Cet écrit ne saurait être une étude détaillée et exhaustive du sujet. Nous nous contenterons d’élaborer une ébauche. D’autres personnes, des spécialistes pourront en approfondir le contenu.

Il est clair que notre armée est au centre de la vie politique, économique, sociale, culturelle et morale depuis les indépendances. Mieux, elle gère le destin de notre pays depuis 1966, soit pratiquement cinquante ans de règne.

Avec l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 et le retour à la démocratie, nous devons redéfinir le rôle de notre armée. Pour l’instauration d’une véritable démocratie, notre armée doit savoir son nouveau rôle et les nouveaux rapports entre le pouvoir civil démocratiquement élu, les forces armées et les forces de défenses et de sécurité.

C’est le gage de la réussite de la naissance d’un Burkina nouveau. Nous ne sommes pas militaires, mais un observateur de la bonne marche de notre nation. Ceci est notre contribution au travail de la reforme de notre armée.

I. Le rôle de notre armée, hier et aujourd’hui

Il est su de tous que le rôle de l’armée est d’assurer la sécurité extérieure du pays. C’est sont rôle en tout temps et en tout lieu.

Mais depuis le 3 Janvier 1966, elle s’est ingérée dans la gestion quotidienne de notre pays. Cela change toute la donne de son rôle. Désormais, elle joue le rôle de l’exécutif.

Sur cette base notre armée s’est incrustée dans des rôles non militaires :
– Organisation politique : partis politiques et associations, syndicat, etc…
– Géni civil : route, bâtiment, barrage,
– Secteurs sociaux : agriculture, médecines, éducation, eau

Avec la guerre froide, notre armée jouait sont rôle en étouffant toute action politique révolutionnaire et de gauche.

L’armée formait des cadres dans les meilleures conditions, dans de bonnes écoles et universités. Ainsi les cadres militaires occupaient de hautes fonctions dans l’administration, le commerce et la diplomatie. Sur le plan de la formation technique, les militaires avaient les meilleurs cadres. C’est dire que notre armée a créé les conditions de la domination des militaires sur les civils.

Ainsi les combats politiques se mènent entre militaires. Ce qui conduit aux multiples coups d’états et au changement de régimes (CMRPN, CSPI, CSP II, CNR, ODP/MT, CDP)

Notre armée avait un rôle politique de premier rang. En réalité, nous étions dans un état d’exception, malgré le fait que nous avions des élections avec des présidents d’Assemblée National et du Premier Ministre civil.

Avec l’arrivé des capitaines au sommet de l’état le 4 Août 1983, c’est la liquidation du peu de démocratie de notre pays. L’armée s’est dénaturée. C’est l’armée du type populaire qui est en vogue avec la création des CDR, du SNP, etc. C’est une armée belliqueuse, une armée assassine.

Nous avons là une armée nationaliste. Elle continuait de jouer le même rôle que celle qu’elle a remplacé. A la seule différence que la population était impliquée dans ses agissements. C’est le populisme.

Les tensions internes au CNR ont aboutit au coup d’état du 27 Octobre 1987. Notre armée est redevenue à sa norme d’avant le 4 Août 1983.

Petit à petit nous sommes arrivés au pluralisme politique avec la constitution du 2 Juin 1991.

Mais notre armée n’a pas suivi la monté de la démocratie. Au contraire, elle est devenue un poids mort pour l’avancée de la démocratie.

Notre armée s’est, par suite, cassée en deux (2) : une armée nationale dépouillée de tout et une armée personnelle (RSP) équipée de tout. Les deux (2) armées n’avaient pas les mêmes missions et les mêmes rôles. L’armée avait un rôle de développement social et d’action civique alors que la RSP avait pour fonction d’intervention militaire à l’intérieur et à l’extérieur pour le compte du Président Compaoré.

Il est vrai que l’armée en générale est dans le maintient de la paix, la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. Cela donne un plus value financier aux soldats et à l’armée. Cet aspect de la question des rentes financières, les trafics d’armes, d’or, diamants et autres du RSP sous le couvert de notre armée a fortement dénaturé l’institutions militaire.

Ne perdons pas de vue que notre armée a fait et défait régimes dans la sous région.

Une poigné de militaire dirigeait notre pays avec l’aide de quelques civils. C’est la primauté du droit militaire sur le droit civil. Il est évident que nous ne devons pas jeter l’eau avec le bébé. Notre armée, sous ses formes, rôles et missions divers a apporté un plus en terme de développement économique et social de façon individuelle et collective. Çà l’honnêteté intellectuelle nous exige de le dire. La démocratie étant le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, notre armée à failli à sa mission.

Sous la démocratie, l’armée n’intervient pas pour faire un coup d’état. Même s’il y’a blocages. Il y’a des institutions aptes à régler ces questions.

En démocratie, c’est la soumission du pouvoir militaire au pouvoir civil et non le contraire.

Mais le 16 Septembre 2015, l’armée a su faire sa mue en disant non au coup d’état de trop du Général Dienderé .Le 21 Septembre 2015, elle a opté pour le face à face avec le RSP. Elle a vaincu le RSP. C’est dire que la fraction saine de notre armée a permis qu’un Président du Faso soit démocratiquement élu le 29 Octobre 2015. C’est un des rôles majeur de l’armée, à savoir travailler l’enracinement de la démocratie dans la nation. En retour la démocratie doit permettre à l’armée de s’épanouir.

C’est dire que les forces armées Burkinabès doivent s’interdire de renverser un régime démocratiquement élu.

C’est une erreur si l’armée prend le devant dans la lutte contre le grand banditisme, la drogue et le terrorisme. Elle doit en réalité appuyer les services de police et douane. Cela permet de mieux définir le rôle des forces de défenses et de sécurité (armée, polices, agents des eaux et forêts, gendarmerie, douane, etc. )

Il faut arrêter d’imposer des solutions militaires pour soulager la pauvreté. Il existe des organismes civils de développement à cet effet.

En démocratie, quelles peuvent être les missions à confier à l’armée Burkinabè ?

Outre les missions traditionnelles, il est possible de confier des missions spécifiques à l’armée. La seule et unique condition est que cette mission serve au bien-être de l’intérêt général de toute la nation. Au cas où un autre organisme non-militaire est capable d’exécuter cette mission avec efficacité alors, la confier à l’armée peut s’avérer néfaste et même dangereux. En démocratie, il est utile d’intégrer l’armée dans la gestion des affaires de l’état. Mais il faut veiller à ce que les militaires, à travers ces activités ne tirent pas des positions privilégiées au sein du système politique. C’est à cette condition que la démocratie peut se consolider.

Dans un état démocratique, les missions non combattantes de l’armée doivent être bien étudiées. Ces missions ne doivent pas compromettre la mission essentielle de l’armée qui est la défense de la nation. Dans la gestion des affaires de l’état, les phénomènes de corruption, de népotisme, de détournement de bien publics et l’affairisme peuvent dénaturer l’armée et saper les fondements de la démocratie. L’utilisation abusive de l’armée dans les missions sociales peut conduire aux conflits avec les organes de la démocratie.

Alors que faire ? Comment choisir les missions non combattantes à assumer par notre armée ?

Nous allons donner quelques critères non exhaustifs.

1) Toute mission qui peut pousser le militaire ou l’armée à négliger l’intérêt général au profit de l’intérêt particulier ou corporatiste est à proscrire. Dès l’instant où le militaire ne défend que son intérêt corporatiste, il entre en compétition avec les partis politiques, les syndicats et les OSC. Mieux organisée et disposant de la puissance du feu, l’armée devient un danger pour la démocratie.

2) Toute mission qui peut être confié à une organisation civile ne peut être assumé par l’armée au détriment de celle-ci. En d’autres termes il faut éviter de créer la concurrence entre les militaires, l’armée et les civils, les entreprise privées ou étatiques.

3) Toute activité qui permettait à l’armée de tirer d’énormes profits et de bénéfices supplémentaires par rapport aux entreprises publics ou privés sont à éliminer. A terme cela va pousser l’armée à défendre ses propres intérêts au détriment de l’intérêt national.

4) Toute activité qui donne des avantages démesurés à un corps de l’armée au détriment d’un autre corps de la même armée est à proscrire. Elle crée une armée dans l’armée et une caste de militaire aisée au détriment des autres.

Tout cela pour dire qu’en démocratie, il faut éviter que le recours à l’armée contrarie le développement des institutions civiles.

La trop grande implication de l’armée dans les taches non combattantes surtout dans la politique intérieur peut avoir des conséquences néfastes pour la démocratie.

Pour l’essentiel nous pourrons retenir qu’il existe un réel danger pour notre pays que l’armée dans son engagement dans les missions alternatives non combattantes, voit ses capacité de combat, de discipline et de défense s’affaiblir. Cela va conduire l’armée à négliger sa mission essentielle. Il est vrai qu’avec la fin de la guerre froide les missions combattantes sont réduites. Il existe de nouvelles menaces pour notre nation et de nouvelles missions. Pour l’avancée de la démocratie, il faut légiférer clairement sur les missions de notre armée.

Construire notre armée doit se faire par notre peuple. Confier le destin de notre armée aux seuls militaires, c’est tuer en douceur, la démocratie.

Les lois fondamentales qui régissent notre nation (constitution, lois organiques sur le fonctionnement de l’armée, législation relative à la sécurité intérieur et extérieur, code pénal, etc.) doivent être l’œuvre de notre peuple et doivent tracer les limites précises aux activités de l’armée selon les différentes circonstances.

Nous sommes conscients qu’élaborer de telles lois par des civils est difficile. Il appartient à l’état de faire venir des compétences non militaires pour éclairer les politiques. Par suite civils et militaires écrivent les clauses dans l’intérêt que notre jeune démocratie .C’est le prix à payer pour que nous ayons un Burkina nouveau avec une armée nouvelle.

II. Quelles menaces pour notre nation et notre démocratie ?

Définir toutes les menaces possibles, permet de réformer l’armée et d’indiquer toutes les missions à lui assigner.

La définition correcte du rôle et des missions de l’armée dans notre nouvelle démocratie permet de mieux articuler le rapport entre le pouvoir civil et l’armée. Nous devons avoir à l’esprit que le contrôle du pouvoir civil sur le pouvoir militaire est un gage de réussite des fondements de la démocratie.

Toute armée a deux(2) menaces :
- Intérieures
- Extérieures

1) Les menaces extérieures

Les menaces extérieures sont de trois(3) ordres. Primo, le djihadisme et le terrorisme sont aux portes du Burkina. Secundo, le fait que beaucoup de politiciens burkinabè sont à l’étranger avec des militaires est une menace. Même si un pays attaquera difficilement le pays, des éléments militaires peuvent attaquer le Burkina à partir des pays voisins.

Tertio, le trafic de la drogue et d’autres trafics transnationaux sont aussi une menace pour la sécurité de notre pays.

2) Les menaces intérieures

Les menaces intérieures sont de quatre (04) ordres.
- La montée du grand banditisme en est une.
- La montée en puissances des luttes de types révolutionnaires est une donnée à prendre en compte.
- L’affairisme en tout genre est une menace latente.
- Les conflits entre religion, entre communauté entre corporation est une donnée sournoise à ne pas balayer du revers de la main.

Nous sortons d’un demi-siècle de règne militaire et de 27 ans de régime autocratique a tendance monarchique. De ce fait, les menaces citées plus haut ne suffisent pas à déterminer les rôles et missions de notre armée. Il est indispensable d’examiner les idées qui sont développées dans le pays sur les missions propres de l’armée et sont rôle dans notre société. Là interviennent des données sociologiques et philosophiques de la nation Burkinabè.

Le fond de la question est que notre nation se dote d’une doctrine militaire propre et adaptée à nos systèmes de valeurs

III. Quelles missions pour notre armée

Il est évident que notre armée doit avoir pour mission la défense de l’intégrité territoriale, d’action de combat et de renseignements.

Elle doit s’interdire de mener des actions subversives sur les autres états. C’est un signal de paix dans la région. Donc des missions orientées vers des opérations extérieures ne sont pas à envisager. Ce sont des opérations dangereuses et très coûteuses en termes de la mobilisation des ressources financières et humaines. Ces types de missions poussent à recruter trop de militaires. Ce qui peut plus tard provoquer des tensions entre les civils et les militaires et mettre en mal la démocratie.

De part ces missions extérieures, l’armée burkinabè est budgétivore. Il est nécessaire de réduire le nombre de militaire et le budget à lui allouer. Dans la définition des missions, des confrontations peuvent subvenir entre le pouvoir civil et militaire. Mais le pouvoir civil doit avoir un contrôle objectif et subjectif sur l’armée. C’est là que la puissance du pouvoir politique doit s’exprimer. Autrement la démocratie ne peut s’enraciner.

Les spécialistes des questions militaires montrent que sur les missions extérieures, le pouvoir civil contrôle mieux l’armée. Mais en revanche dans les missions intérieures, des erreurs graves entrainent des coups d’états et autres immixtions de l’armée dans l’arène politique et freinent le progrès de la démocratie. Le fait de confier des missions intérieures à l’armée perturbe gravement les relations entre le pouvoir civil et l’armée. Notre pays dans son dispositif sécuritaire est doté de la douane, la police, la gendarmerie, des agents des eaux et forets, des agents municipaux, etc. Notre armée doit s’interdire d’intervenir dans des champs d’actions politiques.

Il appartient au pouvoir civil de renforcer le pouvoir et les moyens de ces forces civiles et même paramilitaires.

L’armée en cas de péril grave peut et doit intervenir pour soutenir ces forces dans le temps et dans l’espace. Cela doit être une action ponctuelle, limitée dans le temps et dans un environnement précis.

L’armée de l’air et l’armée de terre, doivent avoir des unités très spécialisées pour soutenir les forces civiles, sans jamais prendre leur place.

Il est nocif que l’armée occupe des postes administratifs non militaires. Le pouvoir politique civil doit doter le pays d’entreprises commerciales, individuelles et technologiques capable de satisfaire les besoins de l’armée en tout temps et en tout lieu. Cela évitera la création des unités de productions purement militaires.

Notre armée doit revenir à la valeur de la « grande muette » si elle tient à jouer son rôle dans l’enracinement de la démocratie.

Le pouvoir et civil et l’armée doivent se compléter et jouer chacun son rôle. Les spécialistes des questions liants le pouvoir civil et militaire nous enseignent que lorsque l’institution militaire joue sa mission traditionnelle de défense extérieur de la patrie, il y’a un contrôle objectif du pouvoir politique civil sur l’institution militaire. Cela veut dire aussi que nous devons avoir des institutions civiles fortes, un gouvernement fort et une institution politique (pouvoir et opposition) unis.

Dès l’instant où l’armée s’octroie trop de missions non combattantes et non militaire, cela traduit la faiblesse ou l’absence d’institutions civiles fortes et capables d’exécuter ces missions. L’appareil politique exerce en ce moment un contrôle subjectif sur l’armée qui échappe à son contrôle total.

Nous pensons que :

1) L’armée ne doit pas assumer des missions intérieures élargies. Toute mission non combattante doit être assumée dans un délai limité et dans un espace réduit.

2) Les responsables politiques civils doivent éviter des discours tentant à minimiser le rôle de l’armée et du militaire dans la société.

3) La politisation de l’armée ne saurait être une bonne chose. Le pouvoir politique civil doit travailler à s’inspirer à l’institution militaire.

4) Les organisations civiles (partis politiques, syndicats, associations, etc.) doivent éviter de faire appel à l’armée dans la résolution de leur différents.

5) La mise sur pied d’institutions fortes est le gage de l’établissement de bon rapport entre pouvoir civil et l’armée.

6) L’armée et les militaires doivent avoir leur crédo de ne jamais renverser un régime issu d’une élection démocratique et pluraliste.

Pour ce qui est des missions de maintien de la paix, elles doivent s’élargir à l’ensemble des militaires et limitées dans un temps très réduit. Le pouvoir politique civil a le devoir respecter tous ces engagements vis-à-vis de l’institution militaire.



IV. Définir les rapports entre civil et militaire

Avant le 21 Septembre 2015, le peuple burkinabè était dans de mauvais rapport avec son armée avec l’action nocive du RSP et la force brute que certains militaires exerçaient sur la population.

Avec le retour à un pouvoir civil, il est indispensable de redéfinir les rapports entre civils et militaires.

Le pouvoir civil doit exercer un contrôle objectif sur l’institution militaire.

Cela suppose :

1) une professionnalisation accrue de notre armée.

2) l’acceptation par les officiers des limites de leurs compétences.

3) en matière de politique extérieur et de défense, les autorités politiques civiles doivent s’imposer aux militaires et prendre les décisions fondamentales sans être contrarier par l’institution militaire.

4) Le pouvoir civil doit accorder une autonomie totale dans les domaines purement militaire et exigeant l’expertise de l’armée à l’institution militaire et en particulier au militaire.

5) L’instauration d’une confiance et d’une collaboration franche entre le pouvoir militaire et le pouvoir politique civil. Cela signifie qu’il est nécessaire qu’il est un minimum de d’intervention des militaires dans le domaine politique et des hommes politiques dans le domaine propre à l’armée.

Nous sommes conscient que réformer l’armée burkinabè dans le contexte de jeune démocratie marquée par l’insécurité à l’intérieur et proche de nos frontières est un œuvre titanesque. Mais c’est mal connaitre le peuple burkinabè. Quand il veut, il peut et l’impose à la société.

Pour que les rapports civil et militaire se portent mieux, le pouvoir civil a le devoir de libérer son génie créateur pour :

1) affirmer son autorité sur la population en mettant fin à tout incivisme de tout genre.

2) rédiger une constitution que colle avec les réalités socioculturelles du pays et non faire du copier-coller des constitutions des puissances occidentales.

3) réformer le multipartisme intégral et créer toutes les institutions fortes et nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie burkinabè.

4) encourager le développement économique de marché. Mais lutter farouchement contre l’inflation, le chômage, les déficits de tout genre, l’entrée des produits nocifs et dangereux.

5) endiguer la criminalité croissante, le grand banditisme, la corruption, la consommation de la drogue, la prostitution.

Ces questions sont contenues dans les programmes des partis politiques reconnus au Faso.

Le pouvoir actuel et l’opposition doivent travailler pour la réussite de l’avancée de la démocratie. Autrement le peuple peut regretter et demander le retour de la suprématie militaire. La réforme de l’armée burkinabé est en cours. Elle doit être faite par le pouvoir civil assistée de quelques experts civils et militaires. Nous le rappelons, l’erreur à ne pas faire est de confier cette reforme à l’institution militaire.

Nous pouvons esquisser quelques pistes :

1) Une très grande transparence dans la politique de défense est nécessaire. Aussi le pouvoir de contrôle du parlement et de l’opinion publique sera accru.

2) Le ministère de la défense doit être mise sous la tutelle du pouvoir civil cela signifie que le ministre de la défense est toujours un civil et contrôle en pratique l’appareil militaire. La hiérarchie militaire a le devoir de se conformer à ses positions et décisions.

3) Le changement radical aux échelons les plus élevés de la hiérarchie militaire est nécessaire. Comme dans d’autres corps de l’état la périodicité des changements et affectations est définie. Le ministère à la défense étant le garant de la stabilité du système militaire, tous les trois (03) ans, les changements et mutation de la hiérarchie, des postes et de militaire de rang doit se faire.

Cela va permettre d’établir plus d’égalité dans l’armée, de contrôler les effectifs et d’avoir une idée de l’évolution de l’esprit des militaires.

4) Notre armée doit s’émanciper et quitter la tutelle des armées étrangères, surtout française. Cela permet de voir périodiquement de façon indépendante notre politique de défense.

5) Le retour à une neutralité politique de l’armée est absolument nécessaire.

6) L’armée doit être maintenue loin du domaine de la sécurité intérieure.

7) Pour la taille du pays, la taille de la population et l’amenuisassions de l’agression extérieur, la réduction de l’effectif militaire, est nécessaire. Cette réduction s’accompagne de la professionnalisation de l’armée, de son équipement en armes modernes et sophistiquées. Cette réduction de l’effectif militaire est compensée par l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie et autre corps civil et para militaire.

8) La révision du contenu de l’enseignement des écoles militaires dans le sens de créer des militaires acquis au progrès de la démocratie et techniquement aguerrie dans leur domaine militaire est utile.

9) Vulgariser les connaissances militaires dans nos écoles, à tous les échelons et créer des diplômes embrassant le domaine militaire dans les universités. Ainsi l’état sera doté de hauts cadres civils ayants des connaissances approfondies dans la gestion des affaires militaires.

10) En termes de salaires et de niveau de vie, la revoir à la hausse est nécessaire. En retour, le militaire doit être maintenu dans la discipline de gestion.

11) Le code pénal burkinabé, le code de la discipline militaire doit revoir à la hausse les sanctions et peines qu’en court un militaire fautif.

La prise en compte de ces quelques éléments de réflexion est bénéfique pour l’institution militaire car elle établit l’état de confiance entre le peuple et son armée.

Sachons que les réformes économiques dressent le peuple contre le pouvoir civil alors que les réformes militaires pèsent moins sur le corps social : réduction des obligations militaires, limitation de la violation des droits de l’homme par les militaires, libération des postes civiles occupés par les militaire…

Cela entraine des rapports sains entre militaire et peuple.

Il est évident qu’il y’aura toujours des militaires ou des corps militaires qui verraient mal ces nouveaux types de rapports. L’histoire récente nous enseigne que ceux qui s’oppose au pouvoir civil sont rattrapés plus tard et châtiés

Au vu des éléments évoqués plus haut, existent-ils des nouvelles missions pour l’armée burkinabé ?

Pour répondre à cette question, nous devons avoir à l’esprit la nature de notre armée :

1) Sa faiblesse politique fait qu’elle adore les coups d’états à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

2) Sa puissance politique lui confère des privilèges élevés.

Ces deux états sont liés à la nature des régimes qui ont géré les affaires de notre pays.

Sous cette nouvelle démocratie, que faire ?

La totalité des états de le sous-région sont des régimes « démocratiques ». Ce qui rend difficile les conflits entre voisin et rend indispensable la collaboration entre les nations. Lorsqu’un pays voisin est touché par une crise politico-militaire, il est évident que certains états seront contaminés. Ce qui fait que le principe de maintient de la paix devient une nécessité incontournable. Donc engager l’armée burkinabé dans les missions de maintient de la paix est à saluer.

L’armée burkinabé peut être dans des alliances ou coopération pour lutter contre les fléaux transnationaux : terrorisme, crime organisée, les bandes mafieuses. Ce sont des missions constructives et exigeantes. Elle apporte un plus aux connaissances et techniques militaire de nos soldats.

Le principe fondamental est de sortir l’armée burkinabé de sa politique d’expansion et la recentrer sur ses missions traditionnelles.

Pour que le pouvoir politique ait un contrôle objectif sur l’institution militaire,

Primo il lui faut être capable de promouvoir le développement économique et social et de faire respecter l’ordre et la loi.

Secundo, il faut des institutions démocratiques fortes et aussi que l’opposition dans la quête du pouvoir ne fasse pas appel à l’armée. A voir de près, les rapports entre civil et militaire, dépendent de la capacité de gestion des gouvernements démocratiques. Soigner les maux dont soufre la société dans son ensemble par le régime démocratiquement élu, permet de résoudre par la même baguette les maux qui affectent l’armée burkinabé.



V. Le contrôle du régime démocratique sur l’institution militaire

De 1966 au 29 Novembre 2015, le Burkina Faso n’a pas connu un régime politique véritablement civil, nous avons eu des alternances entre régime militaire et semi-militaire. C’est l’institution militaire ou une partie de l’institution qui avait le pouvoir politique. Donc les batailles politiques se terminent toujours par la victoire du clan de l’armée sur un autre. En réalité, c’est la dictature sur un clan de l’armée. Nous avons ainsi des états d’exceptions ou une partie de l’appareil militaire qui contrôle le pouvoir et le peuple.

Il a fallu que l’armée se mette du côté du peuple pour vaincre une branche de l’armée, le RSP, le 21 Septembre 2015.

Cela veut dire que la démocratisation de la vie politique est aussi due à l’action de l’institution militaire.

Même si le régime actuel est issu d’une élection démocratique, il est superflu de ne pas tenir compte du rôle joué par l’armée.

Le pouvoir actuel a la lourde tâche responsabilité de réformer l’armée, les forces de l’ordre et assurer son contrôle sur l’institution militaire. Cela n’est pas simple. Mais il appartient à l’armée d’aider à résoudre cette question

Le régime actuel connait bien l’armée et a une expérience de la gestion du pouvoir.De plus, il existe des institutions relativement solides comme les partis politiques, le parlement, des tribunaux, presse indépendante qui peuvent exercer quelques contrôles de l’action des militaires.

Le Burkina Faso a toujours connu des régimes autoritaires, soit d’essence purement militaire, soit en partenariat avec l’armée. Ainsi les officiers militaires ont occupé des postes politiques ou administratives élevés. Nous comptons beaucoup d’officiers multimillionnaires et quelques militaires. Les sous officiers et même les soldats ont vu leur salaire augmenté et ont eu d’énormes privilèges.

Le militaire au Burkina, a un niveau de vie plus élevé que le civil à diplôme égal. Faire revenir l’institution militaire dans sa mission naturelle et ramener le militaire au sein de la société dans les réalités économiques, sociale et financière ne sera pas une mince affaire. Et pourtant il faut réformer radicalement l’armée pour le recentrer sur les principes des processus de démocratisation de notre pays.

Les relations entre le pouvoir civil et l’armée peuvent se détériorer dans les cas suivants :
- La réduction du budget de l’armée ;
- La limitation de ses sources de revenus parallèles.

En fait c’est le partage du gâteau.

Pour réussir le processus de démocratisation, le pouvoir civil doit bénéficier d’un très large soutient populaire. Si c’est le cas, l’armée est contrainte de tenir compte et d’accepter toutes les réformes voulues par le gouvernement.

Mais, si le gouvernement ne parvient pas à mobiliser les masses et à élargir leurs activités, certaines forces occultes pousseront l’armée à aider le pouvoir civil et à le mater plus tard.

Le pouvoir civil peut assurer son contrôle sur l’armée si par les réformes économiques et sociales, il arrive à créer une classe moyenne forte, éclairée et instruite. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Retenons que notre économie est contrôlé par « des hommes d’affaires » peu instruits et n’ayant pas de une conscience nationale, mais familiale et personnelle.

Nous voulons ainsi dire que le contrôle du pouvoir civil sur l’armée n’est pas une affaire de texte et de lois. C’est la réussite de la prise en compte des aspirations de la population qui facilitera ce contrôle. Cela veut dire que le gouvernement a le devoir de travailler en étroite collaboration avec le peuple et réussir son programme politique, social, économique, culturel, technologique, moral et idéologique. C’est un travaille difficile ; mais possible. C’est un travail de longue alène. La phrase actuelle est une transition à mettre en œuvre pour garantir le caractère républicain des forces armées et des forces de sécurité intérieure : le pragmatisme politique est le meilleur outil pour stabiliser les rapports entre pouvoir civil et l’armée.

Notre dernier point est le risque de ‘’coup d’état silencieux » porté par des militaires à la retraites, ayant pris la disponibilité ou la retraite anticipée pour entrer dans la scène politique. C’est une question peu traitée à laquelle, nous devons mieux légiférer. Le risque potentiel est là. Un militaire de carrière, reste un militaire, même s’il ôte sa tenue.

VI. Les conflits possibles et les modes de résolution

L’histoire récente du Burkina Faso, nous enseigne que notre armée est constamment en conflit avec le civil :
- Les partis politiques et les organisations de la société civile (OSC) ;
- Le pouvoir politique civil ;
- Les institutions civiles de la démocratie

Dans la mise en œuvre des réformes militaires dans un tel contexte, les risques directs ou latents de conflits sont inéluctables. Citons quelques situations conflictuelles possibles :

- Le choix de la doctrine militaire relève du pouvoir civil. Mais il dépend en grande partie de l’institution militaire. Si le pouvoir civil dispose des cadres civils compétents en matière de stratégie de défense et de sécurité, le problème sera moindre. Dans le cas contraire, le pouvoir civil aura une marge de manœuvre très mince. C’est le cas du Burkina Faso. L’enseignement civil général et technique à tous les échelons n’ouvre pas de programme et de diplôme qui permet d’avoir des connaissances approfondies en la matière. La résolution d’un conflit en matière de choix n’est possible que par la prise d’un ensemble complexe, de mesure, de lois, de dispositifs institutionnelles et de pratiques sociales.

- Le budget alloué à l’institution militaire est une source de conflit. Il est clair que le militaire rejette une réduction de son budget. Eviter ce conflit impose à respecter certains principes.

1) L’état major général doit faire partie intégrante du ministère de la défense et son chef commande aux forces armées par délégation du ministre.

2) Les instances civiles du militaire doivent gérer le budget de la défense et les achats de matériel militaire, établissement des programmes de recherche et de développement, assument les relations avec le pouvoir législatif et veillent à l’éducation des troupes pour s’assurer qu’elles ont acquise une valeur de la démocratie et de nation.

3) Le pouvoir civil à travers le ministère de la défense, supervise directement les services du personnel militaire, les services de contrôle les capacités au combat des forces armées et les services spéciaux. Ce sont des éléments à ne jamais confier au chef d’état major.

Par contre, le commandement, la préparation des opérations la formation au combat et autres tâches techniques doivent relevés des instances militaires. Le chef d’état major doit être consulté sur toutes questions militaires dont la budgétisation. En revanche, le ministère de la défense est habilité à donner des ordres à tous les responsables de l’armée, quelque soit leur grade, y compris le chef d’état major. Le pouvoir disciplinaire sur l’ensemble du personnel militaire relève du ministère donc du pouvoir civil.

Vu sous cet angle, le budget de l’armée ne saurait être source de conflit. Le pouvoir législatif (parlement) qui vote le budget sera plus à l’aise.

En démocratie, et surtout en option socio-démocrate, le Président du Faso ne peut être le ministre de la défense. Cela à terme peut poser des problèmes entre les militaires et le Président. Le pouvoir exécutif sera ainsi incapable de juguler une telle crise. Un ministre de la défense civil est la meilleure formule. Les pouvoir civils (exécutif, parlementaire, judiciaire) auront les coudées franches pour parer à tout conflit entre gouvernement et militaire. C’est dire le Président du Faso, à un moment donné doit se décharger des tâches de la défense.
- La nécessité d’une législation encadrant la déclaration de l’état d’urgence ou d’une loi martiale est urgente. Cela veut dire qu’il faut établir des règles pour éviter un conflit de leadership entre le pouvoir civil et l’armée.
- Une mauvaise gestion financière, des ressources humaines et du matériel par le pouvoir civil constitue une source de révolte du corps militaire.

VII. Les perspectives

Notre armée doit être réformée pour mieux jouer son rôle dans le nouveau Burkina et dans cette nouvelle voie du processus démocratique. Cela est possible. Tout est possible quand on est réaliste, pragmatique et patient.

Nous devons :

1) Instaurer un nouveau contrat entre l’armée et la société burkinabé dans son ensemble. N’ayons pas peur de le dire, entre la société burkinabé et l’armée il s’est crée un grand fossé. Même l’intervention de l’armée contre le RSP n’est pas suffisante pour rétablir la confiance. Cela veut dire que l‘institution militaire doit savoir sa force et son rôle dans la société burkinabé. Le pouvoir politique civil doit éduquer la population pour le respect du militaire et la chose publique. Il faut plus de justice et d’équité entre le militaire et le civil. Tout simplement il faut bâtir un Burkina de type démocratique et prospère fondé sur les valeurs de :

• la démocratie, la justice sociale et la liberté d’opinion en vue d’une participation responsable des citoyens au développement du pays ;

• le progrès économique, la solidarité et la participation responsable de tous au développement de la nation et à la gestion des affaires publiques ;

• un développement inclusif et une croissance partagée ;

• l’égalité d’accès aux services sociaux de qualité et à l’emploi ;

• la libre entreprise en accord avec les lois, les normes techniques et environnementales du pays.

2) Le Burkina Faso, terre des hommes intègres, ne doit pas être de vains mots. Nous devons retourner à l’intégrité et bonnes valeurs (mœurs, morale, civisme). C’est un travail de longue haleine. Aucun texte ou loi ne peut résoudre cette question. Il faut une volonté du pouvoir politique civil, de l’institution militaire et de la société burkinabé.
Sachons que le retour à l’intégrité a des exigences :
– exigence d’amour pour son peuple ;
– exigence du travail bien fait ;
– exigence de solidarité
– exigence de justice ;
– exigence de réconciliation du peuple burkinabé avec son histoire ;
– exigence de bonne gouvernance ;
– exigence d’égalité de chances ;
– exigence de comportements citoyens

3) L’armée ne doit jamais interférer dans une confrontation entre les institutions civiles. Elle doit s’interdire de renverser un régime civil élu démocratiquement par le peuple. L’armée n’a pas la vocation d’arbitre dans le corps social.

VIII. CONCLUSION

Depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre, le Burkina Faso a changé. Les rapports entre le pouvoir politique civil et l’institution militaire a changé aussi. Le Conseil National de la Transition a amorcé le changement en légiférant pour des questions militaires. La nécessité d’aller au-delà de la simple loi s’impose. L’armée a besoin d’être refonder et réformer. Pour y arriver nous devons savoir aujourd’hui et demain quelles sont les dangers qui menacent la sécurité national.

Pour l’essentiel, les menaces sont d’origines intérieures. Cela ne veut pas dire que le recours à l’armée est désuet et qu’elle doit être mise à l’écart au détriment des forces civiles et para militaires. Non ! Il s’agit de trouver un équilibre entre pouvoir civil et l’armée. Pour être plus précis, il s’agit d’attribuer les rôles spécifiques à l’armée et au pouvoir civil. C’est la règle en démocratie de type libérale en vogue comme suit :

1) Rôle de l’armée

Les forces armées sont responsables de leurs actes devant la loi, comme tout burkinabé et tenu de se soumettre à l’autorité politique civile. Elles doivent se tenir au dessus du débat politique et n’avoir aucun engagement partisan.

2) Rôle du pouvoir civil

Le pouvoir politique civil est tenu de reconnaitre que l’armée est un organe légitime spécial dans l’état démocratique en construction et de donner les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs différentes missions précises qui leurs sont attribuées. Le pouvoir politique est tenu aussi d’acquérir par lui-même les connaissances et compétences qui leur sont nécessaires pour gérer correctement les questions militaires.

Malgré tous ces dispositifs, les conflits entre le pouvoir politique civil et l’institution militaire peuvent naitre. Dans ce cas, la seule et unique arme demeure être le DIALOGUE. Le dialogue et la concertation doivent être permanents dans tout conflit et particulièrement entre l’armée et le civil. Cela veut dire qu’il faut encourager le dialogue à tous les niveaux de la gestion des affaires de la nation. La diplomatie peut être un instrument au servie de ce dialogue. Retenons que tout conflit se termine autour de la table du dialogue. Faisons en sortes que tout commence par le dialogue et se termine par le dialogue

Nous terminons en exprimant les vœux qui nous sont chers :
- Que la hiérarchie militaire et les militaires acceptent le sacrifice nécessaire à l’approfondissement de notre jeune démocratie.
- Que le pouvoir politique accepte que l’armée joue le véritable rôle qui est le sien en lui donnant des moyens spécifiques nécessaires à son épanouissement dans cette nouvelle démocratie en marche.

Pour réaliser ce travail nous avons consulté plusieurs écrits dont les principaux sont :
– Le rôle de l’armée en démocratie : Larry Diamond et Marc Plattner
– Mon programme : Mr Roch Marc Christian KABORE

GONDE SEYDOU

Seyd.gond@gmail.com

Source: LeFaso.net