L’épisode désolant qui a entaché, ensanglanté et même endeuillé le processus de choix des exécutifs locaux suivi du mutisme des partis politiques et de la société civile face à ces ‘’ africâneries politiques » dignes d’une autre époque, interpelle chaque conscience sur les forces et faiblesses de notre gouvernance locale. Elle a mal à ses fondements et il faut vite la repenser à l’africaine.
Personnellement, j’insupporte mon incapacité à comprendre ce phénomène étant donné qu’il est bien possible de servir sa collectivité avec loyauté et pas forcément en qualité d’élu local. Et si les maires étaient élus au suffrage universel direct ? Ce ne serait pas la panacée, certes, mais cela pourrait contribuer à épargner notre démocratie locale de ces disputes ignobles et moyenâgeuses. Le citoyen burkinabè se pose peut-être cette même question avec juste raison.
En attendant que les partis politiques disciplinent leurs militants, ‘’de-ethnicisent » le débat politique dans certains milieux et trouvent une solution juridique appropriée à notre système de décentralisation, j’ose croire que la course aux fonctions de maires n’est pas liée à des intérêts purement personnels. Ce sera donc pour ceux-là un échec programmé, car sur la question spécifique des lotissements, devenus une caverne d’Ali BABA pour certains, ‘’ça sera ton pied mon pied ».
Léguer aux générations futures des villes qui respirent et qui respectent un certain standard de vie doit être l’œuvre de tout un chacun et avant tout des décideurs et cela se construit aujourd’hui. Mais, ce rêve de ville durable est en passe de devenir la quadrature du cercle pour les populations et leurs élus car le fer et le béton ont déjà envahi nos espaces verts, nos réserves administratives sont déclassées et bradées au privé, des lotissements sont opérés au mépris des textes et des normes environnementales dans un contexte de corruption et de spéculations. Quel avenir pour nos villes et quel héritage pour les générations futures ?
Hier les états généraux sur les lotissements (octobre 2013) et demain les enquêtes parlementaires sur le foncier urbain, les populations n’attendent désormais que des résultats concrets au pied du mur. S’il est vrai que tout citoyen burkinabè ne peut être propriétaire de parcelle dans un centre urbain, il est aussi vrai qu’un citoyen ne doit s’accaparer indûment plusieurs parcelles.
Sur ce volet, c’est un secret de Polichinelle et c’est d’ailleurs inutile de le répéter, des lotissements ont été très mal gérés durant ces dernières décennies par des élus locaux et des techniciens de l’Etat. Il convient de recadrer les habitudes pour éviter que des non-lotis ne soient des cellules dormantes d’une éventuelle révolte communale. C’est à comprendre tout net, si le Burkina Faso fait aujourd’hui l’économie des reformes, demain il ne saura faire l’économie des révoltes. Gouverner, c’est voir déjà ce que demain sera.
De mon humble avis, en cette phase décisive et irréversible de notre processus de décentralisation, il serait illusoire de retirer la question des lotissements aux communes, telle que véhiculée par une certaine opinion, comme solution aux problèmes vécus. Nonobstant les dérives et les insuffisances constatées, qui d’autre mieux que les élus locaux doivent gérer les lotissements ?
Du manque de redevabilité politique de ces élus à l’absence d’une veille citoyenne au niveau local, combinés à l’assurance politique accordée aux membres des commissions d’attribution des parcelles par certains partis politiques et le non-respect des textes en matière de lotissement, l’urgence est aux solutions concrètes.
La nécessité est impérieuse pour tout nouveau maire de commanditer un audit des lotissements opérés dans sa collectivité et d’instaurer une gestion informatisée du fichier cadastral et des attributaires de parcelles. Cela participera sans doute à l’encrage d’une bonne gouvernance locale. Cette gouvernance implique également que les populations assurent désormais une veille citoyenne permanente sur les opérations de lotissement.
En outre, chaque parti politique devra tenir un langage de vérité à ses militants élus locaux et les mettre devant leur responsabilité car ‘’ les parapluies et les manteaux politiques » sont des ennemis héréditaires de la bonne gouvernance sous nos tropiques.
Aussi, au-delà des sanctions qui doivent être infligées à tout contrevenant dans les opérations de lotissements, l’Etat doit jouer pleinement son rôle par l’action de la tutelle rapprochée. Dans notre architecture institutionnelle actuelle, le préfet de département est plus à même d’assurer avec adéquation cette tutelle administrative. Proximité et principe de subsidiarité obligent. Il ne reste qu’à lui donner les moyens juridiques et logistiques appropriés.
Je m’en voudrais de conclure sans adresser mes vives félicitations aux maires qui ont été élus avec l’engagement ferme d’être des ‘’Arba Diallo » pour leurs collectivités. Ne soyez pas les maires de vos partis politiques, soyez les maires de vos populations. Ne soyez jamais le maire de votre électorat, soyez plutôt le maire de votre collectivité, vous réussirez, votre nom restera gravé dans l’histoire de votre collectivité et la population retiendra votre œuvre.
BEDA Maurice
Citoyen burkinabè
Tel : (00226) 70 62 32 82
Email : monbeda@yahoo.fr
Source: LeFaso.net
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