L’attitude de nos hommes politiques devant certaines situations, en l’occurrence ici, le cas des milices communément appelées forces d’auto-défense ou encore Kogleweogo en mooré, est de plus en plus surprenante.
Face aux différents excès de ces miliciens dont la simple existence est présentée comme un danger eut égard à l’histoire récente des pays comme le Mali avec les Ansardine, les Gandakoï, en République centrafricaine avec les SELEKA, ANTIBALAK (les Anti-Balles AK) les Jamjawides au Soudan, les Zulu et les Ninja au Congo Brazzaville… le pouvoir politique n’a rien trouvé d’autre que de proposer leur intégration aux forces de défense et de sécurité et particulièrement dans la police de proximité.
En rappel, cette dernière solution vient à la suite de deux autres successives que sont dans un premier temps une légalisation des Kogleweko qui ne sont pas reconnus, ensuite la proposition de les encadrer « pour exercer leur mission » à savoir la police. La démarche de l’Etat laisse entrevoir qu’il n’y a pas une ligne directive stricte en matière de gouvernance et de sécurité, car le mot d’ordre « (…) force doit rester à la loi » prononcé par le Président du Faso à son investiture et répété lors d’un conseil des ministres en réaction aux premières exactions des kogleweogo est pris de contre-pied par ces solutions successives.
Avec cette gouvernance d’amateurisme dans un contexte de complicité silencieuse de l’opposition, il faut bien se pincer souvent pour voir si l’on n’est pas dans un mauvais rêve. On croyait avoir fini avec le mélange des genres où on avait des associations de nature apolitique comme la FEDAP-BC qui soutenaient au grand jour Blaise Compaoré, puis les OSC soutenant Zida. D’un régime à l’autre, les choses n’évoluent pas beaucoup, car outre ces militants, chaque force politique au pouvoir au pays des hommes intègres a besoin de ses forces de mobilisation parallèle pour assurer sa défense au cas où. A la seule différence que cette fois, il s’agit d’hommes armés au passé souvent douteux, à la moralité non attestée et sans formation politique et de police aucune. Une fois de plus, certains ont dit que « tout est pire qu’avant ».
Dans les lignes qui suivent, nous allons tenter de comprendre l’incompréhensible à savoir l’existence même de ce danger social. Ensuite, nous allons essayer de nous expliquer l’attitude de la classe politique à ce sujet et particulièrement ceux qui détiennent l’exercice légal et légitime du pouvoir politique.
En rappel, dans la prestation de serment dans notre constitution, le président du Faso dit :
« Je jure devant le peuple burkinabè et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso ».
(Art. 44. [Loi N°003-2000/AN du 11 avril 2000 – Art. 1er.)
La première personne (je) employée ici est fait à dessein. En d’autres termes, qu’il prononce ce serment en toute liberté, car jusqu’à présent dans l’histoire de notre pays, on n’a encore braqué personne pour le faire candidat à la présidence.
Alors, après voir juré d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens, on deale notre sécurité avec une association avec comme argument « impuissance des forces de l’ordre ». Est-ce à dire que les hommes politiques de cette majorité présidentielle ne connaissaient pas la situation matérielle, humaine et financière des forces de défense et de sécurité avant de se lancer dans la conquête du pouvoir ? Au quel cas il faut comprendre que le programme politique du partis a été écrit sur un fond d’ignorance de la réalité nationale. Mais au cas où ils le savaient, ce dont nous en doutons réellement, ils nous auraient fait une fausse promesse en nous mettant ces milices qui ne sont pas dans leurs programmes dans les pattes.
Notons bien que ces Kogleweogo sont des associations et dans notre pays, les textes régissent leur fonctionnement. Dans les préambules, chacun écrit « (…) il est créé entre les adhérents à (… ) une association à caractère laïque, apolitique et à but non lucratif (…) ». Le paradoxe dans notre pays est que même les associations religieuses obtiennent leur récépissé de reconnaissance avec le même préambule et ce, à cause ou grâce au laxisme des fonctionnaires de l’administration. Jusqu’à présent, cela n’a pas dérangé grand monde, car les associations religieuses n’ont pas encore troublé l’ordre public au point où on en vient à se poser des questions sur leurs activités.
Cependant, les Kogleweogo qui sont des associations à but non lucratif se sont donné les moyens de « se faire des ressources financière » par racket, l’imposition de taxes et impôts divers. Nous avons encore à l’esprit ce pauvre catéchiste séquestré pour n’avoir pas payé le droit d’adhésion à une association à laquelle il n’a manifestement pas adhéré. Quoi de plus normal. Mais il a dû payer avant d’être remboursé. Nous n’oublions pas d’évoquer les taxes de marché qu’elles font payer aux vendeurs alors qu’il y a déjà la perception officielle de l’Etat ou du village à travers les services des impôts qui se déplacent dans les plus petits hameaux de culture là où se tient un marché hebdomadaire.
Crescendo, ces associations font payer des pénalités à des présumés coupables qui sont d’office ligotés et dont les aveux sont arrachés à coup de fouet ou même pire. C’est vrai que nous sommes dans un contexte poste-colonial où nous avons hérité d’un système de justice que le commun des Africains et des Burkinabè ne comprend pas, mais nous savons tous dans nos cultures que l’être humain est sacré et que tout homme a droit à la dignité d’humain, même le fou du village, ce qui se traduit en Sango (langue véhiculaire centrafricaine) par Zo kuwe zo ; comme quoi même les monstres ont un cœur et souvent une vision.
De même, en contradiction avec leur caractère apolitique naturel, ces associations, à travers leurs membres, exercent en plein jour l’activité de police. De par sa nature sensible, cette activité est déterminée, définie et exercée par le pouvoir politique. Il s’agit donc d’une activité purement politique. En rappel, il s’agit d’une activité régalienne revient dans toutes les nations civilisées à l’Etat et à l’Etat seul. Quand on sait que le droit de port d’arme est règlementé par la loi et tous ceux qui ont déjà demandé l’autorisation connaissent le parcours de combattant, on est étonné de voir que les membres de cette association « vont demander l’autorisation de port d’arme » pour entériner ce qu’ils font déjà au grand jour et en violation de la loi sur le port d’arme.
Ensuite, défiant l’autorité en charge de l’administration du territoire dont dépend les associations, groupe social auquel elles appartiennent, les leaders de Kogleweogo prennent la parole sur les ondes des radios de proximité et réfutent les directives de l’Etat régalien. Comme si cela ne suffisait pas, plus récemment, ces mêmes miliciens vont poursuivre des bandits présumés au delà de nos frontières du côté du Niger, égratignant cet Etat avec qui nous entretenons de très bonnes relations de bon voisinage et ce, depuis la nuit des temps.
Décidément, les personnes qui animent ces associations ont montré qu’elles n’ont ni la volonté ni la moralité encore moins les dispositions psychologiques à assurer notre sécurité à eux bradée. Bon, c’est vrai que le Président et ses ministres ont le RSP nouveau à leur service et le serment prononcé devant les juges en décembre est comme une promesse qui n’engage que ceux qui y croient.
Et les hommes politiques dans tout ça ?
Notons que nous avons relevé chez eux deux attitudes : premièrement, la démission face à ce danger qui est une dérive sécuritaire en cours en certains endroits et à venir dans d’autres. Le Président du Faso en premier a lancé devant la presse qu’il reconnaît le caractère « utile » de ces associations. On pourrait dire la même chose des médicaments de la rue qui soulagent certains mais, n’empêche qu’ils restent dangereux et il faut les éradiquer.
Quant à l’opposition, son silence devant cette question est plus que assourdissant. Comment comprendre que vous avez écrit un si bon dossier sur le cas Lassané Sawadogo pour interpeller l’opinion sur « le danger qui ne plane que sur le fonds de retraite » en oubliant que ces associations sont un danger pour le territoire national. En effet, il s’agit bien d’un danger pour la sécurité des citoyens dans les zones où on les voit à l’œuvre que pour le pays. En effet, rappelons bien qu’une partie du territoire a interdit purement et simplement une association reconnue par l’autorité en l’occurrence le ministère en charge de la sécurité. Je note alors que ses prérogatives ne s’exercent plus sur l’tendu du territoire national, car un Kogleweogo pourrait se faire tuer s’il passe le pont de Boromo.
Tous les hommes politiques de l’opposition et de la mouvance présidentielle savent que cette affaire de Kogleweogo est mal ficelée. Pour preuve, chaque fois qu’on échange avec les membres de l’opposition, ils se contentent de protester laissant croire qu’ils n’ont pas eux non plus la solution à l’insécurité. En lieu et place d’une analyse objective, ils vous lancent, c’est vous qui avez voté, assumez
Confondant très certainement la légalisation (conformité à la loi) avec la légitimation (sentiment de perception de la normalité), le ministère en charge de l’administration s’est empressé de leur proposer de rentrer dans la légalité en se faisant reconnaître. Rappelons que le fait d’être dans la légalité ne vous donne pas automatiquement la légitimité. L’Apartheid était légal, la colonisation était légale, même le recourt à l’Assemblée par Blaise Compaoré pour changer la constitution était légal. Mais à l’arrivée, tout le monde est d’accord que « c’est pas bon ».
L’hypocrisie de la classe politique est la dernière arme qu’ils ont trouvée pour abattre leurs propres amis. Tous les membres de la mouvance présidentielle savent bien que cette affaire de Kogleweogo n’est pas acceptable. Nous les voyons encore embarrassés lorsqu’on les interroge sur le sujet. « L’affaire de Simon là… mais bon, comment on va faire… ». C’est en off et devant Simon, ils clament tous que c’est une décision importante « face à l’insécurité grandissante et à l’impuissance des forces de défense et de sécurité ».
Deux forces semblent les retenir dans cette situation embarrassante : la collégialité de l’action gouvernementale et la discipline du parti. C’est déplorable de noter qu’au nom de la collégialité, on ferme les yeux sur celui qui botte en touche. Vous avez fait comme ça avec Blaise Compaoré en défendant l’indéfendable. Nous avons encore dans nos oreilles les échos de vos déclarations de soutien indéfectible à cet article 37 qui était « anti-démocratique ».
Le jour où il y aura soulèvement contre les Kogelweogo comme à l’entrée de Ouaga et à Fara, vous allez dire « on avait dit à Simon (un autre Compaoré) et il ne veut pas écouter ». On ne fait pas ça aux amis, c’est maintenant qu’il faut le lui dire. Ensuite, il y a la discipline du parti qui semble être un carcan chez les membres et particulièrement ceux du bureau politique national. Bon, c’est vrai que ce n’est pas au moment où l’on cherche à se faire nomme (dividende de son militantisme) qu’il faut se créer des problèmes. Après tout « Kogleweogo c’est pas à Ouaga ». Rappelons à ces cadres éclairés qu’ils doivent assumer leur responsabilité face à l’histoire. Être nommé ministre ou directeur ne fait pas de vous un obligé au point d’avaler sa langue.
En somme, cette association a réussi à diviser le pays en deux zones clairement marquées : le Centre et l’Est où ils sévissent et le reste du territoire où ils sont indésirables. Dans le Grand-Ouest particulièrement, ils sont simplement interdits mettant en cause leur reconnaissance officielle. Certains esprits mal intentionnés, par ignorance, ont trouvé la justification de cette interdiction dans l’existence des Dozo qui serait une sorte de Kogleweogo traditionnel. Franchement, il faut être sourd pour ne pas entendre les arguments de chef coutumier qui a prononcé cette fatwa. « Après la colonisation du Blanc, nous n’allons pas subir la colonisation des M…. ». Si cette déclaration n’est pas jugée dangereuse, elle est tout de même un avertissement annonçant des jours sombres pour la cohésion nationale, car le jour où un membre des Kogleweogo va se faire prendre dans cette zone interdite, nul ne peut prévoir les conséquences.
Simon a promis à ces associations de les intégrer à la police de proximité et que « Le dossier sera transmis en conseil des ministres ». Avec tout le respect que nous devons à cette instance qui gère notre exécutif au quotidien, il faut bien commencer à sélectionner les dossiers à examiner. « La demande de remboursement de l’achat de la parcelle de Zida… franchement, c’est le Conseil de Ministre qui la lui avait vendue ? ». Il y a un bureau qui s’occupe des associations au niveau de son ministère et après tout, un analphabète comme Fama Doumbia au passé obscur et reconverti, il sera classé dans quelle grille de la fonction publique municipale ? Vous voyez, il y a des solutions qui ne sont pas envisageables et comme les ministres ne disent rien… du moins à l’auteur… ils préparent une autre crise car connaissant leurs méthodes, ces Kogleweogo ne connaissent que le langage de la violence et de protestation.
Pour terminer, rappelons qu’en réponse à l’insécurité grandissante, chaque nation, chaque état et chaque société se donne les moyens de se prémunir afin d’assurer sa pérennité et sa perpétuité. Dans cette quête, l’histoire des hommes est jalonnée souvent de solutions fantaisistes et hasardeuses. Ainsi, en lieu et place du renforcement des forces de défense et de sécurité comme annoncé par tous les partis politiques lors de la campagne présidentielle passée, certains en panne d’imagination, ont adopté des solutions dont la dangerosité a été démontré sous d’autres cieux.
Ne pensez pas que ça n’arrive qu’aux autres. Demandez à vos adversaires politiques du camp d’en face qui ont toujours dit que le printemps arabe, les soulèvements, la rébellion… ça ne peut pas arriver chez nous. Et c’est bien chez nous qu’on dit également, « Même si la grenouille ne mord pas, il ne faut la mettre dans ta culotte ».
Abou Bamba DOUKARE (ABD)
Pour Lefaso.net
1. Devise de la République Centrafricaine sous le règne de l’Empereur Bokassa Premier.
Source: LeFaso.net
Commentaires récents