Depuis plusieurs mois, une polémique, loin de finir tout de suite, est entretenue même au sommet de l’Etat, autour de Yacouba Isaac Zida sur ses hauts faits et ses faiblesses au cours de la tumultueuse Transition politique et même après. Un débat de nature à faire perdre toutes leurs plumes à ceux qui osent s’y frotter imprudemment. Pour autant, faudrait-il l’éviter ?
L’ancien Chef d’Etat éphémère, le Général Yacouba Isaac Zida
Lorsque l’on franchit la grande porte du palais de Kosyam, sous le hall de la grande bâtisse au rez-de-chaussée, l’on constate les portraits des anciens chefs de l’Etat du Burkina Faso depuis la proclamation de la première République. Le portrait du Général Zida y est installé de date récente, présentant l’homme en treillis militaire. La brièveté de son séjour au pouvoir, rivalise de façon contrastée avec la longue longévité au pouvoir de Blaise Compaoré.
Pour tous ceux qui se posaient la question de savoir si Zida devrait compter parmi les anciens chefs de l’Etat, cet affichage s’apparente à une réponse sans équivoque, jusqu’à preuve du contraire. L’on peut donc bien se permettre de dire, l’ancien chef d’Etat éphémère, le général Yacouba Isaac Zida. Pouvait-il en être autrement ? Juridiquement parlant, un décret règlementerait le statut d’ancien Chef de l’Etat et une polémique soulevée soutenait que le temps minimal requis pour bénéficier de ce statut, n’a pas pu être atteint par le tout dernier Général de division. Tel est le langage juridique et institutionnel.
Mais historiquement parlant, trois jours d’exercice effectif du pouvoir sans rivalité, avec des décrets et communiqués exécutés en cascade dans l’ordre hiérarchique, peuvent sembler suffisants pour l’historien, pour soutenir le titre d’ancien chef de l’Etat sur l’intervalle concerné des trois jours. Cependant, en jouir moralement, financièrement et matériellement auprès de l’Etat, est une autre affaire, d’où toute la pertinence du terme juridique institutionnel éloquent de « statut ».
Doit-on soutenir avec acharnement que Zida reste irréprochable ou intouchable ?
Cette petite observation au sujet de cet attribut reconnu sans entrave apparente du pouvoir en place, semble dire que les termes justificatifs « acharnement », « cabale » ou autre, bien souvent brandis par certains défenseurs de Zida, ne peuvent bénéficier de crédit à tout point de vue. Bien des acteurs et intellectuels en particulier, ont pris le risque de fermer leurs yeux pour défendre le Général. J’ai failli céder à la tentation de façon matinale dans un sujet beaucoup plus général, avant que l’affaire des parcelles de Ouaga 2000 n’éclate au grand jour.
Cependant, pour des raisons patriotiques, avant la fin de la Transition, j’ai dû répondre à un article sur les médias en Côte d’Ivoire, s’attaquant vivement à lui en tant que Premier Ministre d’alors avec un ton affiché de raillerie dirigé contre l’image de la Transition sous le titre suivant : Côte d’Ivoire Burkina “Pourquoi Franklin Nyamsi s’attaque à notre PM Yacouba Isaac Zida ?” au lien, http://www.connectionivoirienne.net/115259/cote-divoire-burkina-pourquoi-franklin-nyamsi-sattaque-a-notre-pm-yacouba-isaac-zida .
Le retour éventuel de Zida au pays est-il probable pour bientôt ?
Pourquoi Zida est-il hors du pays à un moment où le RSP, jadis craint pas tous, est enfin dissout, « ses élément dispersés » ? Que craint-il réellement ? Pourquoi met-il encore du temps pour défendre son bilan financier et de gestion du pouvoir, pour répondre aux appels incessants du Président Roch Marc Christian Kaboré et pour retourner au commandement des troupes au pays en qualité de Général de division ?
Nombre de défenseurs de Zida disent bien souvent que l’homme a pris des risques de mort pour affronter le RSP.
Quelle place donne-t-on au peuple lui-même dans la résistance face au RSP ? Quel niveau de témérité peut-on par exemple donner à l’attitude de Chrysogone Zougmoré (et ses compagnons), dans son discours à la place de la Révolution ce jour 13 décembre 2014, quand il prônait sans concession, la dissolution immédiate du RSP et accusait devant Zida sans cligner des yeux, le RSP d’être responsable des assassinats à répétition depuis de longues dates : « c’est le RSP ! Le « même » RSP là… ! »
En rappel, à cette période, le Burkina était encore dans une grande incertitude face à son destin, un mois et demi à peine, après l’Insurrection populaire.
Soutenons avec mesure cependant : Zida a joué sa part de rôle décisif lorsqu’on sait surtout que des professionnels de la politique – à contre-courant de la rationalité politique, – n’étaient nullement prêts à prendre sa place en tant Premier Ministre suite à ses disputes de juillet 2015 avec le RSP au sujet d’une tentative présumée de coup d’Etat.
Absence du bilan socio-économique national pré-insurrectionnel et non passage à la 5ème République : tache noire indélébile de la Transition
Le pouvoir de la Transition a préféré la navigation à vue dans les premiers mois, passés sans déclaration de politique générale, clamant fort sur toutes les ondes, que son programme politique était de conduire l’absence de programme politique en ne visant que les élections aux dates inconnues et négligeant le changement de Constitution. Cette absence criarde de planification inadmissible au 21ème siècle, a été payée cash avec une course de passation de marchés de gré à gré au mépris des règles, jusqu’à l’orée de la transmission du pouvoir en décembre 2015. La pensée est bien connu : échouer à faire des planifications, c’est assurément, planifier ses échecs !
Au sujet des malversations supposées dans le rapport de l’ASCE/LC, certains défendent de façon autoritaire et péremptoire, que le mis en cause, ne serait pas le premier dans l’histoire, de supposés détournements publics et qu’il faille faire des bilans passés du régime déchu avant de prétendre régler les comptes éventuels de Zida. Ces propos ont leur part de vérité sans doute, mais en la matière, il paraît utile, surtout dans le domaine judiciaire, d’appuyer certaines déclarations par des éléments de preuves, des noms à l’appui, susceptibles de motiver et d’enclencher l’action judiciaire. Autrement, le débat reste grippé par la rumeur parasite, sans qu’on ne puisse avancer d’un iota. Aussi, cette tâche incombait-elle jadis de façon réaliste au Pouvoir de la Transition.
Si le Pouvoir de la Transition a raté, sinon échoué dans cette mission essentielle de bilan du passé, peut-elle s’en prendre à autrui ? La désolation la plus patente dans le bilan de la Transition pour un objectif naguère à portée de main, a été l’échec ou l’immobilisme constaté dans la résolution ferme de passer à la 5ème République. Cette mission serait remplie, aujourd’hui, l’on ne serait plus encore au stade de tergiversation sur l’indépendance de la magistrature, notamment en ce qui concerne l’exclusion de l’Exécutif du Conseil Supérieur de la magistrature.
Contre ce qui s’apparente à la banalisation de la corruption et de la mal-gouvernance
Je m’inscris radicalement contre ce qui s’apparente à la banalisation de la corruption et des détournements des deniers publics dans notre pays, chose que certaines lignes de défense favorables à Zida semblent promouvoir. Chaque citoyen dans la République, doit répondre de ses actes, ses bienfaits, tout comme ses dérives et prévarications. A ce titre, il semble qu’un amalgame grossier est bien souvent entretenu sur la personne du général Zida.
Jugement erroné sur Zida en l’adossant aux attitudes antérieures d’autrui : la Transition ouvre une page nouvelle de l’histoire nationale avec ses exigences morales introduites par la douleur des Martyrs et la Charte
S’il faut juger objectivement Zida, cela ne devrait nullement être appréhendé par rapport aux attitudes antérieures d’autrui, tout comme autrui ne doit nullement être jugé par rapport aux attitudes de Zida ! Certains sont tombés dans ce jeu malheureusement. Le respect pour ces personnes ne devrait pas empêcher de dire qu’une telle approche reste faible et hautement critiquable.
De façon objective, il semble visiblement plus cohérent et juste, dans l’intérêt de la République, de séparer les bienfaits de Zida de ses dérives éventuelles consécutives à l’exercice du pouvoir. Autrement, l’on tomberait dans le subjectif et les jugements de type scolaire ou métaphysiques prévus dans l’au-delà, et consistant à faire la moyenne entre le bien et le mal pour juger du sort final de l’évalué. Si telle approche a des chances de prospérer en politique, elle s’accommode difficilement avec la justice dans la République. Les dérives de l’exercice du pouvoir et l’application des sanctions y inhérente, sont quelque peu, la consolation ou la rançon dont bénéficient d’office les gouvernés pour n’avoir pas eu l’occasion, la chance ou la volonté d’exercer eux-mêmes le pouvoir.
En d’autres termes, le citoyen ne saurait subir les sanctions inhérentes à la conduite à un poste de responsabilité sans pour autant avoir exercé au poste de responsabilité en cause. Etre ministre, ancien ministre, a ses joies, il a aussi ses peines ! Quoique convoité par la majorité des personnes, le poste de ministre ne manque pas quelque fois d’être décliné par certains citoyens jaloux de leur intégrité et redoutant fort les tentations compromettantes à ce niveau de responsabilité publique.
Défense sans concession de l’intégrité prônée par le capitaine révolutionnaire Thomas Sankara
En droite ligne de la défense du type d’intégrité prônée par le capitaine Thomas Sankara pour l’intérêt de toute la République, il faut juger avec rigueur, chaque citoyen pour le bien qu’il pose comme acte et lui faire profiter de tous les bénéfices et avantages consécutifs sans entrave ; et aussi séparément pour le mal qu’il fait et lui faire subir également toutes les sanctions qui vont avec.
Tout acteur puissant contourne naturellement les tribunaux et refuse la prison à un élément de son corps ou proche : les prisons sont-elles faites pour adversaires politiques et pauvres faibles ?
Les prisons qui sont bien souvent, le point de chute théorique final après l’épreuve des tribunaux pour les fautes les plus graves et tant redoutés par tous, gouvernants comme gouvernés, gagneraient à être humanisées et équipées d’un minimum pour être vivables, pour que chacun accepte d’y aller, le sourire aux lèvres en cas de violation grave constatée de la loi, comme l’a fait maintes fois, le révérend Martin Luther King Jr. C’est une question de droits humains et de responsabilité citoyenne.
Les arrestations consécutives au putsch ont pu montrer que, des journalistes aux avocats du barreau en passant par les partis politiques, nul n’accepte qu’un élément de son corps, qu’un proche ou une connaissance n’aille en prison ! Faut-il juste observer les puissants sans reddition de compte, sans jugement judiciaire aucun et dans l’impunité totale parce que certains entretiennent avec eux, des liens affectifs ?
Faut-il s’acharner sur d’autres parce qu’ils sont adversaires politiques supposés ou avérés, présents ou futurs, des pauvres et faibles sans soutien de quelconque lobby ?
Il semble que la République se porterait certainement mieux avec plus d’égalité et de justice conformes à la Constitution, si l’on l’éloigne de nos multiples jalousies et affections, bien souvent abusivement subjectives. Ce que l’on doit souhaiter pour le prochain, c’est de préférence le meilleur et la liberté, loin de la prison…
Je ne suis ni Zida, ni anti Zida mais plutôt démocrate républicain, adepte conservateur de la moralité intègre !
Idrissa Diarra
Précurseur de l’Initiative pour l’érection du site
de l’Assemblée Nationale en Musée à ciel ouvert.
Géographe & politologue.
Secrétaire Exécutif du Mouvement de
la Génération Consciente du Faso (MGC/Faso)
Courriel : diarra.idrissa@rocketmail.com
Site Web : http://erigan-musee.com
14 juillet 2016.
Source: LeFaso.net
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