Le mercredi 22 juin 2016, à Kombissiri, dans la province du Bazèga, s’est tenue la rencontre des associations d’auto-défense locales, appelées Koglwéogo. Au cours de celle-ci, Boukari Kaboré, dit « le Lion », président d’un parti politique (PUND), qui y était présent, a reçu le titre « honorifique » de chef national de ces groupes. Comme nom de guerre, ou nom-programme, il a été baptisé « Wibga » en Mooré qui signifie l’Epervier en français.
Les noms sont révélateurs de nos rêves, de nos projets. Ainsi donc, dans nos traditions, au nombre des bénédictions formulées à l’occasion du baptême d’un nouveau-né, figure cette formule : « que Dieu fasse qu’il ou qu’elle réponde à son nom ». Aussi, voudrais-je me permettre une petite réflexion sur la nature et les contenus d’un tel nom. Loin de moi la prétention d’être un spécialiste en Onomastique, cette branche de la lexicologie qui fait l’étude des noms propres. Me basant simplement sur les méthodes du milieu dans lequel j’ai grandi et dont mon style de réflexion porte le seau, je voudrais juste analyser le nom du baptême « Wibga, l’épervier. Au pluriel, « Wibga » devient « Wibsé. »
Le « Wibga » ou l’épervier est une petite espèce d’oiseau de proie. Rapace, ou oiseau de proie, est un nom ambigu qui désigne un oiseau carnivore, au bec crochu et tranchant et possédant des serres, des griffes longues est pointues. Les rapaces ont généralement une vue remarquable. Le « Wibga », contrairement à beaucoup d’oiseaux, possède un odorat très développé ! Carnivore de son état, son odorat lui permet de sentir sa proie à distance.
Boukari le Lion est devenu, le « Wibga » des Koglwéogo, mieux encore, leur chef. Ne dit-on pas que les oiseaux de même plumage volent ensemble ? Donc, qui se ressemblent s’assemblent. Si le chef est Wibga, ses sujets sont de facto des « Wibsé » des éperviers. Quel peut donc être le projet caché derrière ce choix non immaculé ? Quand la bouche parle de l’abondance du cœur, les mots choisis révèlent souvent les intentions enfouies en nous.
De l’observation faite depuis mon enfance, je peux conclure que l’image associée à ce nom « wibga » a toujours été négative. Lorsque l’épervier fait son irruption dans le village, c’est pour semer ruine et désolation pour les éleveurs. Rien que son ombre constitue une menace vivante de mort pour des oiseaux, et « souvent très destructeur pour les jeunes poussins dans la basse-cour durant la saison de reproduction » ou « très ravageur parmi les perdrix6. Le Wibga, très discret, fin observateur jouissant d’une rapidité extraordinaire, a comme cible préférée, la volaille. De ce fait, il est un poison pour l’économie familiale, car un danger permanent contre l’élevage, une activité génératrice de revenus. Dans Le village, c’est la « visite » d’un wibga qui peut amener un adulte à crier « haut et fort » malgré lui , en signe d’alerte d’un danger, seul moyen de le perturber dans ses plans machiavélique, à l’endroit des poussins, des poules, des pigeons etc. Le « wibga » n’a jamais été un oiseau apprécié. Sa présence hante toujours. L’hospitalité ne lui est jamais accordée au village. Si l’on venait à découvrir qu’un épervier (wibga) préparait son nid dans un arbre aux alentours, des initiatives étaient systématiquement prises pour le saccager. En 1851, T. B. Johnson écrivait pour les gardes-chasse britanniques, « le nid de cet oiseau doit être diligemment cherché… et détruit, en tirant sur les parents d’abord, si possible ».
Pourquoi le choix d’un tel nom pour le chef des Koglwéogo ? Je ne saurai y répondre, cependant, je reste convaincu que ce n’est pas fortuit. Ces nouveaux wibsé du Burkina vont-ils répondre à leur appellation sous quel angle ? Les pro-Koglwéogo soutiendront qu’ils vont s’attaquer aux vipères de la société, aux serpents de tout acabit. Soit ! Encore faut-il qu’ils s’en tiennent là ! Mais déjà, leur insubordination aux forces loyales, leur refus d’obéir à l’autorité de l’Etat, les exactions commises, les bavures enregistrées, sont entre autres, la preuve que ces Wibsé, seront des images parfaites des éperviers de la nature. « Ennemi ravageur de l’économie villageoise ».
Pour preuve, leur chef Wibga a réaffirmé qu’ils ne mettront pas un terme, ni aux rackets, ni à l’imposition des amendes. Ils maintiennent leur position quant à l’application des tortures de toute nature. Ainsi, il semble faire allégeance à la famille des wibsé de la nature dont ils voudraient s’inspirer des techniques. Simon Compaoré et son équipe leur auraient fait la part belle. Ils ont mis à leur disposition tous les arbres ombrageux du village. Mieux, ils auraient rassemblé les matériaux pour faciliter la construction de leurs nids. Naturellement, la femelle de l’épervier pond entre fin mai et juin. Et c’est précisément le 22 juin 2016 que le baptême a été fait à Kombissiri. Pure coïncidence ou témoin d’une fidélité promises aux « principes-éperviers » ? Ne soyons pas surpris que ces êtres se reproduisent à une vitesse vertigineuse. Leurs poussins sont nourris par la femelle avec des proies déplumées par le mâle au cours des 8 et 14 premiers jours de leurs vies. Huuuumm !!
D’où Viendront les proies des wibsé de Koglwéogo ? « Entre 24 et 28 jours après l’éclosion, les oisillons commencent à se percher sur les branches près du nid et prennent leur premier envol » ; ils vont envahir le village. Quand les Wibsé-enfants et leur parents épervier auront pour seul lieu de chasse, notre petit village, c’est sera un véritable tsunami pour les populations. Mais la plus grande inquiétude, dans un village ainsi infesté de Wibsé, des éleveurs venant d’ ailleurs, je veux dire par là, des investisseurs étrangers, ne voudraient s’y aventurer. Qui jetterait son argent par la fenêtre ? Dans un pays où la loi n’a pas droit de citée, où l’arbitraire et l’anarchie règnent par le génie des Wibsé, quelle garantie pour la sécurité ? Le chef de village avec ses acolytes auront beau multiplié les sorties diplomatiques et les cours de séduction, ils n’enregistreront que de maigres récoltes si la donne ne change pas. Un village de wibsé ne sera jamais un lieu sain pour des investissements. Le taux du chômage montera exponentiellement. Pas d’investisseurs étrangers, moins de création d’emplois.
Ceux qui ont disposé les arbres du village pour les Wibsé sont certainement des « coqs » donc plus corpulents, gros et grands qui n’auraient pas peur des Wibsé, mais attention ! Ils pourraient être surpris de prendre la tangente un jour derrière les poussins, pour se cacher lorsqu’un Wibga planera sur le village. En ce moment alors, ils ne manqueront certainement pas de justification valable à la couleur du contexte. Ils pourraient emprunter les mots du coq naturel pour se défendre. Le coq dit : « Si vous voyez que je m’enfuie avec les poussins à chaque fois qu’un épervier fait irruption, ce n’est certainement pas par peur. Je suis sûr que le wibga ne voudrait pas de moi, mais je préfère être à l’ abri pour ne pas être envahi pour l’ombre d’un diable ».
Et pourtant comparaison n’est pas raison. Ici, je dirais à nos « coqs » qu’ils auront des raisons de s’inquiéter car si un « lion » devient un épervier, c’est vrai qu’il y a eu une déchéance par rapport aux autres lions, mais il a l’avantage d’être le plus dangereux des Wibsé. Ce Wibga ou « silga » (un autre mot pour designer vaguement l’épervier) risque de défier la thèse de Komsilga, selon laquelle « L’épervier affamé ne saurait emporter une chèvre. » (Koom silg kon dik buuga).
Ce lion devenu aurait la force et les techniques pour emporter même des taureaux. C’est l’impression que l’on a quand le parrain des Koglwéogo déclare sur dans les medias de la place que « si le Gouvernement s’amuse à nous toucher, on va se mater ». Les commentaires sont libres mais les faits sont sacrés. Chacun n’a qu’à être conséquent avec lui-même et prêt à assumer ses responsabilités car l’histoire est le juge impartial et le fidèle enregistreur des évènements qui se déroulent dans le temps. Alors, que Dieu sauve le Burkina Faso de l’ombre menaçante des wibsé du temps moderne.
Sibiri Nestor SAMNE
Communicateur ; E-mail : sasimastor@hotmail.com ; sasimastor@gmail.com
Source: LeFaso.net
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