La situation sociopolitique nationale a été fortement troublée à cause des violences qui ont émaillé la désignation des maires de communes et d’arrondissements. Dans la plupart des cas, ce sont des élus locaux et leurs partisans d’un même camp, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), qui se sont donnés à ce spectacle désolant et infantilisant qui n’honore pas la démocratie à la base.

Dans une moindre mesure, les échauffourées ont éclaté avec l’opposition au regard d’un élan de de la majorité au pouvoir d’imposer son hégémonie en foulant au pied la victoire de certains de ses alliés d’hier au CFOP dans de rares localités. Si la carapace du MPP a été assez rigide pour tenir tête au CDP et à Blaise Compaoré, elle semble si molle pour accepter, dans la gestion des municipalités, un nouvel ordre démocratique où des divers courants sont susceptibles de converger vers un idéal commun pour bâtir le progrès local. Tout porte à croire que ce parti au pouvoir traine également des “durs à cuire” voire des “indisciplinés” qui se moquent de ses directives et sont prompts à défier leurs responsables. Les primaires pour désigner les candidats aux mairies se sont révélés une mascarade. Les mêmes rivalités et crocs-en-jambe font rage sur des vainqueurs d’aujourd’hui et déteignent sur l’atmosphère politique actuelle. C’est sans pitié que l’on règle les comptes avec une grande dose d’inscipline interne.

L’insurrection populaire contre la modification de l’article 37 de la Constitution et la resistance populaire contre le putsch du 16 septembre 2015 sont certes parvenues à mettre des hommes et des femmes hors du jeu politique mais elles tardent à favoriser l’émergence d’une nouvelle race d’acteurs politiques. Le même système qui a forgé et moulé une frange de politiciens abrutis perdure. La razzia du MPP aux dernières municipales n’est pas suffisante pour asseoir, dans un même camp, l’ordre et la discipline comme primauté dans toute lutte politique et démocratique. Même si la constitution de ce parti diffère un peu avec le panier à crabes qui a caractérisé le CDP en 1996, le constat est que le “melting pot” et l’accueil de “réfugiés politiques de tous bords” au lendemain du 4 janvier 2014 a abouti à une Tour de Babel qui tient aujourd’hui des conseils municipaux dans un tohu bohu. Cela n’augure pas des lendemains meilleurs pour la gouvernance séreine des collectivites territoriales.

De Kantchari à Karangasso-Vigué en passant par Gomboro, le feu, des coups de poings, des gourdins, des machettes et des fusils ont marqué ces scrutins aux suffrages indirects. Les manigances de groupes rivaux risquent d’entrainer une série de rétablissements de délégations spéciales et accroître le retard, déjà criant, dans l’épanouissement socio-économique des communes.

Appelés à reimprimer le développement à la base après l’interruption des mandats des maires élus en novembre 2012, des exécutifs locaux vont trainer des boulets de la mésentente pendant les cinq ans à venir à cause des affrontements suivis de mort d’hommes. Il est à craindre que ces dérapages ne prennent en otage les aspirations des habitants de plusieurs collectivités territoriales. Si, une fois élu, le Président du Faso peut se targuer d’être “Celui de tous les Burkinabè” et le député “Elu national” ; le maire ne sera malheureusement pas dans de nombreuses municipalités, “le bourgmestre de toute la collectivité”.

La chancellante démocratie à la base est le reflet de l’embrouillamini au sommet d’un pouvoir à trois têtes avec des alliances contre-nature. Dans le choix du chef de l’exécutif local, les conseillers municipaux oints par les populations doivent faire preuve de lucidité et d’intelligence en se départisant de la jalousie et toute autre considération partisane en se fondant sur le leadership et la valeur intrinsèque du postulant à insufler réellement le développement local. C’est malheureux d’observer de prétendus responsables locaux de partis, s’estimant de la majorité, obéir aveuglement aux directives et aux ordres d’un sommet ignorant tout des réalités et des besoins de développement local.

Le bon sens voudrait, en pareille circonstance, de se laisser guider par l’intérêt supérieur de la collectivité en négociant et en favorisant de nouvelles alliances autour d’un programme commun de développement communal. Vouloir coûte que coûte repercuter la majorité constituée au Gouvernement et à l’Assemblée nationale à la base serait promouvoir une idiotie politique qui saperait la quête de bien-être des populations.

Tout en étant de l’opposition, Feu Arba Diallo a réussi là où de nombreux maires de la majorité ont échoué. La ville de Dori porte éloquemment ses capacités à entretenir localement le progrès en faveur de ses compatriotes. L’attitude vorace et antidémocratique avec laquelle certains appréhendent le poste de maire rappelle bien la culture du “Tuk-guili” (tout prendre en langue nationale moré). Ils n’hésitent pas à adopter un comportement digne de “Katré”, la hyène, qui, mue par une gourmandise débordante, est prête à sacrifier ses petits pour assouvir sa soif de gagner coûte que coûte ou de satisfaire sa gloutonnerie.

Bien qu’aucun parti en lice ne dispose de la majorité absolue pour gouverner seul la commune rurale de Bagaré, le bras de fer qui oppose le MAP à la coalition MPP-UNIR/PS témoigne de cette inconscience d’une catégorie d’acteurs politiques à appréhender et à concevoir le développement local.

Les deux partis coalisés ayant respectivement obtenu 17 et 8 conseillers au scrutin du 22 mai cherchent coûte que coûte à barrer la route au MAP avec ses 25 conseillers. La trouvaille du juriste et responsable du MPP dans cette localité est créer des blocages à outrance afin de créer une impasse dans la mise en oeuvre de l’exécutif local. Cela passe par des tentative de corruption de certains conseillers dans le camp adverse et le déraisonnement de ceux des alliés qui seraient tentés de mettre l’intérêt supérieur de la collectivité en avant. Quitte à rester toujours sous administration d’une délégation spéciale.

C’est le même scénario ignoble qui a prévalu en 2012 quand l’UNIR/PS a bradé son idéal sankariste pour s’allier au CDP pour empêcher le MAP d’accéder à la mairie avec ses 22 conseillers. Cette stratégie fantoche, qui a été mise en oeuvre dans diverses localités du pays pour empêcher l’accession d’un tel ou de tel parti à la tête d’une mairie, traduit une faiblesse en démocratie qui va encore creuser le gouffre du sous développement.

Le pays des “Hommes dits intègres” commence à payer cash la rançon de la compromission, de la boulimie et de la cupidité démocratiques. Se flattant d’avoir rompu avec les vieux démons de son passé démocratique scabreux dont la responsabilité de toutes les tares a été attribuée, à tort, à Blaise Compaoré et à ses “fidèles lieutenants” jusqu’au 31 octobre 2014, le paysage politique burkinabè demeure toujours dans la propension d’une catégorie de ses dirigeants politiques qui, se reclamant de la majorité, de règner sans partage.

L’alibi de la modification de l’article 37, qui a été brandi par les RSS et leurs compagnons pour claquer la porte au CDP et tourné le dos au régime de Blaise Compaoré, n’a pas conforté les militants et les sympathisans du MPP dans une posture démocrates convaincus et pur sang au point d’abandonner les vieilles méthodes de la maison mère. Le front uni qui s’est également constitué par l’opposition et les dissidents du parti au pouvoir pour mener l’insurrection populaire et la resistance n’est pas assez suffisant pour estomper les rancoeurs, les rancunes, les rivalités tantôt par camps opposés tantôt dans un même camp. Pour certains, la politique est loin d’être un jeu et il ne faut permettre aucun cadeau à son adversaire. Pour d’autres, il n’est point question d’appréhender les élections avec la probabilité de gagner ou de perdre. L’irresponsabilité politique consistant à crier, “On gagne ou on gagne,” commence à prendre dans le paysage politique burkinabè.

La démocratie obéit à des principes et repose sur des valeurs que refusent d’épouser de faux democrats qui continuent de surfer sur des pratiques malsaines. Il faut se raviser et admette que la vitalité démocratique d’un pays dépend de l’honnêteté et de la sincérité qui caractérisent les acteurs du jeu politique. La soif d’alternance politique, la bonne gouvernance et le devoir de redevabilité sont à cultiver aussi au niveau local.

(*) : « Katré » désigne hyène en langue nationale moré.

Filiga Anselme RAMDE

filiga.ramde@yahoo.fr

Pour Lefaso.net

Source: LeFaso.net