient une police de proximité dont l’une des missions était de veiller au fonctionnement normal des infrastructures de voirie. Ainsi, au lieu d’avoir une police municipale qui va se cacher pour attraper « les ânes qui brulent le feu rouge », on peut penser élargir leurs attributions en leur demandant de veiller à la quiétude des citoyens que nous sommes en imposant l’application des règles de vie en commune et en communauté. Cette fois, on peut évoquer un ancien maire de Ouaga qui disait que « celui qui ne peut pas … il n’a qu’à repartir au village ».
Ainsi, les causes réelles des inondations de Ouagadougou sont anthropiques et les solutions sont à rechercher dans l’application stricte des lois sur le foncier urbain et semi-urbain. L’arsenal juridique est suffisamment bien élaboré à cet effet et l’administration politique et administrative doivent sortir du laxisme pour nous permettre d’assurer notre survie dans la quiétude.
Abou Bamba DOUKARE (ABD)
Pour Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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